Une peine "dissuasive" de cinq ans de prison, dont trois ferme, a été requise jeudi devant les assises de Loire-Atlantique contre une transsexuelle de 46 ans, jugée pour avoir injecté en 2011 une dose mortelle de silicone à un Israélien désirant "féminiser son corps".
L'avocat général, Olivier Bonhomme, a demandé à la cour d'assises de déclarer coupable Ariana Cabezas Tubon, née Luis Carlos en août 1970 à Guayaquil, en Equateur, des faits d'"administration de substance nuisible ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et d'"exercice illégal de la médecine".
Ariana, réputée pour ses injections
La victime, Michel, un transsexuel israélien de 27 ans, avait eu recours aux services d'Ariana, réputée dans le milieu transgenre pour ses injections, via Facebook, et s'était fait injecter deux litres de silicone dans les fesses, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2011, à Nantes. Admis aux urgences, il avait succombé le 12 novembre.Pour l'avocat général, Mme Cabezas Tubon a "délibérément administré une substance nuisible". "Elle savait qu'elle agissait mal, pour de l'argent" et "mérite une sanction dissuasive, une peine qui la renvoie en détention, sans qu'elle ne soit trop sévère", a expliqué M. Bonhomme.
Elle encourt 15 ans de réclusion
Il a requis cinq ans d'emprisonnement, dont deux assortis du sursis, à l'encontre de l'accusée, qui a déjà effectué dix mois de détention provisoire après sa mise en examen en novembre 2011. Mme Cabezas Tubon, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire depuis lundi, encourt quinze ans de réclusion criminelle.Cheveux bruns mi-longs coiffés d'une frange et d'une couette en hauteur, l'accusée, titulaire d'une carte de résident en France valable 10 ans, a reconnu avoir procédé en 2010 et 2011 à une quinzaine d'injections clandestines de silicone sur des transsexuelles, un produit, a-t-elle admis mercredi, qu'elle savait nocif et illégal, depuis son interdiction en France en mai 2000.
"Pourquoi fait-elle cela ? Par empathie, pour se rendre utile auprès de femmes en détresse ? Je ne crois pas. La réponse est plus prosaïque et cynique. Elle fait du commerce, elle exploite l'envie de ces femmes d'avoir le corps parfait jusqu'au bout des ongles. Ce n'est pas pour la gloire, elle injecte pour de l'argent", a lancé jeudi matin l'avocat général.
"Elle achetait à Paris le silicone autour de 150 à 200 euros le litre, le revendait à ses clientes 1.000 euros. Sur cette courte période, 15.000 euros, c'est un profit qui n'est pas négligeable", a ajouté Olivier Bonhomme. A la cour, Ariana a expliqué avoir appris à faire des injections "de façon propre et responsable" auprès du médecin équatorien qui l'a opérée des seins et des organes génitaux en 1998, quand elle était encore Luis Carlos.
Un "service après-vente"
Elle a commencé "à faire petit à petit des injections à des copines", a raconté Ariana. Elle utilisait des aiguilles achetées en pharmacie, des compresses et du papier médical, elle faisait attention à l'hygiène. Elle assurait même "un service après-vente" et pouvait faire des "retouches" si nécessaire, a souligné l'avocat général.Avec Michel, "tout s'est déroulé comme prévu, sauf le résultat", a déclaré M. Bonhomme. Quelques heures après l'injection, dans un appart-hôtel de Nantes, il avait ressenti de premières douleurs abdominales. Admis au CHU avec un pronostic vital engagé, il était décédé environ trois semaines plus tard.
Incarcérée le 10 novembre 2011, Ariana avait nié dans un premier temps être l'auteur de l'injection. Elle n'avouera que le 15 mai 2012. "Je savais qu'il y avait des risques mais je ne pensais pas que ce qui est arrivé à Michel pouvait arriver. (...) Je ne voulais pas lui faire de mal", a déclaré Ariana, en pleurs, mercredi lors de son interrogatoire sur les faits. La décision de la cour d'assises est attendue dans la soirée.