"Ni ici ni ailleurs", le collectif "Colère" lutte contre la création d'un centre de Rétention Administrative à Nantes

En octobre 2022, le ministère de l’Intérieur annonçait sa volonté de construire un centre de rétention administrative dans le département de Loire-Atlantique. Des organisations associatives, syndicales et politiques se sont réunies pour s’y opposer. Ainsi est né le collectif "Colère", de plus en plus actif sur Nantes, il entend sensibiliser la population et empêcher l'ouverture d'un tel établissement sur la métropole.

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En ce mois d'octobre 2022, Nantes est touchée par une succession de faits de violence. Ni une ni deux, Gérald Darmanin fait le déplacement. Il descend de la capitale, pour annoncer des renforts et faire le point sur une situation qui ulcère la droite depuis des mois déjà.

Dans ce contexte médiatique et politique, l'annonce passe presque inaperçue. 

Une simple phrase en toute fin d'un communiqué paraphé de la main du ministre de l'Intérieur et cosigné par la maire de Nantes. L'ouverture prochaine d'un nouveau centre de rétention administrative (CRA).

Où, à quelle date ?  À l'époque, aucune indication supplémentaire. Johanna Rolland n'avait d'ailleurs commenté que du bout des lèvres. "À ma connaissance, c'est un projet qui existe dans les services de l'État depuis de nombreuses années. J'ai entendu plusieurs préfets successifs m'en parler. Le ministre de l'Intérieur a confirmé ce projet".

Sa position en tant que maire de la ville ? "Moi, je ne vais pas commenter ce sujet très débattu. Je peux simplement vous dire que Gérald Darmanin a confirmé pour le département un projet qui préexistait. À Nantes ? "Je n'ai pas d'information", avait alors déclaré l'élue socialiste.

Depuis, peu d'avancée, le sujet n'est que très peu évoqué. Mais une date semble être fixée, ce sera pour fin 2026, début 2027. Sans doute à proximité de la maison d'arrêt de Carquefou. "Sur un terrain foncier de L'État, l'infrastructure disposera de 140 places", a confirmé ce vendredi 5 avril Fabrice Rigoulet-Roze, préfet de Loire-Atlantique, invité du conseil municipal de Nantes. Interrogée par son opposition, la maire de Nantes, elle, n'a pas pipé mot.

"Des structures inhumaines et indignes"

Le 12 octobre 2023, les groupes de la majorité municipale avaient publié un communiqué commun. pour demander l'abandon du projet d'installation d'un CRA.

"Les centres de rétention Administrative sont des structures de privation de liberté inhumaines et indignes. Le gouvernement y enferme des personnes exilées qui n'ont, sans aucune décision judiciaire", dénonçaient-ils.

L'enfermement et l'angoisse liée à l'expulsion détériorent fortement l'état de santé mentale de ces personnes et les tentatives de suicide sont nombreuses

Communiqué commun

Groupes des élus de la majorité municipale nantaise

"Le projet que nous défendons est celui de politiques qui assurent le plein respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux, de l'accueil et l'accompagnement des personnes en recherche de protection internationale et la reconnaissance de l'apport positif pour notre pays des populations étrangères", précisaient les élus de la majorité municipale de Nantes.

Une lettre ouverte à la maire de Nantes

En mars dernier, organisations associatives, syndicales et politiques se regroupent en collectif, "Colère" (Coordination Opposée à l’Enfermement et à la Répression des Étranger.e.s), le nom en dit long.

Ses membres ont adressé un courrier à Johanna Rolland, pour mettre les choses au clair et solliciter un rendez-vous.

"L’appel d’offre à mission lancé par le représentant de l’État pour la construction d’un CRA à Nantes semble présenter cette décision comme prise conjointement par la maire de Nantes et le ministre de l’Intérieur", s'étonne le collectif.

"Nous savons que ce n’est pas le cas, mais ce type de suggestions, comme vos déclarations se contentant d’indiquer que ni la ville, ni la métropole ne seraient partenaires de ce projet, laissent un espace dans lequel s’engouffrent tous ceux qui prônent le rejet des étrangers, comme en témoigne l’interpellation toute récente d’un élu de votre opposition municipale, vous invitant à accompagner l’installation d’un CRA à Nantes", précise la lettre ouverte. 

"Vous comprendrez dès lors notre inquiétude et notre souhait de vous voir très vite affirmer votre opposition à la décision du gouvernement et votre soutien aux actions conduites pour y faire échec", réclament les signataires.

"Des bâtiments austères, froids, fermés"

Maxime est militant à la Cimade Bretagne/Pays de la Loire. Les CRA, il connait bien. Ce bénévole a visité à de nombreuses reprises des exilés au Centre de Rétention administrative de Rennes.

Ce sont des bâtiments austères, froids, fermés qui rappellent vraiment l'univers carcéral

Maxime

Bénévole de la Cimade Bretagne/Pays de la Loire

Des structures d'autant plus anxiogènes qu'elles sont souvent construites en bout de piste, accolées à des aéroports. "Avec des avions qui survolent sans cesse ceux qui attendent d'être expulsés."

Le premier sentiment, c'est la frustration. Les personnes rencontrées ne savent pas pourquoi elles sont là, elles ne comprennent pas. Elles nous disent, on n'a rien fait de mal. Et elles ne savent pas combien de temps va durer l'enfermement

Maxime

Bénévole de la Cimade Bretagne/Pays de la Loire

"Ça peut être pour 90 jours ou simplement quelques heures. C'est une épée de Damoclès. C'est horrible psychologiquement."

Il y a de la violence psychologique et physique , de la part de l'administration mais aussi entre eux, parce qu'il n'y a rien à faire, aucune occupation. L'accès au médecin n'est pas toujours effectif

Maxime

Bénévole Cimade Bretagne/Pays de la Loire

"Dans certains établissements, la situation est telle que certains salariés de la Cimade ont exercé jouer leur droit de retrait", ajoute le bénévole.

Le placement en rétention est une décision administrative, prise par le Préfet, permettant d’enfermer une personne de nationalité étrangère sans titre de séjour dans l’attente de son éloignement forcé du territoire.

"En réalité, c’est une prison qui ne dit pas son nom"

Collectif "Colère"

La France condamnée à onze reprises

À onze reprises déjà, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour l’enfermement d’enfants dans les CRA, dont des nourrissons.

De plus, les conditions d’enfermement sont largement décriées, "nourriture insuffisante, locaux insalubres et mal entretenus, impossibilité de mettre en place des mesures de distanciation lors de la pandémie de Covid", la liste des dysfonctionnements est longue.

D'ici à 2027, le ministère de l’Intérieur souhaite doubler la capacité des centres de rétention administrative en France pour atteindre 3 000 places. Pour cela, la construction de CRA a été annoncée à Dijon, Oissel, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, Mayotte et Dunkerque.

Ce projet s’inscrit dans une stratégie politique qui surfe sur un climat sécuritaire et xénophobe croissant, déjà affirmé par la promulgation de la loi immigration.

Collectif "Colère"

Le collectif "Colère", annonce une "action de sensibilisation" le samedi 13 avril prochain, place Royale ainsi qu’une " journée festive" le samedi 27 avril aux ateliers de Bitche. "Il faut présenter les phénomènes migratoires tels qu'ils sont" et expliquer que les migrants ne sont pas des délinquants. 

Il faut changer le discours ambiant qui est en train de s'enraciner

Maxime

Bénévole de la Cimade Bretagne/Pays de la Loire

"Pourquoi dépense-t-on-des millions pour enfermer les gens alors que cet argent pourrait servir à des politiques d'accueil et d'accompagnement ?", questionne le militant.

Il faut renverser les points de vue, déconstruire les préjugés, discuter avec les gens pour qu'ils comprennent l'inutilité et l'aberration de la rétention.

Maxime

Bénévole de la Cimade Bretagne/Pays de la Loire

"Quand on commence à renier les droits humains, on commence par les migrants, parce qu'il est facile de dire c'est la faute de l'autre. Petit à petit, on va commencer à rogner les droits de n'importe quel citoyen".

Il faut se battre sur chaque centimètre de perte de liberté

Maxime

Bénévole à la Cimade Bretagne/Pays de la Loire

"La montagne est haute", consent le bénévole. "On prend la mesure chaque jour de la montée des idées d'extrême droite, mais on se dit qu'une majorité de la population est mal informée. Il suffit peut-être de parler plus fort, parler plus, parler mieux". C'est toute la raison d'être du collectif "Colère".

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