Témoignage. "Mes enfants souffrent", le cri de détresse d'une mère contrainte de vivre dans un logement insalubre

Publié le Mis à jour le Écrit par Camille Aguilé
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Nassira Bahri a quatre enfants. Mère célibataire et précaire, elle vivait encore récemment dans un logement indigne depuis plus de deux ans à Nantes, dans l'attente d'accéder à un logement social. À bout, elle souhaite pouvoir bénéficier d'un toit décent, notamment pour sa fille asthmatique de 3 ans.

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Une odeur d'humidité et d'urine flotte dans l'air froid. Les fenêtres au bois usé encadrent des vitres cassées, remplacées par des plaques de bois. Le parquet est gondolé, et les murs maculés de dessins d'enfants.

On pourrait croire à un squat, ou une maison abandonnée. Pourtant, c'est dans ce logement du quartier de Saint-Joseph-de-Porterie à Nantes qu'ont vécu Nassira Bahri et ses quatre enfants pendant plus de deux ans.

Ils ne veulent y retourner pour rien au monde. "Pas dans cette maison sale", lâche l'un des fils de Nassira, du haut de ses 5 ans. 

Un lieu sordide et dangereux pour les enfants

La famille est entrée dans ce logement en juillet 2020. Il devait s'agir d'une solution provisoire, avant de pouvoir s'installer dans un logement social.

Nassira a alors 35 ans. D'origine algérienne, elle a dû fuir son pays avec son mari en 2018 en raison de menaces pour leur sécurité.

Ils obtiennent la protection subsidiaire internationale* et vivent à Marseille jusqu'en 2020, dans des conditions déjà précaires.

Son époux finit par trouver du travail en Bretagne, mais le couple se sépare.

La trentenaire prend la direction de Nantes pour trouver un emploi plus facilement que dans le village isolé où réside son ex-mari.

Une connaissance de connaissance en Algérie possède le logement que Nassira et ses enfants habiteront pendant presque trois ans. Un taudis à 650 € par mois, alors que la petite dernière, 3 ans, est asthmatique.

Son dossier médical mentionne l'état de la maison. "L'enfant habite une maison en mauvais état aux sols lavables. Elle est exposée à des moisissures. La maman a fait une demande de relogement", écrit son pédiatre en mars 2022.

Ma fille fait des crises respiratoires consécutives.

Nassira Bahri

Habitante d'un logement insalubre

Nassira tente de rendre l'endroit habitable et change une partie du mobilier de la cuisine, couvre certains murs de tapisseries, mais le logement est invivable. "L'évier me tombait dessus quand je faisais la vaisselle", relate-t-elle.

Sur les trois chambres, la famille n'en utilise qu'une. "On dort tous là pour avoir chaud. C'est là qu'on fait les devoirs, qu'on mange", raconte Nassira.

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Nassira et ses quatre enfants dormaient dans la même chambre pour éviter de souffrir du froid. ©France Télévisions / Camille Aguilé

L'intervention d'inspecteurs de salubrité

Rien, dans ce lieu sordide, n'est hospitalier. De la moisissure tapisse le mur derrière le frigo dans la cuisine. Les huisseries laissent passer le vent et les fils électriques sont apparents à plusieurs endroits, y compris dans la salle de bain.

Le logement est dangereux pour les enfants, qui ont entre 3 et 10 ans. "Ma fille s'est déjà pris un coup d'électricité", affirme Nassira. 

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Les branchements électriques sont vétustes et non sécurisés. ©France Télévisions / Camille Aguilé

La trentenaire fait intervenir des inspecteurs de salubrité de la Direction générale Territoires, proximité, déchets et sécurité de Nantes Métropole en octobre 2021.

Ils ne déclarent pas le logement insalubre mais relèvent plusieurs infractions au Règlement sanitaire départemental. Absence d'un moyen de chauffage permanent, infiltrations d'eau, risque de blessure en raison de vitres cassées,...

La liste continue, aberrante, mais le propriétaire refuse de faire les travaux. Il préfère mettre un terme au bail de Nassira, qui n'a alors nulle part où aller.

Dans l'attente d'un logement social depuis deux ans

Elle a pourtant fait une demande en avril 2021. Son dossier était en attente pendant plus de deux ans et demi, alors que les personnes "exposées à des situations d'habitat indigne" font partie des personnes prioritaires pour l'attribution d'un logement social selon l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL 44).

"Mon assistante sociale me dit qu'il n'y a pas de solutions, il y a beaucoup de monde. Elle m'a dit "Je ne peux rien faire pour vous, je n'ai pas de baguette magique". Ce n'est pas normal", plaide Nassira, démunie. 

Je suis fatiguée, mes enfants souffrent.

Nassira Bahri

Habitante d'un logement insalubre

La famille squatte un pavillon depuis peu

Pour le moment, Nassira et ses enfants ont quitté le pavillon cauchemardesque et squattent une maison inoccupée, appartenant au bailleur social Nantes Métropole Habitat.

Le bailleur lui laisse deux semaines pour s'en aller, parce que le logement doit être attribué à un autre demandeur.

"Ce sont des pratiques qu'on ne cautionne pas. Derrière, il y a une autre famille qui attend son logement, et à qui on va devoir dire de reporter le déménagement, notamment s'il faut réaliser des travaux", explique Franck Albert, directeur de la communication et des relations institutionnelles chez Nantes Métropole Habitat.

Madame Bahri a forcé l'entrée de l'un de nos logements. Ça va occasionner des travaux et un retard pour l'emménagement des personnes à qui il a été attribué.

Franck Albert

Directeur de la communication chez Nantes Métropole Habitat

Plusieurs services de l'État se sont mobilisés pour trouver une solution. La préfecture a proposé un hébergement d'urgence, mais Nassira a refusé. Elle n'est pas non plus convaincue par la proposition de logement social qui lui a été faite. 

Si elle accepte et fournit les documents nécessaires, elle pourrait emménager le 1er avril. Mais Nassira ne veut pas déménager trop loin.

Les enfants ont suivi leur scolarité dans un établissement du quartier de Saint-Joseph-de-Porterie. "Ils aiment y aller, assure leur mère, ils sont habitués maintenant". 

C'est dur d'élever quatre enfants seule, avec les courses, les rendez-vous...

Nassira Bahri

Habitante d'un logement insalubre

Elle perçoit le Revenu de solidarité active (RSA), n'a pas le permis français, pas de voiture et a, elle aussi, pris ses habitudes dans ce quartier. "L'autre logement est à 20 minutes à pieds de l'école. Je suis toute seule avec quatre enfants, je veux rester ici, il y tout : Intermarché, La Poste,..."

"Un logement avec les critères de Madame Bahri ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval, rétorque Franck Albert, et les bailleurs sociaux sont dépendants des logements qui sont libérés par les locataires".

57 000 dossiers de demandes de logement social en attente en Loire-Atlantique

Il y a quinze bailleurs sociaux sur Nantes. Lorsqu'un de leur logement se libère, leurs services consultent le fichier départemental de demandeurs et présentent trois dossiers à une commission d'attribution, chargée d'arbitrer lequel sera prioritaire. 

Les choix à faire sont parfois tragiques. "C'est difficile, ça peut arriver d'avoir une personne qui dort dans sa voiture, et en face, une personne victime de violences conjugales", précise Franck Albert.

La situation de Nassira Bahri fait écho à celle de nombreux demandeurs de logements sociaux dans les grandes métropoles, et dans le département.

L'attente en Loire-Atlantique peut aller jusqu'à 2 ans, et jusqu'à 3 ans sur Nantes Métropole selon l'ADIL 44. Avant ces délais, "l'attente s'ancre dans la moyenne".

Actuellement, 57 000 dossiers sont en attente de se voir attribuer un logement social locatif dans le département. Au 1er janvier 2023, Nantes Métropole comptabilisait 37 294 dossiers de demandeurs.

*La protection subsidiaire est une forme de protection par l'asile, attribuée à l'étranger qui ne remplit pas les conditions d'obtention du statut de réfugié. Le titre de séjour délivré est d'une durée maximale de 4 ans. À l'issue, le bénéficiaire de la protection subsidiaire internationale peut demander une carte de résident.

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