Paris 2024. De la banque à la piste d'athlétisme : Rougui Sow et son marathon vers les Jeux Olympiques

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Tous les athlètes ne sont pas logés à la même enseigne pour préparer les Jo de Paris. Derrière les stars du sport, d'autres sont à la peine, car leur discipline ne leur permet pas de vivre. C'est le cas de la Nantaise Rougui Sow. La championne de France de saut en longueur doit concilier compétitions et vie active pour viser son rêve.

Entre la piste et le bureau, Rougui Sow ne cesse de changer de peau.

À 28 ans, l'athlète sociétaire du Nantes métropole athlétisme, s'impose une discipline de fer pour prétendre aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Mais toujours avec le sourire. Comme une marque de fabrique.

Un rêve de jeune fille

"Les JO, c'est un rêve de jeune fille devenu un objectif aujourd'hui. Je pense que je m'en suis rapprochée considérablement depuis cet été. Et donc là, l'idée, c'est vraiment d'aller concrétiser ce rêve. Un rêve unique."

L'été dernier, à Albi aux championnats de France d'athlétisme, premier tremplin : elle décroche son titre de championne de France du saut en longueur.

Débute alors un marathon jusqu'aux jeux de Paris. La sportive de haut niveau court le monde en quête de précieux points au ranking (ou classement), un itinéraire bis stratégique pour se qualifier, qui doit lui permettre d'amasser un certain nombre de points. Plus elle participe à des compétitions stratégiques qui rapportent des points, plus elle a de chance d'amasser des points et de se qualifier.

"Dans le système du ranking, il faut avoir un très bon agent qui puisse nous inscrire dans les grosses compétitions parce qu'elles sont très demandées par tous les athlètes", confie, lucide, la jeune femme qui n'a pas eu un seul week-end libre dernièrement. 

J'ai enchaîné énormément de compétitions. Ça montre que j'ai un pic de forme et que je l'utilise

Rougui Sow

Championne de France de saut en longueur

Sportive et active

À peine son entraînement du jour terminé, Rougui Sow enchaîne sa deuxième journée. Celle de femme active.

Car en plus d'une vingtaine d'heures par semaine à l'entraînement, elle consacre presque autant de temps à son travail. Un CDI de salariée dans une banque, décroché il y a un et demi. 

Pour concilier ses deux vies et ses deux projets, sportifs et professionnels, l'athlète court.

"J'ai souvent du retard, mais même quand je suis en retard au travail, je prends une minute pour prendre mon petit smoothie", raconte la jeune femme, le verre à la main, commandé à la hâte au bar sur le chemin de sa banque. Pressée -comme son jus- d'enchaîner. Pour la bonne cause.

"Ça m'a permis de perfectionner mon sens de l'organisation, indispensable dans ma vie. Ce n'était pas mon fort auparavant, mais ce sont des choses que l'on apprend lorsque l'on se lance dans une carrière sportive."

Mécénat sportif

Rougui Sow a vite appris comment mettre toutes les chances de son côté. Ses atouts : une force de caractère et une volonté à toute épreuve.

Elle a obtenu son emploi en CDI grâce à un dispositif de mécénat créé pour les sportifs de haut niveau, avec à la clé pour son employeur une défiscalisation.

Sa supérieure est admirative de son parcours. "Je pense que la période doit être particulièrement stressante et engageante pour elle. Elle doit sans cesse être à fond sur les deux fronts. Parce que malgré tout, on lui demande d'être présente dans son métier chez nous. C'est vraiment un double projet.", explique Elise Boudon, directrice agence PME du Crédit Mutuel Nantes Sud Loire.

25 000 euros à trouver pour un projet haut niveau

Si elle n'avait pas ce travail, Rougui Sow le reconnaît, elle aurait peut-être dû ouvrir une cagnotte en ligne, comme l'ont fait une quinzaine d'autres athlètes français.

Le salaire modeste de 400 euros par mois versé par son club, ainsi que les aides institutionnelles et les sponsors, ne couvrent que la moitié du coût de sa préparation.

Un athlète olympique a besoin d'un minimum de 25 000 euros pour pouvoir vraiment réussir son projet sportif

Rougui Sow

Championne de France de saut en longueur

"L'année dernière, j'ai préféré juste faire un prêt personnel pour ne pas avoir à faire tout ça, les cagnottes en ligne et le démarchage de sponsors".

De se dire qu'en tant qu'athlète, on doit faire des cagnottes en ligne pour réussir à financer un rêve olympique, c'est dommage.

Rougui Sow

Championne de France de saut en longueur

"On ne peut pas financer le rêve de tout le monde"

Pourtant, ce système des cagnottes en ligne est assumé par l’agence nationale du sport.

Pour Maguy Nestoret-Ontaron, ancienne athlète et désormais conseillère haute performance à l’ANS, l'agence nationale du sport, ces cagnottes concernent des sportifs qui sauf énorme surprise, n’ont tout simplement pas le niveau pour participer aux JO : "Pour l'instant, dans les cagnottes en ligne qui sont lancées, il y a quand même beaucoup d'athlètes qui rêvent d'aller aux jeux. C'est bien, il faut avoir des rêves, mais après, on ne peut pas financer le rêve de tout le monde"

Si le sportif n'est pas accompagné, c'est peut-être qu'il n'a pas un niveau qui mérite un accompagnement. 

Maguy Nestoret-Ontaron

Ancienne athlète et conseillère haute performance à l’agence nationale du sport

L'argent, nerf de la guerre et des JO

En France, certains athlètes sont aidés pas des administrations comme les ministères de l’Intérieur ou de la défense, ou par des entreprises.

Mais c’est surtout via l’Agence Nationale du Sport, l’ANS que l’État intervient, selon un critère très simple : celui de la performance

Pour être aidé financièrement, un seul préalable : figurer sur les listes ministérielles de haut niveau. Cela représente 5 000 athlètes en France dont 322 dans les Pays de la Loire…

Un titre national ne suffit pas. C'est le cas de Rougui Sow qui, malgré son titre de championne de France de saut en longueur, n'est pas plus aidée financièrement.

Pour être éligible à ces aides de l'État ou des ministères, il faut soit avoir déjà été médaillé aux JO, soit avoir un ranking mondial favorable et donc avoir des chances sérieuses de médailles.

En 2016, lors des JO de Rio, 40 % des athlètes français vivaient sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 15 000 euros par an.

Pour les JO de Paris 2024, le ministère des Sports s'est engagé symboliquement à ce qu'aucun athlète de la délégation française ne soit sous le seuil de pauvreté.

Mental de haut niveau

Pour Rougui Sow, à l'incertitude de l'argent vient s'ajouter celle du corps.

Dans sa carrière, la championne n'a pas été épargnée par les blessures.

Mais pas question de lever le pied. Ni de se décourager. Elle voit régulièrement son kinésithérapeute.

"Je sais que le genou va tenir parce que je ferai en sorte qu'il tienne. Mais il n'y a aucune inquiétude à avoir. Il faut juste mettre en place des choses, s'organiser. Et puis après, il n'y a pas de regret à avoir quoi qu'il arrive. Je sais que j'aurais mis tout ce qu'il fallait en place pour réussir ce projet", martèle la jeune femme, sereine et déterminée.

Rougui Sow affiche un moral et un mental d'acier. Malgré la dure réalité des financements de son projet sportif, elle est plus que jamais prête à faire tourner toutes les têtes le 8 août prochain au Stade de France lors des épreuves d'athlétisme.

Juliette Poirier avec Mathieu Guillerot

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