Mardi 10 septembre 2024, la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire a été perquisitionnée par la police dans le cadre d'une enquête pour des soupçons de favoritisme. L'association Anticor 44 a effectué un signalement après la publication d'un rapport de la chambre régionale des comptes établissant de nombreuses irrégularités autour de la réalisation de la Station Nuage.
La Station Nuage, c'est cette guinguette d'un bleu profond plantée dans les jardins de l'île Forget, un écrin de verdure en bord de Loire. Inauguré le 30 juillet 2020, le lieu accueille des événements, un restaurant et une buvette qui ouvrent aux beaux jours.
Présenté comme une œuvre artistique, l'endroit fait également partie du parcours du Voyage à Nantes, et ce sont aujourd'hui les conditions de montage de ce partenariat qui intriguent la justice.
Un rapport de la chambre régionale des comptes pointe des irrégularités
En 2022, un rapport de la Chambre Régionale des Comptes a en effet pointé de nombreuses irrégularités dans cette réalisation. Alors que "l'examen d'un échantillon de marchés témoigne de la bonne gestion des procédures de mise en concurrence", le contrat passé sans négociations par la commune pour la Station Nuage "contrevient au principe de la liberté d'accès à la commande publique", résume la Chambre Régionale des Comptes dans ses conclusions.
C'est ce qui a conduit l'association Anticor 44 à effectuer un signalement auprès du procureur de la République pour des soupçons de favoritisme. Dans le cadre de cette enquête, la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire a été perquisitionnée ce mardi 10 septembre 2024.
Une perquisition de deux heures environ
Les policiers en civil sont venus dans la matinée et ont passé environ deux heures dans les bureaux. La mairie dit avoir mis tous les documents à leur disposition, dans une ambiance sereine. En effet, les éléments permettant d'éclairer les prises de décisions et les liens avec le Voyage à Nantes avaient déjà été fournis deux ans auparavant à la chambre régionale des comptes.
"Il n'y a eu aucun enrichissement personnel, et il n'y avait à notre connaissance pas de liens amicaux ou familiaux entre la municipalité et le Voyage à Nantes ou le collectif Yok Yok", estime une source au sein de la mairie.
Des esquisses payées avant la signature du contrat
A l'origine du projet, il y avait les anciennes étables de l'île Forget que la mairie souhaitait réhabiliter pour accueillir une activité estivale de type guinguette.
Souhaitant profiter de la marque du Voyage à Nantes pour renforcer l'attractivité du site, la commune a sollicité la société publique locale du VAN, qui a proposé d'inviter le collectif d'artistes architectes Yok Yok à concevoir une œuvre.
Un contrat de coproduction a donc été signé en janvier 2020, selon lequel le VAN devait intervenir comme assistant à la maîtrise d'ouvrage. Or, la chambre régionale des comptes a découvert que cette collaboration avait commencé dès 2019. Le Voyage à Nantes avait ainsi pris à sa charge des dépenses comme les esquisses et la conception de l'œuvre "payées dès janvier 2020, avant même la conclusion du contrat de coproduction" précise le rapport.
Un achat d'œuvre d'art ?
Au cœur des critiques formulées par la chambre régionale des comptes, l'absence d'appel d'offres et de mise en concurrence, obligatoires pour les marchés publics.
Au cours des échanges avec la chambre régionale des comptes, la commune s'était justifiée par le fait qu'il s'agissait d'un achat d'œuvre d'art.
Mais le rapport souligne que ce type de commande aurait dû être précédé d'une publicité et d'une mise en concurrence, sauf dans les situations où l'acheteur a "clairement exprimé son intention d'acquérir une œuvre signée d'un artiste particulier".
Or, pour la Station Nuage, il s'agissait "d'aménager un site spécifique pour le rendre plus attractif." Quant au contrat avec le Voyage à Nantes, sa signature n'a pas été mentionnée lors du conseil municipal du 30 septembre 2020 et aucune délibération à ce sujet ne figure sur les PV du conseil municipal.
La réalisation aurait dû faire l'objet d'un appel d'offres
Concernant la réalisation du projet, après examen des devis joints au contrat, la chambre régionale des comptes souligne que la commune aurait pu réaliser elle-même la mise en peinture du bâtiment et des gradins.
Selon le rapport, un certain nombre d'éléments ne relèvant pas de l'expression artistique auraient dû être soumis à concurrence : ainsi, la pose de la charpente métallique a été sous-traitée. La transformation du conteneur aurait dû être assurée par le Voyage à Nantes. Or, dit le rapport, ces prestations "n'ont pourtant pas été assurées par les auteurs."
Si la Station Nuage a bien été réalisée sur la base d'esquisses protégées par le droit d'auteur, la chambre régionale des comptes considère que la réalisation aurait dû relever du cadre normal des marchés publics.
Au vu des éléments fournis par la ville, l'enveloppe initialement prévue pour le projet se montait à 60 000 euros. Or l'avenant signé le 1er février 2021 évoque un budget prévisionnel de 438 646,25 euros précise dans son rapport la chambre régionale des comptes.
Une procédure préliminaire menée par le parquet de Nantes
Deux ans après la publication de ce rapport, la perquisition réalisée s'inscrit dans le cadre d'une "procédure préliminaire menée par le parquet de Nantes et confié à la DCOS (ancienne Police Judiciaire)", a précisé le procureur de la république. Cette procédure porte sur des faits de favoritisme et recel de favoritisme.
La mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire s'est exprimée ce jeudi 12 septembre par la biais d'un communiqué dans lequel elle aénnonce que "les enquêteurs sont repartis avec l'intégralité des éléments constitutifs de ce dossier de la Station Nuage".
"L'ensemble des documents relatifs à la réalisation de la Station Nuage, présentée sur le site de Nantes Métropole, comme une œuvre d'art pérenne du Voyage à Nantes. Ils ont également pu prendre connaissance des différents marchés publics conclus, conformément aux règles de la commande publique, pour la réalisation des travaux détachables de l'œuvre, mais indispensables à son installation (terrassement, VRD, électricité, assainissement…)".
C'est donc avec une grande sérénité que la collectivité attend les éventuelles suites de la situation digne d'une mauvaise série policière.
La mairie de Saint-Sébastien-sur-LoireCommuniqué de presse
La ville annonce aussi qu'elle saisira le Procureur de la République "pour usurpation d'identité et violation du secret de l'enquête qui tourne autour de l'épineuse définition de ce qu'est une œuvre d'art.".
La municipalité de Saint-Sébastien-sur-Loire fait référence au "corbeau 'qui) a usurpé l'identité d'un agent de la collectivité pour divulguer l'existence de cette mesure d'instruction" dans un courriel adressé mardi soir 10 septembre à la rédaction de Ouest-France.
Retrouvez-nous sur nos réseaux et sur notre site france.tv