Le 15 novembre 2003, l'effondrement de la passerelle qui reliait au quai le Queen Mary 2 en cale sèche aux Chantiers à Saint-Nazaire avait provoqué la chute de 45 personnes d'une hauteur de 18 mètres. Seize sont mortes, 29 autres ont été blessées.
2003, le Queen Mary II rentre d'essai en mer. À peine revenu en cale sèche, les travaux reprennent, les visites privées à bord du bateau aussi.
Ce samedi-là, Daniel Bartholomé entraîne des jeunes au basket. Sa femme et son beau-père sont inscrits pour une visite du Queen Mary 2 en tout début d'après-midi.
"J'étais dans la salle de basket, et dans la salle de basket, il y a la radio. Et la radio annonce qu'il y a eu un drame au niveau de la passerelle du Queen Mary, nous racontait-il en 2018, et sur le coup, très franchement, égoïstement, je pense que ça ne peut pas être le groupe auquel appartient mon épouse".
Daniel Bartholomé appelle sur le portable d'Annie, son épouse. Pas de réponse. Il prend alors la voiture sous une pluie battante, direction les chantiers.
Sur place, les secours viennent d'arriver. La nouvelle de la catastrophe s'est répandue dans la ville, mais pas à l'intérieur du Queen Mary 2. Tous les groupes poursuivent leur visite presque normalement.
À l'intérieur des chantiers, Daniel Bartholomé continue à chercher les siens. Mais sur place, c'est le chaos. Pendant des heures, personne ne peut lui dire où sont sa femme et son beau-père.
"Au bout d'un certain temps, j'ai appris que les gens qui étaient décédés allaient être mis près de la serrurerie, enfin quelque chose comme ça, j'ai dû entendre ça. Là, j'ai vu arriver des corps dans des sacs noirs".
"Moi j'ai cherché à savoir qui était décédé, il n'y avait pas de nom sur les personnes et donc comme je voulais absolument savoir, c'est moi qui ai ouvert les sacs, et les deux premiers que j'ai trouvés, c'était ma femme et mon beau-père".
Annie Bartholomé et Jacques Herriot font partie des 16 victimes de la passerelle sur laquelle aurait dû se trouver Daniel Bartholomé. Il avait laissé sa place à son beau-père quelques jours avant la visite.
Deux célébrations ont eu lieu lieu ce mercredi 15 novembre 2023 à Saint-Nazaire, l'une aux Chantiers, l'autre à la stèle installée dans le jardin des Plantes.
Le reportage de novembre 2018 de Virginie Charbonneau, Thierry Poirier, Eric Bellamy, Stéphane Hérel.
Recherche documentaire : Eva Clouet
Chronologie de l'affaire
- 15 novembre 2003. La passerelle du QM2 s'effondre, bilan : 16 morts et 29 blessés. Une information judiciaire est ouverte
- 16 novembre 2003. Visite du chef de l'État de l'époque Jacques Chirac et de son Premier ministre Jean-Pierre Raffarin
- 21 janvier 2004. Gardes à vue et auditions de huit salariés des deux entreprises Endel et Chantiers
- 13 mai 2004. Les experts rendent leur rapport : la passerelle avait un défaut
- Mai 2004. Création de l'Association des victimes de la passerelle du Queen Mary 2
- Mai 2005. Mise en examen des deux sociétés Endel et Chantiers de l'Atlantique
- Juillet 2005. Mise en examen de cinq personnes, quatre salariés Endel, un des Chantiers
- 8 septembre 2005. La chambre d'instruction de la Cour d'appel de Rennes confirme le refus du juge d'instruction pour un complément d'expertise sur l'organisation du travail aux Chantiers.
- 8 juillet 2006. Les victimes et les familles rencontrent le juge d'instruction
- Décembre 2006. Mises en examen de deux cadres des Chantiers
- Février 2007. Fin de l'instruction. L'Association des victimes demande un complément d'enquête pour démontrer l'implication personnelle des dirigeants des Chantiers. Refus de l'instruction
- Juin 2007. La juge d'instruction rend son ordonnance et renvoie dix prévenus devant le tribunal correctionnel pour homicides involontaires et blessures involontaires
- Du 8 au 23 octobre 2007. Le procès s'ouvre pour deux semaines d'audience devant le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire
- 11 février 2008. Les Chantiers et Endel sont condamnées à 177 500 € d'amende. Les huit salariés sont relaxés
- 20 février 2008. Le Parquet de Saint-Nazaire fait appel du jugement
- Du 23 mars au 2 avril 2009. Nouveau procès devant la Cour d'appel de Rennes
- 2 juillet 2009. La Cour d'appel de Rennes rend son arrêt. La société Endel, qui a construit la passerelle, et les Chantiers de l’Atlantique sont condamnés chacun à 225 000 € d’amende. Quatre personnes physiques, deux cadres des chantiers et deux d'Endel sont condamnées à des peines de prison avec sursis
- 23 novembre 2010. La cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel concernant la condamnation de deux cadres des Chantiers de l'Atlantique. Ils seront convoqués pour un nouveau procès devant la cour d’appel de Versailles
- 18 janvier 2012. La Cour d’appel de Versailles confirme la relaxe des deux cadres des Chantiers de l’Atlantique poursuivis pour blessures et homicides involontaires
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