Témoignage. Licenciements chez Yara, des "patrons voyous", le coup de gueule du maire de Montoir-de-Bretagne

Publié le Écrit par Céline Dupeyrat

Il s'est battu pendant des années pour que les dirigeants de Yara investissent pour remettre l'usine de production d'engrais chimiques aux normes environnementales et de sécurité. La réponse ? 139 licenciements sur les 171 salariés que compte le site Seveso "seuil haut", Thierry Noguet est aujourd'hui un maire en colère. Il se dit "dégoûté" de ces "patrons voyous".

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Il avait envisagé une "mort programmée dans les dix ans" mais il n'avait pas vu venir le coup aussi vite. Jusqu'au bout, le maire de Montoir-de-Bretagne a espéré que le groupe Yara investirait les 80 millions d'euros nécessaires pour mettre aux normes environnementales et de sécurité le site de production d'engrais chimiques classé Seveso "seuil haut".

L'annonce du licenciement de 139 salariés a mis brutalement fin à des années de lutte. Thierry Noguet se dit surpris "par une temporalité aussi violente".

Vous aviez annoncé la mort programmée de l'usine Yara, cette annonce vous donne raison ?

Je n'imaginais pas du tout que ça se fasse aussi rapidement. Je suis abasourdi. Cette annonce, c'est un coup de tonnerre. Ce qui m'étonne le plus aujourd'hui, c'est le silence. Je n'ai pour l'instant aucun retour des salariés ou de la direction. J'ai simplement eu confirmation des 139 licenciements.

L'usine va devenir une usine de stockage où on importera des produits. J'ai une grosse pensée pour les salariés. Ce n'est pas forcément le scénario qu'on imaginait.

Cette fermeture, vous la vivez comme une marque de cynisme ?

Il est indéniable que l'usine souffrait depuis quelque temps d'une perte de chiffre d'affaires. Pour autant, à l'échelle du groupe, c'est une entreprise qui enregistre 2 milliards d'euros de résultat. Donc mettre 100 millions d'euros sur la table pour mettre le site aux normes, ce n'était pas insurmontable.

Quand on voit qu'ils sont en train de construire une usine flambant neuve au Royaume-Uni, pour fabriquer l'engrais du futur, pourquoi ne pas le faire sur Montoir ?

Thierry Noguet

Maire (SE) de Montoir-de-Bretagne

Du cynisme oui, quand on voit qu'ils sont en train de construire une usine flambant neuve au Royaume-Uni, pour fabriquer l'engrais du futur, pourquoi ne pas le faire sur Montoir ? C'est montrer peu de respect aux salariés et aux associations environnementales. Ils ont préféré payer des amendes de 500 000 euros plutôt que de se mettre aux normes. Ce sont des patrons voyous.

C'est dommage pour les familles concernées et tous les sous-traitants qui gravitent autour. Il faut que chacun assume ses responsabilités, notamment l'État.

L'État a-t-il été assez ferme avec Yara ?

Depuis que l'on soulève ce lièvre, ça a été silence radio. Pour moi, cela a été des grands moments de solitude. Les nouveaux sous-préfet et préfet avaient l'air de vouloir faire accélérer les choses, mais ce ne sont que des représentants de l'État. Moi, j'aurais voulu des décisions au plus haut niveau. Au lieu de nous dire que le dossier était sur la table, ils auraient dû prendre leur dossier sous le bras et venir nous voir sur le terrain, ne serait-ce que pour discuter.  Au final, c'est un gâchis pour les salariés et pour l'économie.

Ils ont anticipé, c'est un choix d'actionnaires, c'est la finance qui domine et qui sacrifie l'humain par rapport aux profits.

Thierry Noguet

Maire (SE) de Montoir-de-Bretagne

Je ne demandais pas la fermeture du site, mais une fermeture administrative pour leur forcer un peu la main. Ils ont anticipé, c'est un choix d'actionnaires, c'est la finance qui domine et qui sacrifie l'humain par rapport aux profits.

Il y a eu un décès après un accident du travail sur le site le 24 octobre dernier, c'était l'omerta complète. La direction s'est tue. Je trouve ça dégueulasse. C'était un salarié sous-traitant. Je suis dégoûté. Face à ces gens-là, je ne lâcherai rien. Je suis un fervent défenseur de l'industrie. Mais cette direction nous prend pour des jambons. Ils piétinent les élus. Ça reste des voyous, jamais je ne changerai d'avis !

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