Ce samedi 5 décembre, 5000 personnes manifestaient dans les rues de Nantes contre la loi "sécurité globale". Des heurts ont eu lieu, plusieurs membres des forces de l'ordre ont été blessés. Choqué par ce qu'il a vécu, un policier a voulu partager sa colère. Un syndicat a relayé son message.
C'était samedi 7 décembre à Nantes.
Il était 17h environ. Sur la passerelle Schœlcher à Nantes, près du Palais de Justice, des policiers étaient face à face avec des manifestants qui voulaient en découdre. Des objets volaient, les gaz pleuvaient.
Soudain, c'est un cocktail Molotov qui est envoyé sur un groupe de policiers. L'engin tombe, explose et arrose un des hommes qui est là. Sa tenue prend feu.
"collègue en feu !"
La suite, c'est un de ses collègues qui la raconte."J'ai hurlé : collègue en feu, collègue en feu !. Je me sentais démuni, impuissant, avec ce bouclier, des projectiles, puis je hurle encore aux collègues qui, avec moi, tentent d'éteindre Stef (le policier touché). Mettez-le au sol ! J'ai l'image d'un collègue qui lutte pour sa survie, le torse, le masque à gaz, les gants en feu...Désorienté, désarticulé... Puis ensuite de longue minutes à prendre soin de lui, à préparer sa prise en charge par les SP (sapeurs-pompiers), pour qu'elle soit rapide."
Le policier qui a mis ce témoignage sur un réseau social en interne est effondré. Il a été profondément choqué par ce qu'il a vu et vécu.
"Putain, franchement, je chiale comme un gosse depuis hier soir" termine-t-il ce dimanche.
"Ce ne sont pas des robocops !"
Ce message qu'il a communiqué en interne à ses collègues, un représentant syndical l'a partagé plus largement.Stéphane Léonard est un élu du syndicat SGP Police et il était sur le terrain lui aussi ce samedi. Il conduisait un véhicule pour prendre en charge les personnes interpellées. Il a assisté non loin de là à la scène. Bien que policier et habitué aux affrontements, il a été touché par ce témoignage qu'il a reçu.
"C'est un humain, se révolte-t-il, quelqu'un qui a morflé !" Pour Stéphane Léonard, il est temps que l'on "réhumanise" ces policiers qui sont harnachés, casqués, protégés au point d'en devenir dépersonnalisés. "Ce ne sont pas des robocops, s'insurge le syndicaliste, ces sont des hommes !"
Quand au policier qui a été touché par le cocktail Molotov, dit-il : "Heureusement qu'il avait son équipement, une cagoule, il a été brûlé au 1er degré au visage et au 2ème degré aux mains. Un deuxième policier a été brûlé dans le dos (photo) mais a continué le maintien de l'ordre et un troisième a perdu connaissance, soufflé par le blast du cocktail Molotov."
Le contexte des violences dont se rendent coupables certains policiers explique aussi cette volonté de témoigner. La profession a le sentiment d'être clouée au pilori.
Les policiers envisagent de ne pas descendre des cars
"Combien de collègues ont sauvé des gens qui tentaient de se jeter du pont de Cheviré en se mettant eux-mêmes en danger ?" fait remarquer ce policier qui entend la colère gronder dans les rangs. Certains envisagent de ne pas descendre des cars à la prochaine manifestation tant le sentiment de ras-le-bol est partagé."Dans ce contexte très difficile, on a besoin de la population lance Stéphane Léonard. Il faudrait que les gens arrêtent de faire les badauds (lors des manifestations qui dégénèrent). Ce n'est pas un spectacle. J'ai vu des enfants venir avec leurs parents prendre des photos ! "
Le policier explique que lorsque la manifestation dégénère, la présence de passants gène le travail des forces de l'ordre. Et il en appelle aussi aux syndicats organisateurs de manifestations pour qu'ils contribuent à isoler les groupes de casseurs parfaitement identifiables et qui se protègent au milieu du cortège "les isoler pour que les forces de l'ordre interviennent en toute sécurité."
"Les casseurs n'étaient qu'une cinquantaine, estime-t-il, et le message, les revendications des manifestants qui défilent pacifiquement sont complètement pourris par ces casseurs. On ne retient plus que les violences."
Le représentant de SGP Police, se fait le porte-parole de ses collègues qui ne veulent plus passer leur samedi à faire du maintien de l'ordre. "Un samedi c'est cher aussi pour les policiers qui voudraient bien eux aussi faire leurs courses de Noël en famille. Faut pas croire que les collègues sont contents d'être rappelés un samedi pour prendre leur matraque !"
Le témoignage du policier qui a porté assistance à son collègue blessé a fait le tour de la profession dans l'ouest et probablement, aujourd'hui, plus largement en France.
C'était un samedi... à Nantes.