Ce dimanche 26 avril était la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation. A Saint-Nazaire, la cérémonie n'a réuni que deux personnes, le sous-préfet et le maire. Elles étaient les seules autorisées, pour cause de Coronavirus. Quid des cérémonies de mémoire à venir?
Dimanche matin 26 avril 2020, devant la stèle des Déportés. Deux couronnes de fleurs pour les deux seules personnes autorisées à prendre part à la cérémonie du souvenir.
Michel Bergue, sous-préfet de Saint-Nazaire, et David Samzun, maire de la ville, s'avancent ensemble vers la stèle. A distance raisonnable. Moment de recueillement. Puis retour chacun à ses occupations professionnelles ou personnelles.
Ordres et contre-ordres
Jamais une cérémonie n'aura été aussi minimaliste, ici, à Saint-Nazaire. Mais aussi partout en France. Telle était la consigne nationale. A l'origine, il devait même n'y avoir qu'une cérémonie à Paris.La secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, avait confirmé que les cérémonies mémorielles du 26 avril et du 8 Mai étaient "annulées dans chaque département" car "il n'est pas question de créer des regroupements composés bien souvent majoritairement d'anciens combattants et de porte-drapeaux". "Néanmoins, ces journées seront marquées nationalement", avait-t-elle précisé mais sans donner de détails sur le 26 avril.
Mais aux ordres ont succédé les contre-ordres. Et finalement, sous-préfecture et mairie de Saint-Nazaire ont été informées que Michel Bergue et David Samzun pouvaient seuls prendre part à la cérémonie du 26 avril 2020.
Ont ainsi été privés de cette cérémonie : les anciens déportés, les associations, de victimes de la déportation ou d'anciens combattants, les autres élus, de la majorité ou de l'opposition, les citoyens. Pour cause de Covid19 et par précaution sanitaire.
Quid des cérémonies du 8 mai ?
A priori, toutes les cérémonies mémorielles sont interdites jusqu'au 11 mai 2020.Le 8 mai, "une cérémonie sera organisée dans un format particulier qui sera retransmis dans la France entière", a ajouté la secrétaire d'Etat, en précisant que "le président de la République y participera". Néanmoins, de nombreux élus ont appelé le président de la République à revenir sur l'annulation des cérémonies du 8 mai.
Un élu normand, le député manchois Philippe Gosselin (LR) s'est dit "scandalisé", dans un courrier adressé à l'Elysée, cité par Ouest France : "Comment peut-on annuler les cérémonies commémoratives et patriotiques qui vont se dérouler dans les prochaines semaines ? À quelques jours de la rentrée des classes, même progressive, qui va rassembler des centaines de milliers d’élèves, alors que chacun peut aller acheter des croquettes pour nourrir ses chiens ou chats, pour d’autres, aller acheter des produits de bricolage en drive, la France ne pourrait pas honorer ses morts ? C’est ahurissant et inconcevable."
Le 11 mai : date de la Libération de la Poche de Saint-Nazaire et du Confinement 2020 ?
Le 8 mai est officiellement la date de la fin de la seconde guerre mondiale. En réalité, plusieurs poches allemandes, regroupées autour de fortifications conséquentes comme Brest, Lorient, La Rochelle ou Saint-Nazaire, ont résisté quelques heures, quelques jours de plus.Finalement, l'ultime rédition allemande eut lieu à Bouvron, en Loire-Atlantique, le 11 mai 1945, c'était la libération de la Poche de Saint-Nazaire, signée à Cordemais, près de Nantes.
Plusieurs cérémonies étaient donc prévues dans les villes de Bouvron et Saint-Nazaire, le 11 mai prochain. Entre ordres et contre-ordres, ces municipalités demeurent dans l'inconnu quant à la possibilité de maintenir ces cérémonies qui auraient lieu le même jour que celui de la fin du confinement général et du retour des enfants à l'école.
L'Opération Chariot, lutte contre l'esclavage, le Lancastria, l'évasion du Jean Bart...
Le 28 mars dernier, aucune cérémonie de mémoire commémorant l'attaque du Commando britannique sur le destroyer Campbeltown et les vedettes l'accompagnant (1942). Nazairien ou sujet de Sa Majesté, chacun est resté chez soi.Le site du Vieux Môle où se trouve désormais la stèle de mémoire (après avoir été retirée de la place du Commando, réaménagée) est resté désespérement vide. Les années précédentes, la cérémonie était double et haute en couleurs, 2020 restera comme l'année du souvenir silencieux et distant.
Restent à venir : le 10 mai, la journée nationale de lutte contre l'esclavage,(depuis 2006), le 17 juin, la date anniversaire du naufrage du Lancastria (1940) qui provoqua la mort de milliers de victimes, le 19 juin, la date anniversaire de l'évasion du Jean Bart, cuirassé français extirpé de nuit (1940) des chantiers navals de Saint-Nazaire à la barbe de l'armée allemande envahissant la région.
Devoir de mémoire et Covid19 : une solution 2.0
Face à la pandémie qui frappe notre région, mais aussi tout le pays et même la planète entière, se pose la question du deuil et du travail de mémoire. Le besoin de se rassembler autour de la mémoire d'un être cher ou d'un évènement dramatique, personnel ou collectif, se heurte aux consignes de sécurité imposées pour lutter contre le coronavirus et limiter sa propagation.
Pour assurer la continuité républicaine et continuer de transmettre la mémoire des victimes de guerres ou de discriminations, des initiatives ont été prises avec l'aide des technologies numériques, en réponse aux interdictions de rassemblements liées au Covid19.
Mais si ces solutions ont le mérite d'exister et d'intéresser les générations 2.0, elles sont beaucoup moins attractives pour les générations plus âgées ou les témoins de l'époque encore présents parmi nous.
Le rassemblement et la communion d'un groupe humain autour d'un lieu ou d'un monument symbolique, enveloppés de musique ou d'hymnes civils ou militaires n'ont jamais eu d'équivalent pour ressentir l'émotion du souvenir et le partage de la peine.
Disons que les deux solutions auraient le mérite de réunir autant de générations que possible. Dans l'intérêt de tous, pour que les leçons de l'Histoire ne s'oublient pas, et même, se transmettent.