La mairie pour rassembler les citoyens et les associations, la sous-préfecture pour dénoncer l'attitude de l'entreprise Yara et demander des comptes aux services de l'État. Le parcours était symbolique, choisi par 18 associations vent debout à l'encontre du fabricant d'engrais installé à Montoir au bord de la Loire.
Dix huit associations avaient appelé la population du bassin nazairien à protester contre les pratiques de l'usine Yara, quatre cents personnes environ ont répondu à cet appel.
Porteurs chacun d'une lettre sur une feuille de papier, plusieurs manifestants se sont alignés sur les marches de l'Hôtel de ville de Saint-Nazaire jusqu'à former la revendication principale : ''Yara, suspension administrative immédiate''. Puis le cortège s'est mis en marche.
Que fait l'Etat ?
Depuis plusieurs années, les associations citoyennes de Saint-Nazaire, Trignac, Montoir, Donges alertent sur la menace que fait peser l'usine Yara sur la population. Pollution dans l'atmosphère ou en Loire, risques d'explosion, Yara fait peur. Ces collectifs en appellent aux services de l'État et demandent la fermeture administrative immédiate de ce site de production d'engrais basé à Montoir dans la zone portuaire, tout près de la Loire.
Mais les services de l'État, en la personne du précédent sous-préfet Michel Bergue, avaient déjà répondu, voilà quelques mois, qu'en l'absence de danger imminent, la fermeture était peu probable.
Le dossier Yara est néanmoins remonté jusqu'au bureau de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Mais pas forcément en haut de la pile des dossiers environnementaux.
Yara, un cas à part
Il faut dire que l'entreprise cumule les mauvaises notes, mais cela ne semble pas affecter outre mesure le groupe norvégien, un des leaders mondiaux des engrais azotés. Entre pollution et lobbying, Yara essaie de s'acheter une image en s'affichant par exemple au Salon de l'Agriculture.
Dernière alerte en date, cette fuite d'acide à l'usine de Montoir durant l'été 2023. Malgré les promesses et affirmations du nouveau directeur arrivé en juin, les incidents se poursuivent, tout comme les rejets, dans l'atmosphère ou en Loire.
En février 2023, Yara avait même contesté les mises en demeure préfectorales à l'endroit du site de Montoir, mais le 14 mars suivant, le tribunal administratif de Nantes avait donné raison à l'état, exhortant au passage l'industriel à respecter les normes environnementales et à payer ses amendes.
Un site sous haute surveillance
Le site de production d'engrais de Montoir est classé Seveso seuil haut. 450 000 tonnes d'engrais y sont produites chaque année, à base d'ammonitrates, d'azote, de phosphore et de potassium. Un cocktail explosif si toutes les précautions ne sont pas prises.
La clientèle : les grosses fermes et les coopératives du grand Ouest. Un modèle aujourd'hui décrié par une partie de l'opinion publique.
Une question de santé publique
Dans le cortège, des associations citoyennes qui alertent face aux dangers que fait peser Yara sur la santé des habitants. Des élus également. Le député LFI Matthias Tavel, le maire de Trignac Claude Auffort, quelques adjoints et le maire de Montoir Thierry Noguet.
Yara, c'est mon combat au quotidien
Thierry NoguetMaire de Montoir de Bretagne
L'édile a pris la parole devant la sous-préfecture pour faire un point sur la situation. Il a mentionné le dialogue amorcé avec le nouveau directeur, mais ne se fait aucune illusion face à un groupe qui préfère payer 500 000 euros d'amende que d'entamer des travaux.
Avec 2,5 milliards d'euros de bénéfice net pour le groupe Yara, il est vrai que cette somme apparait infime. Le site de Montoir serait en déficit de 36 millions d'euros selon son directeur, une situation financière délicate qui justifierait l'absence de travaux de mise aux normes. (estimés à environ 100 millions d'euros).
Autre révélation : Yara serait en train de construire en Angleterre une grande usine de fabrication de l'engrais du futur. Ce qui fait dire au maire de Montoir qu'il voit le site Yara disparaitre de sa commune avant dix ans.
Tout le monde nous dit ''le dossier est sur la table'' mais il ne faut pas le laisser sur la table le dossier, il faut agir.
Thierry NoguetMaire de Montoir de Bretagne
Le maire de Montoir nous a confié subir des pressions et être inquiet pour sa famille. Mais il est déterminé à continuer son combat, car cette question de santé publique concerne des dizaines de milliers de personnes tant du point de vue de la pollution que de celui des risques industriels.
N'oublions pas que Yara n'est pas le seul site industriel à risques. Le terminal méthanier et la raffinerie de Donges sont des sites classés Seveso seuil haut à proximité. En cas d'explosion, l'effet domino serait à craindre.
Et quand on lui répond que c'est ''peu probable'', Thierry Noguet rétorque ''dans peu probable, il y a le mot probable, et ça, ce n'est pas supportable.''