C'est une date que Thierry Noguet maire de Montoir-de-Bretagne en Loire-Atlantique, attendait avec impatience. Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire jugeait l'auteur présumé des menaces de mort portées à son encontre il y a un an. Une affaire qui a bouleversé sa vie et celle de son épouse.
Thierry Noguet vient de passer une année éprouvante vécue “sous cloche”. Placé sous dispositif de protection policière pendant quatre mois, le maire de Montoir-de-Bretagne attendait avec impatience ce procès pour pouvoir tourner la page et passer à autre chose. L'élu a toujours affiché une détermination sans faille pour dénoncer les violences subies par les politiques.
Un homme soutenu et très entouré pour cette audience express. Les élus ceints de leur écharpe en signe de solidarité étaient nombreux ce vendredi matin auteur de lui.
Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire juge ce 22 novembre l'auteur présumé des menaces de mort portées en novembre 2023.
Après plusieurs messages anonymes violents, l'élu reçoit un courriel qui lui est adressé sur le site internet de la commune.
"Je me suis effondré. Aujourd'hui, je ne suis pas dans le même état d'esprit. C'était vraiment très violent. Autant les messages précédents étaient agressifs, celui-là prenait une autre dimension", raconte l'élu de Montoir-de-Bretagne.
Les auteurs auraient pu être Daesh ou Al-Qaïda. À la fin, je pourrissais en enfer. C'était vraiment trash. Quand on n'est pas préparé à ça, ce n'est pas évident. Et je n'étais pas préparé à ça
Thierry NoguetMaire de Montoir-de-Bretagne
Un épisode traumatisant pour le maire, mais aussi pour épouse. "D'abord, il y a la stupéfaction et puis l'incompréhension. On ne mérite pas ça. Personne ne mérite ça", confie Raymonde Noguet.
Nous avons été très bien entourés par tous les enquêteurs, par tous les protocoles, mais je ne me sentais bien qu'à la maison et enfermée. Je ne voulais plus voir personne, je ne voulais plus rencontrer personne, parce que je n'avais plus confiance en personne
Raymonde NoguetÉpouse de Thierry Noguet
"J'ai peur de ne pas avoir le résultat que j'attends. À savoir la reconnaissance de notre statut de victime, et je ne veux rien savoir des motivations, de pourquoi il l'a fait", poursuit Raymonde Noguet.
Nous avons subi et payé le prix fort
Raymonde NoguetÉpouse de Thierry Noguet
Incité par son entourage, Thierry Noguet porte plainte, sa vie est bouleversée. Pendant plusieurs mois, l'élu est placé sous protection policière. Son téléphone est tracé, ses déplacements limités. L'inquiétude gagne ses collaborateurs.
"C'est vrai que ce n'était pas évident, et puis c'est quand même anxiogène. Même nous, en tant qu'employés, on n'était pas très rassurés. On voit tellement de choses, des colis qui sont déposés à l'accueil ou au niveau du courrier, des enveloppes. La situation était très compliquée à gérer", confie Isabelle Jacquemard, secrétaire de mairie.
L'agenda municipal est bousculé, "au niveau des rendez-vous, on a pris moins de rendez-vous. Au niveau des calendriers, il y avait moins de partage de calendrier. C'est vrai que ça a changé quand même pas mal de choses. Aujourd'hui, nous sommes revenus à une activité à peu près normale", confie l'employée.
L'auteur présumé interpellé en mars 2024
En mars 2024, un homme est interpellé dans le Maine-et-Loire.
C'est un ancien cadre de l'usine de production d'engrais chimique Yara installée à Montoir-de-Bretagne et contre laquelle l'élu se bat depuis des années.
Une arrestation qui soulage Thierry et Raymonde Noguet mais le traumatisme est toujours bien présent.
J'en ai encore gardé des séquelles. Aujourd'hui, quand on va au restaurant, on va toujours à peu près aux mêmes endroits. Je m'assois toujours en face de la porte pour voir qui rentre et qui sort
Thierry NoguetMaire de-Montoir-de-Bretagne
"Le temps perdu ne se rattrape jamais"
Le domicile familial se transforme en forteresse. Le couple vit cloîtré pendant de longs mois.
"En fait, j'étais toujours avec mon téléphone. Thierry avait pour consigne de me dire où il allait, où il devait arriver, il devait me tenir informée de tous ses trajets", explique Raymonde.
S'il n'était pas à l'heure dite à son rendez-vous, j'avais un protocole à suivre, des mesures à prendre. Donc, je ne faisais que ça
Raymonde NoguetÉpouse de Thierry Noguet
Le quotidien est pesant, rien n'est serein. Installation de caméra, protection rapprochée pendant quatre mois. Une vie sous étroite surveillance qui chamboule tout et tout le monde.
Ma belle-fille a accouché fin décembre et forcément, on s'en faisait une joie, sauf que la joie, elle a été limitée puisque nous, pour ne pas exporter le danger vers l'extérieur, on est resté cloîtré là. Donc là maintenant, on essaye de rattraper le temps perdu, mais le temps perdu il ne se rattrape jamais
Thierry NoguetMaire de Montoir-de-Bretagne
"Je ne pardonnerai pas"
Une parenthèse infernale qu'il souhaiterait définitivement refermer aujourd'hui.
"Quand on se pose, on se dit, ce n'est pas possible que j'ai pu vivre ça. Nous, les victimes, sommes oubliées. Ce que l'on vit intimement n'est pas reconnu. Je ne pardonnerai pas. Je ne veux rien entendre du pourquoi, du comment il l'a fait. Je retiens le fait que c'est lui qui nous a fait vivre ça pendant un an". Raymonde Noguet n'oubliera pas.
Thierry Noguet n'a jamais renoncé, jamais songé à démissionner. Il envisage même de rempiler en 2026. "La vie continue, vous savez, les administrés, les collaborateurs, ont besoin de la présence du maire. Donc, je n'ai pas interrompu mes activités pour autant. Alors, je me déplaçais moins, parce que forcément, ça mobilisait des forces de l'ordre. Je ne voulais pas gêner tout le monde dans l'organisation."
J'ai eu une activité normale. On a peut-être un peu restreint les rendez-vous. Les activités entre les commissions, etc, elles se sont poursuivies, parce que la vie continue, tout simplement
Thierry NoguetMaire de Montoir-de-Bretagne
"Je l'encourage à continuer pour ne pas rester sur une défaite. Les électeurs qui ont voté pour lui n'ont pas à payer le prix des actes d'une personne extérieure qui a empêché la ville de progresser. Je le pousse à se représenter et j'espère ne pas revivre la même chose", ajoute Raymonde Noguet.
"Ce n'est pas un bon signal envoyé aux élus"
Leur projet désormais ? "Partir en Amérique du Sud pour les vacances. Parce que c'est, comme je le dis toujours, ma deuxième patrie. Retrouver les gens qu'on aime, qu'on n'a pas vus depuis deux ans maintenant. Depuis que j'ai été élu maire, en fin de compte, on y va moins souvent. Et puis là, ça va vraiment être une échappatoire pour nous. Et on en a besoin. Donc ça va vraiment nous faire du bien. Et on a hâte d'y arriver", souffle Thierry Noguet.
Un voyage aussi pour respirer enfin...Le couple attendait une décision de justice exemplaire. Au final, 1000 euros d'amende pour l'auteur des menaces de mort. 4500 euros de dommages et intérêts pour le maire, 2500 pour son épouse et une interdiction de paraître dans la commune de Montoir-de-Bretagne et d'approcher Thierry Noguet pendant trois ans. Pas de sursis. Une peine bien légère pour l'élu qui a exceptionnellement pris la parole en fin d'audience. Interpellant les pouvoirs publics, l'élu a déclaré ; "notre travail n'est pas reconnu, il y aura une crise des vocations en 2026". Une déclaration saluée par des applaudissements fournis. L'accusé inaudible qui a plaidé coupable, s'est excusé à voix très basse, sans convaincre personne.
"Je suis en colère; Ce n'est pas un bon signal qu'on donne aux futurs élus. Franchement, je suis un peu abasourdi par tout ça", lâche le maire dans la salle des pas perdus du tribunal de Saint-Nazaire.
Je trouve que c'est la porte ouverte à l'impunité totale. Je vois juste une peine d'amende. L'argent, ça ne fait pas tout !
Thierry NoguetMaire de Montoir-de-Bretagne
"Je pensais qu'il y aurait eu une sanction un peu plus sévère, même de la prison avec sursis, histoire de marquer le coup". Thierry Noguet quitte le tribunal, un homme blessé. Un maire "qui a besoin de digérer le jugement" qui vient de tomber.
Avec Myriam N'Guénor
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