Il avait reçu une obligation de quitter le territoire français(OQTF), finalement Falmarès obtiendra dans quatre semaines un titre de séjour d'un an. Un soulagement pour le jeune poète guinéen qui vient de publier son troisième ouvrage littéraire.
Rendez-vous était pris à 11 heures. Vu l'enjeu, Falmarès n'avait pas une seconde de retard. Il est arrivé tout sourire, comme à son habitude. De cette rencontre pourtant dépend son avenir. Il doit enfin obtenir, après des mois d'attente et d'incertitude, un titre de séjour.
Le jeune exilé guinéen, poète prodige, n'est pas venu seul. Il est accompagné par Gaspard Norrito, son ami de toujours et président de son comité de soutien. Falmarès a le visage lumineux, il ne laisse rien paraître de l'angoisse qui lui serre la gorge. Il est comme ça Falmarès, il a vécu le pire mais donne et renvoie toujours le meilleur.
Soulagé mais prudent
"On vient de me donner un récipicé en me disant que j'aurais ma carte de séjour dans un mois. Je me sens soulagé mais j'étais venu avec l'espoir d'obtenir un titre aujourd'hui.", avoue d'entrée de jeu Falmarès.
L'entretien aura duré à peine une heure. A la clé une jolie promesse. L'obtention d'un titre de séjour valabe un an mais pas tout de suite, dans un mois le temps que le dossier et les relevés d'empreintes soient envoyés à Paris.
"On vient de me donner un récépissé en me disant que j'aurais ma carte de séjour dans quatre semaines. Je me sens soulagé mais j'étais venu avec l'espoir d'obtenir un titre aujourd'hui. J'ai 90%de chance de l'avoir dans un mois", explique Falmarès.
Une bonne nouvelle oui mais la boucle n'est pas encore totalement bouclée.
On doit rester prudent. C'est une décision humaine. On ne sait jamais. Tant qu'on n'a pas la carte de séjour dans la main on ne peut pas être rassuré à 100%
"Tout cela c'est grâce à la mobilisation, le courage et les efforts fournis". Falmarès le sait, il n'est pas seul. Et ce titre qu'il espère tant va désormais lui ouvrir toutes les portes. "Tant qu'on ne l'a pas, on est pas stable pour aller à l'école, au travail, pour poursuivre ses études. Heureusement pour moi, comme la demande était en cours de traitement j'ai pu continuer tout ça. C'est ça qui m'a sauvé."
Emotionnellement c'est dur. Chaque jour qui passe est difficile. Je suis stressé. Même si je ne le montre pas, pour ne pas transmettre aux personnes qui m'entourent et me soutiennent mes angoisses. Je suis toujours inquiet...
"Nous restons vigilants. Si Falmarès reçoit ses papier c'est parce qu'il y a eu une forte mobilisation autour de lui. Alors oui nous sommes satisfaits bien sûr mais nous n'arrêtons pas le combat", déclare Gaspard Norrito au sortir de la préfecture.
C'est un premier pas, un petit pas qui doit en amener un autre et qui justifie notre démarche de soutien inconditionnel et massif à sa régularisation
"C'est le préfet qui a validé le titre de séjour d'une durée d'un an. Un an c'est très vite passé. C'est une première satisfaction mais il faudra que cette carte perdure dans le temps. Nous restons vigilants et mobilisés autour de Falmarès. Nous sommes des milliers, dans le monde citoyen, humanitaire, littéraire et politique", ajoute le président du comité de soutien.
Sans ce formidable élan de solidarité autour de Falmarès, l'ordre de quitter le territoire français émis en avril dernier aurait été exécuté, comme pour tant d'autres
L'année qui s'achève aura été forte en émotion. Un bac pro mention bien, un nouvel employeur, une inscription en BTS et la publication d'un troisième recueil de poésie "Lettres Griotiques". Une formidable aventure qui n'aurait pas été possible sans le couple d'éditeur du jeune homme. Jusque là discrets, ils ont fait le déplacement depuis le Morbihan jusqu'à Nantes aujourd'hui. Ils ont été les premiers à accueillir Falmarès. Ils sont "la famille".
"C'était une évidence, on a tout fait pour être là, c'était obligatoire", sourit Armelle. "Ça a été un combat de tellement de personnes que l'on n'a pas hésité une seconde à venir. Nous sommes une toute petite maison d'édition. Nous nous attendions à une petite mobilisation autour de Falmarès mais pas 22000 personnes!", se réjouit pour sa part, Joël.
C'était tellement beau ce qu'écrivait Falmarès, que l'on ne pouvait pas passer à côté de ses textes.
"Tout le monde est tombé sous son charme. Non, il ne nous doit pas sa carte de séjour, il ne la doit qu'à lui et à son talent. Nous, nous avons juste eu le flair de découvrir un auteur", poursuit Armelle.
Falmarès, de son vrai nom Mohamed Bangoura, arrivé à Nantes (Loire-Atlantique) en 2017, reconnu pour sa poésie, avait réçu une OQTF (obligation de quitter le territoire français) le 21 avril dernier. Cette décision administrative le menaçait d’un retour dans son pays natal. Le jeune lycéen en alternance avait alors prévu de commencer une grève de la faim. "Je trouve la décision de la préfecture absurde et inacceptable", avait-il déclaré à l'époque.
La poésie, sa thérapie
J’ai quitté la Guinée à 14 ans après le décès de ma maman. J’ai traversé le Mali, l’Algérie, la Libye, et la Méditerranée dans des conditions inhumaines. Nous étions 180 personnes entassées sur un zodiac de 7 mètres avec des femmes et des enfants.
En Italie, où il reste pendant plusieurs mois, la lecture de poésie lui permet de s’endormir "Au début, ce n’était pas une passion, mais une forme de thérapie". Il arrive en France, à Paris puis à Nantes, et se met à écrire pour lâcher prise. Les mots le soulagent de tout.
Le jeune homme fréquente les médiathèques, rencontre des écrivains et se fait connaitre dans le milieu. Il croise ainsi la route du poète lorientais Joseph Ponthus, décédé en février 2021, "un ami, un frère pour moi". Le travail finit par payer. Falmarès reçoit un prix et fait éditer deux recueils de poèmes.
Lecture et dédicace de mes recueils de poèmes hier à l'inauguration officielle de la Librairie #ÀLaLigne, à #Lorient avec Joëlle et Armel Mandart. Et nous avons rendu hommage à mon très cher et défunt ami Joseph Ponthus pour son 43 ème anniv. #Falmarès #DONNERLEMAX #poésie pic.twitter.com/s15jeSEsqH
— Falmarès (@Falmars1) September 6, 2021
Un appui des candidats aux régionales
Son histoire avait fait réagir les candidats aux élections régionales des Pays de la Loire. Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire et leader écologiste pour les Régionales, a notamment échangé avec le préfet pour faire réexaminer le dossier de Falmarès. De son côté, Guillaume Garot, député socialiste de Mayenne et tête de liste PS, s'était également emparé de l'affaire.
Contactée, la préfecture avait indiqué à l'époque que le dossier du jeune homme ferait l’objet "d’un examen attentif" par Didier Martin, préfet de Loire-Atlantique.
Un comité de soutien pour le poète
Des amis du jeune homme, réunis au sein du comité de soutien au poète Falmarès comptaient également demander à d'autres élus du territoire d'intervenir, “quelque soit la couleur politique, hormis l’extrême-droite", affirmait alors Gaspard Norrito, président du comité de soutien. "Nous trouvons cette décision complètement scandaleuse. La France est son pays de cœur. Falmarès ne peut pas revenir dans son pays, ce serait un traumatisme supplémentaire."
Son cas est emblématique d’une politique migratoire, hélas, très inhumaine
Les comités du MRAP (mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) de Nantes et Saint-Nazaire avait également apporté leur soutien au jeune poète.
Falmarès aujourd'hui peut enfin respirer. Il a toute une année devant lui. Nul doute qu'il continuera à arpenter les rues nantaises à la recherche d'un mot, d'une émotion, d'une histoire à écrire. Avec un rêve toujours accroché au coeur. Pouvoir un jour obtenir la nationalité française...