Démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins : "ici, on défend la démocratie", une marche en soutien à Yannick Morez

Ce mercredi 24 mai, plusieurs associations, syndicats ou partis politiques ont appelé à un rassemblement à Saint-Brevin-les-Pins pour une marche de soutien au maire de la commune. A plusieurs reprises menacé, sa maison touchée par un incendie, Yannick Morez a préféré démissionner.

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Il y avait du monde, environ 2 000 personnes, à cette marche solidaire en soutien au maire de Saint-Brevin-les-Pins. Une marche décidée après la démission de Yannick Morez, le maire, menacé à plusieurs reprises parce qu'il avait soutenu le transfert du centre d'accueil pour demandeurs d'asile, d'un quartier de la commune vers un autre. Une décision prise, rappelons-le, par l'État.

Des nombreuses écharpes tricolores et des responsables politiques

Le rassemblement a débuté à 17h, comme convenu. "Stop à la haine, au racisme, au RN, aux fascistes" pouvait-on lire sur une banderole. On pouvait apercevoir de nombreux élus avec leur écharpe tricolore. Des syndicats et des associations aussi.

"J'ai été sidéré par la violence de ce qui s'est passé ici", a déclaré Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, présent sur cette marche de soutien à Saint-Brevin-les-Pins. Concernant la possible "récupération" de cette marche par l'extrême gauche, comme l'a écrit le maire, Jean-Luc Mélenchon dit ne pas vouloir en rajouter sur ce sujet.

"Ceux qui ne sont pas là ont fait le choix de ne pas être là, dit-il. Mais nous, on doit savoir se tenir. Ici, on défend la démocratie. Le ton peut monter, on peut s'engueuler, on peut se faire des campagnes dures les uns contre les autres mais il y a une limite. C'est que ça reste du débat, de la démocratie, une idée contre une autre mais ça ne peut pas être des coups, de la violence, de l'intimidation et puis pour terminer de l'incendie

"Nous sommes de gauche oui, le maire (de Saint-Brevin-les-Pins) est de droite oui, mais la démocratie et la République, nous les avons en commun"

Jean-Luc Mélenchon

LFI

"Il faut écouter les maires"

"J'aurais tellement aimé qu'ici, dans cette commune, on puisse rassembler l'ensemble de l'arc des forces politiques républicaines, regrette, pour sa part, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Et montrer, qu'on soit de droite ou de gauche, d'abord notre soutien à un maire qui est violemment agressé et que, que nous soyons soit de droite ou de gauche, il faut écouter les maires. Dire à l'État qu'il faut respecter ces élus locaux qui sont en première ligne, à parfois mettre en œuvre des décisions imposées par l'État."

"Le racisme est un délit"

De son côté, Olivier Faure, le 1er secrétaire du PS, à l'initiative de cette marche de soutien avec la maire de Nantes Johanna Rolland, regrette également que la droite soit si peu représentée à cette manifestation.

"Il fallait qu'on puisse dire que ces groupuscules fascistes qui réapparaissent partout en France, légitimés par l'extrême droite parlementaire, ce n'est pas possible ! déclare-t-il. Il faut symboliquement marquer un coup d'arrêt et rappeler ce qu'est la République que nous défendons tous ensemble... Sur ce sujet-là, la République doit parler d'une seule voix et dire ce que sont ses valeurs et ne pas laisser penser un seul instant que le racisme est une opinion, c'est un délit."

Quelques maires de droite aussi

Johanna Rolland constate pour sa part que la diversité politique était représentée, à titre individuel, par des maires de diverses tendances de la métropole nantaise notamment.

"Ce qui compte surtout, insiste la maire socialiste de Nantes, c'est qu'on ait pu dire avec force que jamais un élu devrait se retrouver obligé de choisir entre la protection de sa famille et la poursuite du mandat public pour lequel il est engagé et dévoué. Cette situation est insupportable."

"Ce qui nous rassemble, c'est protéger nos valeurs républicaines et agir contre les groupuscules d'extrême droite", a déclaré la député EELV Julie Laernoes qui estime qu'il y eu faillite de l'État dans la mission de protéger le maire.

"Je me suis aperçu que c'était un sujet national"

Lorsque Yannick Morez est apparu sur le péron de l'Hôtel de Ville, il a été longuement applaudi. 

"Merci à tous pour votre présence, a-t-il déclaré devant la foule. Je ne m'attendais pas à autant de monde pour me soutenir et c'est vrai que depuis plus d'une semaine, je suis dans un véritable tourbillon médiatique... Je me suis aperçu que c'était un sujet national, les agressions des élus, et j'ai donc décidé d'aller jusqu'au bout."

C'est pourquoi, le maire de Saint-Brevin-les-Pins a témoigné devant une commission du Sénat, ce qui, dit-il, l'a aidé à supporter la difficulté de sa situation de maire démissionnaire, contraint à quitter son équipe municipale. 

"Je voulais démontrer également, a-t-il rappelé, qu'on n'avait pas eu de soutien de l'État, que ce soit au niveau du sous-préfet, du préfet et également de la procureure de la République."

...mais aussi de nombreux soutiens

Yannick Morez a raconté aussi les nombreux soutiens qu'il a reçus, les témoignages de maires qui lui ont raconté leurs propres expériences au quotidien, d'agressions verbales ou physiques et qui déposent des plaintes classées sans suite.

L'élu était ceint de son écharpe tricolore lors de ce discours, mais il a bel et bien présenté sa démission et quittera sa commune. On dit qu'il a l'intention de s'accorder un temps de repos, loin de Saint-Brevin-les-Pins

►Voir le reportage de Denis Leroys, Maxime Jaglin, Vincent Raynal, Boris Vioche, Julien Lanchas et Matteo Gaudin.

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Marche de soutien au maire de Saint-Brevin-les-Pins ©France Télévisions Denis Leroys, Maxime Jaglin, Vincent Raynal, Boris Vioche, Julie Lanchas et Matteo Gaudin.

Rappel des faits

Le mercredi 22 mars 2023, tôt le matin, deux véhicules garés devant le domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins s'enflamment. Le feu se propage à une partie de la maison. Heureusement, des témoins sonnent à la porte du domicile du maire et sauvent celui-ci et sa famille d'une possible intoxication par les fumées.

Rapidement, l'élu soupçonne l'extrême droite d'avoir allumé ce feu, sa décision de soutenir le déménagement du CADA, présent sur sa commune, vers un autre quartier, a provoqué quelques réactions, notamment à l'extrême droite.

Ce CADA (centre d'accueil pour demandeurs d'asile) existe à Saint-Brevin-les-Pins, depuis 2016. Il avait été installé par l'Etat dans un centre de vacances EDF pour y accueillir des personnes arrivant de Calais où, ce qu'on appelait "la jungle" était démantelée.

Des coups de feu

Une nuit, peu avant l'arrivée des premiers migrants, deux coups de feu sont tirés sur la devanture du centre et les premières voix s'élèvent contre cette installation. Quelques discours haineux se font jour, certains craignent l'arrivée de ces hommes étrangers potentiellement dangereux, pensent-ils. C'est ce même discours qui est ressorti en 2021 lorsque le projet de déménagement du CADA voit le jour.

En septembre de cette année-là, le maire de Saint-Brevin-les-Pins informe sa population dans un message sur Facebook que l'Etat veut déménager le CADA, toujours présent dans le quartier de l'Océan et géré sur délégation de l'Etat par l'association Aurore, vers le quartier de la Pierre Attelée, plus au sud.

Aucun incident depuis 2016

Depuis 2016, la présence des personnes accueillies dans l'ancien centre de vacances EDF (environ 400 en 6 ans) n'a posé absolument aucun problème et une association locale s'est même créée pour accompagner ces personnes, leur proposer des animations, des formations : Le Collectif des Brévinois Attentifs et Solidaires

Mais le déménagement fait remonter des discours violents déjà entendus en 2016. La localisation près d'une école du nouveau CADA est utilisée pour faire craindre le pire. Une pétition est créée pour s'opposer à ce projet et plusieurs manifestations ont lieu fin 2022.

A chaque fois, une contre-manifestation est également présente pour soutenir ce déménagement et l'accueil des personnes en demande d'asile. Les deux camps s'opposent de plus en plus fermement. 

Des menaces

Des menaces écrites sont également postées ici et là selon le Collectif des Brévinois Attentifs chez certaines personnes qui ont fait savoir qu'elles soutenaient le déménagement du CADA. Un déménagement qui doit se faire ce printemps vers des bâtiments en cours de réhabilitation.

Le point d'orgue de ces menaces sera l'incendie allumé le mercredi 22 mars au matin devant la maison du maire, Yannick Morez. Estimant que sa famille et lui-même sont en danger et que l'Etat n'a pas assuré leur sécurité, Yannik Morez annoncera sa démission le 10 mai, dans un communiqué sur le site de la ville. Il ajoute aussi quitter la commune où il vit depuis 32 ans.

Reçu par Elisabeth Borne

Depuis, les commentaires se multiplient sur cette affaire, localement et jusqu'au gouvernement. La première ministre, Elisabeth Borne, a reçu Yannick Morez le 17 mai après son audition devant le Sénat. 

Enfin, en soutien au maire de Saint-Brevin-les-Pins, plusieurs partis politiques et l'Association des maires de France ont appelé à ce rassemblement dont le rendez-vous était donné ce mercredi 24 mai à 17h, place Henri Basle.

Le maire absent du cortège

Dans un communiqué, sur sa page Facebook, Yannick Morez avait fait savoir qu'il ne serait pas présent lors du rassemblement, ni son équipe municipale.

"Je regrette, déclare-t-il, la récupération politique, notamment par l'extrême-gauche, de cette marche qui se voulait au départ transpartisane. Je regrette aussi la discrétion de la droite sur cette thématique."

Yannick Morez annonçait cependant son intention de prendre la parole devant l'Hôtel de Ville.

(Olivier Quentin avec Maxime Jaglin)

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