Les débats sur le budget et les retraites sont l'occasion pour le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti de prendre ses distances avec ses alliés du RN. À la tête de son nouveau parti, l'Union des droites pour la République, l'ancien président de LR tente de se distinguer afin de ne pas être confondu avec le RN. Explications.
Suite du feuilleton politique et des liaisons dangereuses entre Eric Ciotti et le RN. Depuis son "putsch" vers le Rassemblement National au moment de la période troublée de la dissolution, le député des Alpes-Maritimes doit sans cesse clarifier sa ligne politique. Les discussions parlementaires font apparaître des divergences fondamentales, notamment sur l'épineux dossier du budget et les retraites.
Eric Ciotti est partisan des coupes budgétaires pour redresser les finances publiques, farouchement hostile aux hausses d'impôts prévues dans un projet de budget 2025 qu'il qualifie de "socialiste". Et, contrairement à Marine Le Pen, l'ancien président des Républicains est opposé à l'abrogation de la réforme des retraites. Eric Ciotti se fait le chantre d'une doxa libérale éloignée de la ligne "sociale populaire" de Marine Le Pen. Des différences de fond qualifiées "d'indépendance" par Eric Ciotti.
Nous avons une alliance solide et loyale, mais nous avons aussi une indépendance. Il n'est pas dans mon intention de gommer les différences.
Eric Ciotti, président de l'Union des droites pour la République (UDR)AFP
Les contradictions entre Ciotti et Le Pen
Défendant la vente des "bijoux de famille" de l'Etat, en particulier ses participations au capital de Renault, d'Orange ou d'Engie, Eric Ciotti assure vouloir "porter une ligne beaucoup plus libérale, plus tournée vers l'entreprise" que le RN. Il est d'ailleurs la cible des critiques de son ancienne famille politique qui dénonce un mariage contre-nature avec le Rassemblement national.
"Sur le plan économique, le RN n'est pas à droite", affirme Laurent Wauquiez le patron des députés LR, soulignant les contradictions entre son ex-collègue de parti et Marine Le Pen qu'il juge partisane de "la dépense publique et des augmentations d'impôts". "Elle n'est pas non plus favorable à la reconnaissance de la France qui travaille", ajoute-t-il, marquant là aussi la différence entre l'extrême droite et son parti qui défend la "valorisation" du travail.
Contorsions au sujet du budget
Même reproche du côté des députés Renaissance.
Il s'est mis dans les mains de Marine Le Pen dont le projet économique est plus proche de la gauche radicale que de la droite libérale.
Charles Sitzenstuhl, député Renaissance
"C'est une manœuvre tactique sans aucune issue, puisque Marine Le Pen n'est absolument pas sur cette ligne", déplore l'élu, qui reproche au député des Alpes-Maritimes d'avoir "pactisé avec le diable".
Le dossier de la réforme des retraites, dont l'abrogation figurait au programme ce jeudi 31 octobre de la niche parlementaire du RN, aurait dû étaler au grand jour les divergences entre Eric Ciotti et ses alliés. Mais le texte soumis au vote a été vidé de sa substance.
De quoi épargner des contorsions à Eric Ciotti, qui s'est toujours déclaré favorable à la réforme menée par Elisabeth Borne. Contrairement à ses partenaires lepénistes et à la gauche, voire certains de ses anciens collègues de parti.
Ces débats ont aussi été l'occasion de réaffirmer ses idées sur la question migratoire, plus en phase avec celles du RN.
Quand un étranger accueilli sur le territoire de la République française ne respecte pas la loi.
— Eric Ciotti (@eciotti) October 31, 2024
Nous devons mettre en place un principe clair, la prison et l’avion !
Expulsons de la France, ceux qui agressent les Français. pic.twitter.com/B0vREGEaae
À coups de tronçonneuse dans les dépenses
Autre manière de se démarquer du RN : les références internationales, comme le libertarien argentin Javier Milei. Le patron de l'UDR le cite dans une interview accordée au Journal du Dimanche où le président argentin fustigeait le wokisme, le déficit public et avouait au passage qu'il n'avait "aucun lien" avec Marine Le Pen (RN) ou Eric Zemmour (Reconquête!). S'il assure ne pas "adhérer au côté fantasque du personnage", Eric Ciotti reprend son image de la "tronçonneuse" pour couper dans les dépenses publiques.
Le président argentin est aujourd'hui au plan international le symbole de cette volonté de couper avec une administration pléthorique, impuissante, stérile et paralysante.
Eric Ciotti, président de l'UDRAFP
Le patron de l'UDR cherche, par ailleurs, d'autres références internationales, à l'image de la conservatrice espagnole Isabel Ayuso, présidente la communauté de Madrid, s'éloignant encore une fois des figures de l'extrême droite déjà adoubées par le RN ou Reconquête! Que ce soit sur les questions internationales ou sur la politique intérieure, le député des Alpes-Maritimes n'a pas fini de donner des explications de texte.