C'était le 3 juillet 2018 à Nantes. Dans le quartier du Breil, un jeune homme de 22 ans, Aboubacar Fofana, était tué après un tir déclenché par un CRS lors d'un contrôle policier auquel il avait tenté de se soustraire. Fin avril 2023, le juge d'instruction a clôturé son enquête et décidé de renvoyer le policier devant la cour criminelle du chef de "coups mortels". Cette qualification est contestée par les avocats de la famille qui ont formé appel.
Aboubacar Fofana est mort d'un tir de CRS lors d'un contrôle policier le 3 juillet 2018 dans le quartier du Breil à Nantes.
Cinq ans plus tard, le juge d'instruction chargé de l'affaire a terminé ses investigations.
Il a décidé de renvoyer le dossier devant une cour criminelle pour des faits de "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", une qualification aussi désignée sous le nom de "coups mortels".
Maître Anne Bouillon, avocate de la famille aux côtés de maître Franck Bouezec, annonce avoir fait appel de cette décision auprès de la cour d'appel de Rennes.
L'objectif est d'obtenir que les faits soient qualifiés de meurtre, ce qui permettrait de pouvoir "discuter de l'intention d'homicide au moment du tir" lors du procès.
On a fait appel, on conteste cette qualification. La famille n'est pas satisfaite.
Anne BouillonAvocate de la famille d'Aboubacar Fofana
Le recours devrait être étudié par la cour d'appel de Rennes dans le courant du mois de mai. "On espère une décision en juin", précise Me Anne Bouillon.
Tué lors d'un contrôle de police
Les faits pour lesquels le CRS sera traduit en justice remontent au mardi 3 juillet 2018. Il est aux alentours de 20h30 lorsque Aboubacar Fofana, 22 ans, est contrôlé par la police dans le quartier du Breil, au volant de sa voiture.
Le contrôle policier tourne mal, le jeune homme décline une fausse identité. Il refuse également d'obtempérer.
Le conducteur, "faisant mine de sortir de son véhicule, a fait une marche arrière et a percuté un fonctionnaire de police, le blessant légèrement aux genoux", indique à l'époque Jean-Christophe Bertrand, à la tête de la Direction départementale de la Sécurité publique (DDSP), "ce qui a entraîné immédiatement une réplique d’un de ses collègues, qui était en sécurisation du contrôle et qui a utilisé son arme, blessant grièvement le chauffeur du véhicule".
Aboubacar Fofana reçoit une balle dans le cou et décède des suites de ses blessures. Le CRS, auteur du tir, est immédiatement placé en garde à vue et mis en examen pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort.
Il invoque d'abord la légitime défense devant l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, mais cette version ne concorde pas avec les éléments techniques constatés. L'homme change alors de discours et parle de tir accidentel.
Émeutes dans plusieurs quartiers à Nantes
Dans les jours qui suivent la mort du jeune homme, une onde de choc et de colère embrase les quartiers nantais du Breil, mais aussi des Dervallières, de Malakoff, de Beaulieu ou encore des Bottières. Des émeutes s'y déroulent pendant 3 jours.
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Un cabinet médical, un local d'association et des voitures sont incendiés. "Ça a brûlé parce qu'on avait la haine contre la police", commentait un jeune du quartier du Breil en 2019, un an après la mort d'Aboubacar Fofana.
Une lente procédure
En parallèle commence une longue procédure d'instruction judiciaire. Elle durera 5 ans, un délai "effroyablement long et très éprouvant pour la famille. Pourtant, ils sont solides", relève Me Anne Bouillon.
Le CRS n'a été entendu que 2 ans après les faits, le 23 juin 2020, par le juge d'instruction alors en charge du dossier, le juge Laurent. "Il y a un risque de déperdition de la vérité", avait remarqué Frank Boezec.
De son côté, la famille de la victime a pu être auditionnée le 14 juin 2022, à la suite d'un changement de magistrat chargé de l'instruction, et 4 ans après la mort d'Aboubacar Fofana. Un délai "hors norme en matière de justice" selon Franck Boezec.
Il faudra encore attendre pour le procès de l'auteur du tir, qui devrait avoir lieu "au mieux dans la première moitié de l'année 2024", estime Me Anne Bouillon.
Si la cour d'appel de Rennes requalifie les faits sous le chef de meurtre, le policier auteur du tir comparaîtra devant une Cour d'assises.