Salaires en retard, primes et heures supplémentaires supprimées, camions "poubelles", les chauffeurs livreurs d'un sous-traitant nantais d'Amazon ont refusé de prendre la route ce jeudi 23 juin. Ils dénoncent des conditions de travail déplorables et des violations à la législation. Selon les syndicats "la direction piétine allégrement le code du travail".
On a peine à croire ce que l'on entend. Camions "poubelle", véhicules non assurés, salaires en retard, heures supplémentaires et primes supprimées, locaux sans point d'eau, ni toilettes. Cette réalité c'est celle des 80 chauffeurs-livreurs de l’entreprise Fast Despatch Logistics.
La société, sous-traitant d'Amazon est basée à Saint-Luce-sur-Loire, près de Nantes. Chaque jour elle livre 4 500 colis. Mais ce jeudi, aucun camion n'est sorti du dépôt. Les chauffeurs ont dit stop.
"De l'esclavagisme social"
Il faut dire que les conditions de travail des salariés font froid dans le dos. Pour la CGT transport des Pays de la Loire qui accompagne le mouvement ce jeudi 23 juin, c'est " de l'esclavagisme social organisé".
Malgré les sanctions et les rappels à l'ordre de l'inspection du travail, rien ne bouge
Erwann PraudCGT transports Pays de la Loire
A vrai dire, chez Fast Despatch Logistics, rien ne semble dans les clous. Les dysfonctionnement et les infractions au code du travail sont légion. À de nombreuses reprises, elles ont été pointées par l'inspection du travail, présente sur le site il y a encore quelques jours. Mais la manageure locale, aux dires des salariés, "n'en a que faire". "Elle menace même de virer tous ceux qui n'appliquent pas ses consignes", raconte Yassir, chauffeur depuis 6 mois.
Lui, contrairement à beaucoup d'autres qui craignent de perdre leur emploi, n'a pas peur de dénoncer une situation intenable.
"Les retards de paie c'est tous les mois depuis mars, de 10 jours, 12 jours. Je suis père de trois enfants, comme tout le monde j'ai des charges à honorer. J 'ai posé la question à notre manageure, jamais elle ne donne de réponse, elle dit n'avoir aucune information de la RH de Paris"
J'ai des messages où on me dit : si t'es pas content tu dégages, le pôle emploi c'est par là
YassirChauffeur-Livreur
Le livreur ne décolère pas . "Les toilettes ont été fermées. L'essence est rationnée. C'est la manageure qui met elle-même 30 ou 40 euros d'essence pas une goutte de plus dans les réservoirs. Nous on fait avec. Et on tombe en panne ! "
"La contrainte de consommation au compte-goutte à 40€ par jour de carburant pour livrer au moins 150 colis, le restant étant à la charge du salarié, c'est une tâche impossible", ajoute la CGT.
Les chauffeurs n'ont plus non plus de carte pour les péages autoroutiers. Résultat : ils reçoivent des avis de recouvrement de la société VINCI et les menaces de majorations qui vont avec.
"Nous n'avons plus de badges, la manageure nous a dit d'appuyer sur le bouton rouge en arrivant à la barrière et de laisser un numéro de téléphone. je me suis fais avoir, j'aurais laissé celui du travail, pas mon numéro personnel. Donc les rappels nous sont envoyés à nous les chauffeurs, pas à la société", explique Yassir. "Vous nous devez 90 euros, on en reçoit tous les jours des rappels, j'appelle la directrice, elle ne répond jamais. C'est son entreprise pas la mienne ! "
Non paiement des heures effectuées
Pour le syndicat, le groupe viole la législation au quotidien : pratique généralisée du travail dissimulé avec non-paiement des heures réellement effectuées, absence de relevés d’heures permettant à chacun de vérifier l’exactitude des données ayant servi à l’élaboration de leurs bulletins de paie, non application de la garantie de rémunération à 39 heures par semaine selon le code des Transports. La liste est longue.
S'y ajoute le refus de payer les repas en application de la convention collective et les heures majorées de nuit.
Des camions dans un état déplorable
Carrosseries, entretien, éléments de sécurité défaillants, les véhicules sont par ailleurs dans un état "déplorable". "Ils ne sont jamais nettoyés, les pneus sont en fin de vie, les pare-chocs tombent en lambeau, certains camions ne sont pas assurés", confirme Yassir.
Et les choses ne s'arrêtent pas là, syndicat et salariés pointent aussi des faits de discrimination raciale, entrainant du stress. Une maltraitance quasi quotidienne. Comme en témoigne cette phrase sur le groupe What's app professionnel de la société : "Faut prendre que des arabes car les noirs ne savent pas conduire". La phrase aurait été écrite selon un salarié par la manageure en personne.
"Nous avons déjà 8 dossiers prêts à partir aux Prud' Hommes et ce n'est qu'un début. Sur le site il y a 80 employés alors qu'il n'y a du travail que pour 27. Ils sont pris pour des chiens, on leur fait faire du désherbage, du gardiennage. Et ils ne sont pas payés."
"Nous ne lâcherons pas l'affaire. En France le groupe maltraite 1800 employés. La maison mère est à Villepinte en région parisienne nous allons lui demander des comptes", conclut Erwann Praud.
La manageure du site n'a souhaité faire aucun commentaire.