Elle était inconnue du grand public jusqu'à son élection ce vendredi à la tête de la CGT. Jeune, feministe, et écolo, Sophie Binet a déjà franchi bien des obstacles avant de ravir la direction d'un syndicat toujours considéré comme productiviste et passablement machiste. Elle est la première femme à prendre la tête de ce syndicat vieux de 128 ans.
Elle sort, nous dit-on, épuisée du 53ème congrès national de la centrale syndicale. Rincée par une semaine de débats, de discussions passionnées pour ne pas dire violentes.
Heureuse, malgré tout, d'avoir rallié sur son nom, son profil, les votes des 32 fédérations de la CGT et d'avoir été portée sans ambiguïté au secrétariat général avec 82% des voix.
" C'est incroyable ce qui lui arrive. Elle n'a pas dormi pendant les dernières 48h, a rédigé sa première prise de parole en 20 minutes, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi brillant " relate un de ses très proches.
"Brillante et pugnace" disent ceux qui l'ont côtoyée
Ceux qui la connaissent, amis, collègues ou adversaires, ne tarissent pas d'éloges sur sa personnalité. Le genre de femme qui ne lâche rien, "intransigeante" disent certains, mais qui privilégiera toujours l'argumentation à la politique de la chaise vide.
D'ailleurs ses premiers mots ont été déterminés. Alors que la CFDT par la voix de Laurent Berger proposait une médiation avec le gouvernement au sujet de la réforme des retraites, la nouvelle patronne de la CGT entend se rendre avec l'intersyndicale à l'Elysée mercredi 5 avril avec une seule demande, le retrait du projet. Point barre.
Ouverte à la discussion mais ferme sur ses positions. Une main de fer dans un gant de velours.
Féministe
Nombre de militants se félicitent de son élection et des perspectives qu'elle ouvre pour le syndicat. Notamment, engager une gestion plus collaborative de la centrale, ce qui "trancherait avec la conception verticale et autoritaire de Philippe Martinez" confie un délégué syndical présent au 53ème congrès.
Elle entend aussi mener une vaste réflexion sur le travail et l'écologie, changer l'image d'un syndicat toujours considéré comme productiviste, souvent perçu comme déconnecté des enjeux climatiques.
La tâche est lourde diront les plus dubitatifs, mais elle a pour elle l'énergie de sa jeunesse, ses convictions, rétorqueront ses affidés.
Car elle est jeune Sophie Binet, 41 ans. Maman d'un petit garçon de 4 ans, compagne d'un officier de la marine marchande. Féministe aussi.
Engagée depuis les années 2010 aux côtés de la militante Caroline de Haas, elle a signé en 2019, avec la syndicaliste Maryse Dumas et l’économiste Rachel Silvera, un livre intitulé
"Féministe, la CGT ? Les femmes, leur travail et l’action syndicale" et se bat surtout pour que les salaires des femmes soient alignés sur ceux des hommes. Ce qui permettrait, soutient-elle, de "dégager 5 milliards d'euros de cotisations pour le régime général des retraites".
C'est à Nantes qu'elle a fourbi ses premières armes de militante, en créant un embryon de syndicat dans son lycée, Clémenceau. Durant ses années d'étudiante en philosophie elle apprend la rhétorique qui lui sert toujours aujourd'hui. C'est à cette période qu'elle adhère à l'Unef, qu'elle présidera par la suite. Elle se bat ensuite contre le CPE, contrat première embauche promue par le gouvernement de Jacques Chirac, avant de devenir CPE, conseillère principale d’éducation en lycée professionnel à Marseille puis en Seine-Saint Denis.
Sophie Binet, qui depuis 2018, dirigeait l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT (Ugict) était également membre de la commission exécutive confédérale, dans laquelle elle était chargée des questions d'égalité, comme le rappelle franceinfo, incarne à coup sûr une nouvelle génération de militant.es. Résolument en prise avec la société du XXIème siècle.
Sandrine Gadet avec Eva Clouet