Leurs conditions de travail n'ont rien à envier à leurs homologues du public : même cadences infernales, même manque de personnel...mais leur fiche de salaire mensuelle sont inférieures de près de 200 euros. Les sages-femmes du privé sont en grève, exemple à Nantes à la clinique Bretéché.
Il est sage-femme depuis 10 ans à la Clinique Bretéché à Nantes.
Pierre Le Vraux porte la parole de ses consœurs. Comme elles, il est en grève depuis la rentrée de janvier.
Enfin, en grève...en service minimum plutôt car les travailleurs de la santé n'ont pas le droit de faire grève, ils sont réquisitionnés pour que leur service continue de fonctionner à minima.
Alerter les médias est donc quasiment le seul moyen de se faire entendre, car depuis des mois, ils et elles s'épuisent à interpeller la fédération hospitalière privé, qui refuse de prendre en compte leur ras-le-bol, leur fatigue, leur usure prématurée
Le salaire, première cause du malaise
Pierre est bien placé pour en parler : sa femme est aussi sage-femme, mais dans le public.
Il a beau avoir été embauché le premier, (sa femme n'a que 8 ans d'ancienneté), ils ont beau tous deux avoir fait les mêmes études, un bac+5, en cumulant les primes versées dernièrement par l'état (environ 500 euros), leurs feuilles de salaires affichent un différentiel de 175 euros par mois.
Environ 2 500 euros pour elle, 2 300 pour lui.
"Et pourtant, explique Pierre, nous avons fait la même école, nous faisons exactement la même chose au quotidien, dans les mêmes conditions !"
Seulement voilà, son épouse est fonctionnaire alors que lui est considéré par sa convention collective comme un agent de maîtrise et restera, s'il fait toute sa carrière dans le privé, payé comme un bac+2. En fin de carrière, il gagnera 1 700 euros de moins que s'il travaillait dans le public.
Cet écart de salaire, et en général la faiblesse des salaires des sages-femmes, a un effet délétère sur la profession qui peine à recruter.
La profession de sage-femme n’attire plus. Et la durée d'exercice d'une sage-femme à l'hôpital ou dans le privé est de 7/8 ans, pas plus
Pierre Le Vraux, sage-femme
"Le fait que les salaires soient si bas pour une formation si exigeante fait que les jeunes femmes préfèrent s'installer en libéral...le nombre d’étudiants en PACES choisissant la filière maïeutique a brutalement diminué de 20% depuis 2 ans".
Un décret devenu obsolète
Le conflit qui les oppose à leur direction, n'est pas dirigé contre la clinique en tant que telle. C'est une histoire de statut.
"Notre profession est régie par un décret qui date de 1998, qui fixe le nombre de sages-femmes en salle d'accouchement. Seulement, depuis 24 ans tout a changé, la moitié des maternités a fermé, on n'a plus le même nombre de chambres, de lits".
Résultat : le service est quotidiennement débordé.
Lors de ses gardes de 12 heures, Pierre assiste pas moins de quatre patientes. "mais il faut aussi suivre les maternités programmées, les consultations, préparer les chambres, approvisionner le pharmacie, répondre au téléphone... plein de tâches annexes usantes, épuisantes".
Nous ne sommes que 2 par garde et une auxiliaire de puériculture, et parfois, quand on suit 9 patientes à la fois, il en faut peu pour qu'une catastrophe arrive !
Pierre Le Vraux, sage-femme
La clinique Bretéché respecte scrupuleusement la loi...mais que faire quand la loi est obsolète ?
En France, 92% des professionnels, soit 2 049 sages-femmes des établissements de la Fédération Hospitalière Privé, qui assurent 1/4 des accouchements chaque année, ont donc décidé de se mettre en grève, certaines ont même décidé de loger chez des amis pour fuir les huissiers qui leur apportent leurs ordres de réquisition...
Une vingtaine de cliniques ou d'hôpitaux privés sont concernés par ce mouvement de grève.
À la clinique Bretéché à Nantes, des négociations sont en cours mais les rencontres entre les salariés et leur direction n'ont pour l'instant pas abouti.