C'est le premier titre de presse français à avoir dégainé, Ouest-France l'a annoncé dans un dernier post. Le quotidien régional quitte le réseau social "X". Certains élus locaux ont déjà lâché l'affaire pour dénoncer les méthodes d'Elon Musk, milliardaire sulfureux, très proche de Donald Trump.
C'est par une dernière publication que le quotidien régional Ouest-France a annoncé son départ du réseau social. Ce 19 novembre, il est le premier journal français à prendre une telle décision.
Ceci est notre dernier tweet, pour le moment.
— Ouest-France (@OuestFrance) November 19, 2024
En accord avec nos valeurs, nous avons décidé de suspendre les publications sur l'ensemble de nos comptes X.
Nos explications 🔽🔽🔽
https://t.co/z0PJiM5NHg
"Désinformation, harcèlement et violence"
"Le média, attaché aux valeurs démocratiques, au débat apaisé et à la lutte contre la désinformation et le harcèlement, proteste ainsi contre le manque de régulation et de modération de la plateforme" explique Ouest-France.
"Pour ces raisons, et pour la défense des valeurs de notre média, attaché à la démocratie, à l’apaisement du débat et au respect de chacun, nous avons décidé de suspendre les publications sur X, ex Twitter".
"Dans l’état actuel des choses, il ne nous semble en effet ni judicieux ni opportun d’alimenter ce réseau, tant que de sérieuses garanties ne sont pas déployées face à la désinformation, face au harcèlement et face à la violence", poursuit le quotidien qui précise que sa "présence sur la plate-forme, qui ne tenait jusque-là qu’à la volonté farouche de porter une parole claire et fiable au milieu de ce tumulte, ne peut hélas plus résister face à la tension de l’algorithme."
Dans le sillage de Ouest-France, le quotidien Sud-Ouest annonce ce jeudi l'arrêt de ses activités sur le réseau social du milliardaire américain.
📌 Ceci est (pour l'heure) notre dernière publication sur X.
— Sud Ouest (@sudouest) November 21, 2024
⏹️ En accord avec les valeurs fondamentales que nous défendons, nous avons fait le choix de suspendre notre activité sur cette plateforme.
Les détails ⤵️https://t.co/v4dkWeQFTB
En Europe, plusieurs titres de presse ont pris la même décision ; The Guardian en Angleterre, le quotidien suédois Dagens Nyheter et le journal espagnol La Vanguardia.
"Depuis un certain temps, on voyait que X était entré dans une dérive. Il y avait de plus en plus de contenus violents, plus de fake news, plus de manipulation. Alors quand pendant la campagne américaine, Elon Musk a soutenu Donald Trump de manière si évidente en utilisant son réseau social pour lui donner plus de publicité et obtenir plus de votes avec une manipulation des algorithmes, nous sommes arrivés à la conclusion que cela n'avait pas beaucoup de sens de continuer à promouvoir notre contenu sur ce réseau social", confiait il y a quelques jours Ordi Juan, directeur de La Vanguardia, à nos confrères de France Info.
Si aux États-Unis, depuis son rachat pour 44 milliards de dollars par Elon Musk en 2022, la plateforme, nid de tous les complotismes, est hors de contrôle en matière de fake news et de désinformation, en France, elle reste un outil de communication pour la plupart des politiques.
Des personnalités publiques, comme la maire de Paris Anne Hidalgo, ont publiquement annoncé leur départ de la plateforme, qualifiant X d’"égout mondial ". Cette perception est partagée par de plus en plus d'élus.
"Je n'ai pas de Tesla, je peux juste fermer mon compte X"
En Loire-Atlantique, David Martineau, conseiller départemental socialiste, n'a pas hésité a quitté la plateforme et il l'a fait avec humour. "Je n'ai pas de Tesla à revendre", explique-t-il tout en précisant qu'il "a ouvert un compte "BlueSky."
Quand c’est gratuit, c’est toi le produit !
David MartineauConseiller départemental socialiste de Loire-Atlantique
"Je n’ai simplement aucune intention d’être le produit consentant d’une machination raciste, misogyne, complotiste. La communication politique ne peut, selon moi, pas passer avant mes valeurs et, comme le colibri, je considère impératif de faire ma part en quittant ce réseau", confie l'élu socialiste.
D'autres préfèrent attendre, "pour faire masse", et se greffer à un appel lancé pour le 20 janvier 2025, date de la prise de fonction officielle de Donald Trump. C'est le cas de Catherine Bassani, adjointe écologiste à la mairie de Nantes et conseillère métropolitaine. Et c'est sur Facebook qu'elle annonce et justifie sa décision.
Lâcher "X" pour cette élue écologiste, ce n'est pas une première. "J'ai déjà quitté Twitter/X il y a trois ans, excédée par la violence permanente qui y règne, et puis j'y suis revenue pour soutenir mes collègues élus et militants écologistes, systématiquement harcelés sur ce réseau", nous explique-t-elle.
"Depuis la victoire de Trump grâce aux dizaines de millions de dollars injectés dans sa campagne par Elon Musk, des médias et des personnalités ont quitté ce réseau social, et des appels sont lancés pour le quitter massivement le 20 janvier, date de l'investiture de Trump. Je trouve l'idée excellente et j'encourage un maximum de personnes autour de moi à répondre à ces appels."
Quoiqu'il en soit, le 20 janvier sera mon dernier jour sur X
Catherine BassaniAdjointe à la mairie de Nantes et conseillère métropolitaine écologiste
L'appel en question est lancé par un collectif qui incite à quitter le réseau social d'ici à l'investiture. Derrière le mot-clé #HelloQuitteX(Nouvelle fenêtre) se trouve un petit groupe composé d'universitaires, d'associations et de personnalités du Net qui prétend donc lancer un mouvement viral de boycott parmi les plus de 11 millions d'usagers de X recensés en France.
🚨 Votre audience est votre force – ne laissez pas X l’exploiter !
— HelloQuitteX (@HelloQuitteX) November 21, 2024
Le #20Janvier, reprenez le contrôle : archivez vos données, migrez vers Mastodon ou Bluesky, et reconstruisez sur des plateformes éthiques. Vos contenus méritent mieux ! ✊#HelloQuitteX
➡️https://t.co/yatgkGUqAP
Dérive idéologique "sans modération"
Depuis que le sulfureux milliardaire a pris le contrôle de la plateforme, il a imposé une vision radicale de "la liberté d'expression". Une dérive idéologique qui a drastiquement diminué les modérations des contenus.
Résultats ? De plus en plus de discours haineux, racistes, homophobes, transphobes et complotistes venant notamment de l'extrême droite.
Les algorithmes ciblent en priorité les posts polémiques, ceux qui potentiellement sont générateurs de sensationnalisme. Peu importe que les informations soient fiables ou non, l'essentiel, c'est le buzz.
Un bouillon toxique qui a contribué à la fuite de nombreux utilisateurs français. pour qui "X" est inexorablement devenu outil dangereux pour le débat public et la démocratie.
Autre question récemment soulevée : la plateforme X enfreint-elle le principe des "droits voisins" ? Certains journaux français, dont Le Figaro, Le Monde, Le Parisien et Les Échos, ont annoncé, mardi 12 novembre, qu'ils poursuivaient devant le tribunal judiciaire de Paris le réseau social détenu par le milliardaire américain Elon Musk, qu'ils accusent d'utiliser leurs contenus sans les payer.
Cette action intervient six mois après que la justice a ordonné à X de fournir à ces journaux et à l'AFP, dans un délai de deux mois, une série de données commerciales permettant d'évaluer les revenus qu'il tire de leurs contenus.
Face à ces défis, des plateformes alternatives comme Bluesky (créée par l'ancien PDG de Twitter Jack Dorsey) ou Mastodon sont envisagées comme des solutions plus respectueuses des valeurs éthiques et démocratiques. Mais elles restent à ce jour très modestes en termes d'audience.
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