Témoignage. "Ce jour-là, c'était Bagdad", raconte une femme hospitalisée près de la patiente morte aux urgences à Nantes

Publié le Écrit par Carla Butting

Une femme est morte sur son brancard, dans un couloir des urgences du CHU de Nantes, avant d'avoir été prise en charge par le personnel médical, mercredi 2 janvier. Julie*, une autre patiente, admise au même moment dans le service, raconte-les 24 h qu'elle y a passé, et déplore qu'une femme "soit morte dans l'indifférence totale".

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Julie* garde un souvenir cauchemardesque de cette nuit du 1ᵉʳ au 2 janvier, où elle a été hospitalisée aux urgences du CHU de Nantes. 

Admise pour une crise d'asthme grave le 1ᵉʳ janvier, en fin de matinée, elle a passé 24h dans le service, en même temps que la femme décédée à quelques dizaines de mètres d'elle, sur un brancard, dans le couloir. 

"J'ai senti énormément de tension dans le service"

"On avait l'impression que c'était l'état d'urgence", raconte l'aide-soignante, originaire de Nantes. "Dès que je suis arrivée, j'ai senti énormément de tension dans le service". Autour d'elle, des patients attendent sur des brancards, pour beaucoup, dans le couloir.

"C'était un peu les brancards musicaux, les patients les plus graves restaient en box quelques heures, avant de retourner dans le couloir", se souvient la femme de 45 ans. 

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Pas de soins la nuit 

Pour soigner sa crise d'asthme, potentiellement mortelle, le médecin qui reçoit Julie après son arrivée lui prescrit des aérosols toutes les quatre heures. En journée, l'équipe médicale suit la prescription, une fois, puis deux, mais après la tombée de la nuit, plus personne ne se charge des aérosols de Julie.

"La nuit, je n'ai eu aucun soin parce que ce jour-là, c'était Bagdad, alors qu'on m'avait gardée hospitalisée pour que je puisse recevoir ces soins toutes les quatre heures, même la nuit", fustige la patiente, qui n'a pas osé déranger les équipes médicales, qu'elle savait débordées. "C'est pas la faute des soignants, ils n'étaient pas assez nombreux", souffle t-elle. 

"Ça aurait pu être moi à sa place"

Lorsque le lendemain matin, elle entend un soignant raconter à son infirmière qu'une femme est décédée dans le couloir, elle angoisse. Julie n'a pas vu la patiente en question. "D'abord, j'ai eu peur, j'ai pensé que ça aurait pu être moi à sa place, et puis je me suis demandé, on est où là ? Des gens sont laissés de côté et meurent". 

Dans un communiqué publié le jeudi 11 novembre, le CHU décrit un contexte de saturation des urgences. 

Le retour des pathologies hivernales combiné à la réduction de la réponse sur la médecine de ville en période de vacances scolaires, ainsi que certaines fermetures de lits sur le territoire, ont un impact sur l'activité de l’ensemble des services d'urgences.

Communiqué de presse du CHU de Nantes

Morte "dans l'indifférence totale"

Julie regrette un "manque de moyens". Pour elle, "c'est tout le système qui fait que malheureusement cette personne est morte toute seule, dans le brancard, dans l'indifférence totale"

Fatiguée et angoissée par son hospitalisation, 24 heures après avoir été admise aux urgences, Julie a demandé à rentrer chez elle. Sur le chemin du retour, elle s'est arrêtée en pharmacie pour louer la machine qui lui permet de s'administrer elle-même les aérosols.

*Le prénom a été modifié pour conserver l'anonymat de la personne interviewée 

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