Elle a 27 ans, et est aujourd'hui enceinte de 7 mois. Luwam est arrivée en juin 2021 pour rejoindre son époux. Faute d'hébergement d'urgence sur Saint-Nazaire, elle cherche chaque soir une solution pour dormir. Une situation que dénonce le Collectif Urgence Sociale-Plus jamais sans toî(t).
Difficile de joindre la bénévole des Maisons d'Hébergement Solidaire qui pourra évoquer la situation dans laquelle se trouve Luwam.
Et pour cause.
Son téléphone est monopolisé par les multiples appels qu'elle passe pour savoir si une institution, ou l'un ou l'autre des particuliers qui hébergent régulièrement des personnes à la rue, pourra accueillir la jeune femme enceinte ce lundi soir. Pour l'instant, elle a fait chou blanc.
"La situation est catastrophique fulmine Camille (prénom d'emprunt). Même les professionnels, les travailleurs sociaux n'ont pas de solution. Le 115 ne répond plus et quand ils décrochent ils n'ont aucune proposition hôtelière pour cette femme.
Et pourtant cette jeune femme est en passe d'obtenir un titre de séjour, elle a un statut de réfugiée. Elle fait partie des catégories prioritaires, des personnes que l'état s'est engagé à protéger !".
Camille, bénévole Collectif Urgence Sociale
Luwam est arrivée en juin dernier à Saint-Nazaire dans le cadre du regroupement familial pour rejoindre son mari, Naizgi, réfugié en France et détenteur d'un titre de séjour de 10 ans.
S'ils réussissent à passer leurs journées ensemble, le soir venu, ils sont contraints de se séparer. Naizgi doit laisser sa femme pour retourner dans son foyer qui n'accueille que des hommes.
Le couple a multiplié les démarches pour accéder à un hébergement stable. En vain.
"En six mois on leur a proposé une seule semaine d'hébergement d'urgence...seulement pour elle, à 80 km de Saint-Nazaire, du 28 décembre au 4 janvier, pendant que son conjoint restait pris en charge au Foyer Blanchy", explique Camille.
Une autre proposition a récemment été faite à Luwam, celle de rejoindre de nouveau un hébergement à Nantes, pour quelques jours seulement. Alors que son mari est toujours hébergé au foyer nazairien. Alors qu'elle est enceinte et ne parle ni ne comprend le français. Le couple a refusé. "Ils ne peuvent accepter ces solutions qui les éloignent l'un de l'autre et désorientent totalement la jeune femme qui est déjà très affaiblie" précise encore Camille.
Luwam passe donc toutes ses nuits depuis son arrivée à Saint-Nazaire entre la rue, la salle d'attente des urgences ou dans un lit des urgences gynécologiques, et/ou chez des particuliers.
"Ces solutions d'une extrême violence ne sont pas acceptables, alors que cette situation est connue de nombreuses institutions sociales. À ce jour, alors qu'elle est atteinte du Covid-19, le 115 ne propose toujours aucune solution, pire, il refuse même toute prise en charge du fait du Covid-19. Un comble vu les discours de l'Etat sur le contexte sanitaire !", s'insurge le collectif qui la soutient.
De plus en plus de réfugiés gagnent Saint-Nazaire en espérant y trouver de meilleures conditions d'accueil
Camille, qui est investie dans l'accueil et l'accompagnement des personnes réfugiées depuis quelques années déjà, assure n'avoir jamais connu une telle situation de précarité à Saint-Nazaire.
"Il y a de plus en plus de familles avec des enfants qui dorment à la rue. Elles ont quitté Nantes ou d'autres grandes villes qui sont totalement engorgées et ne peuvent pas les accueillir, et viennent à Saint-Nazaire où il n'y a pas d'offre !"
Les bénévoles du Collectif Urgence Sociale-Plus jamais sans toî(t) estiment à plus d'une centaine le nombre de personnes qui dorment dans les rues de Saint-Nazaire.
C'est d'ailleurs en constatant l'augmentation galopante de la grande précarité dans leur ville qu'une dizaine de bénévoles a réquisitionné deux pavillons appartenant à la ville et abandonnés depuis des années. (La mairie a d'ailleurs porté plainte contre le collectif pour occupation illégale).
"Depuis un an, nous avons accueilli une centaine de personnes. On peut héberger 25 personnes et là elles sont au complet. Chaque nuit on refuse deux à cinq personnes" précise Camille. Impossible donc d'y loger Luwam.
Mobilisation du collectif pour interpeller les pouvoirs locaux
Face à une situation qui se dégrade de mois en mois, les membres du collectif ont décidé d'interpeller une nouvelle fois la mairie et l'État.
Nous avons, de notre coté tenté de joindre les services de la mairie, sans succès pour l'instant.
"Ce qu'on dénonce, c'est que ce sont les bénévoles que nous sommes, qui se retrouvent à essayer de trouver des solutions, à appeler, à se démener pour aider ces personnes. Ce n'est pas à nous de palier les manques des services public" proteste Camille.
Le collectif demande à ce que l'Etat débloque des nuitées hôtelières et rappelle qu'à défaut, la mairie, par le biais du CCAS, peut elle aussi, avancer des frais d'hôtel en attendant que la préfecture prenne le relais. "Il faut vraiment que les municipalités arrêtent de se cacher derrière l'État. Des moyens, on sait qu'il y en a pour héberger les gens" conclut Camille avant de raccrocher, pressée.
Elle a encore des coups de fils à passer, afin que Luwam ne dorme pas dans le froid cette nuit.
Un appel à rassemblement a été lancé pour le vendredi 28 janvier à 11h, parvis de la mairie de Saint-Nazaire, en soutien à Luwam.