Angers propose trois marchés de Noël. Le plus ancien est Place du Ralliement, le deuxième est sur le Jardin du Mail et le tout récent, ouvert pour la première fois cette année, s'est installé en contrebas du centre-ville, place Molière. Problème : les Angevins ne semblent pas être au courant et personne n'y va, au grand dam des commerçants.
Ce jeudi soir, la pluie ajoute une touche tristounette à ce marché de Noël posé place Molière, à Angers. Une dizaine de commerçants, installés près de la voie sur berges, attendent désespérément le chaland. Bijoux, chaussons, saucissons, gaufres, il y a même un manège, mais aucun enfant sur les balancelles.
"On est à moins 70 %"
Malvina Galland, Vendéenne, a loué ici un chalet où elle présente quelques créations personnelles et des bijoux achetés en gros auprès d'une entreprise parisienne. C'est sa deuxième semaine de présence et elle ne cache pas sa déception.
"J'ai fait deux ans le grand marché de Noël de Nantes. Je voulais changer et je suis venue sur Angers : grosse baisse de chiffre ! On est à moins 70 % par rapport à Nantes", déplore la jeune femme.
Malvina confirme que, contrairement au grand marché de Noël traditionnel de la Place du Ralliement, celui-ci n'attire par les foules, loin de là.
"Quasiment pas de fréquentation, dit-elle. On est à cinq jours de Noël et ça ne décolle pas."
Location du chalet, achat du stock, frais d'hébergement sur Angers, cette commerçante s'attend à perdre de l'argent et pas de salaire à la fin du mois.
On lui avait pourtant vanté Angers comme étant une opération intéressante. "Angers, ça commence à travailler !", lui avait-on dit.
Normalement, sur cette période, Malvina peut espérer l'équivalent de six mois de salaire, avant la grande période estivale où elle s'installe sur le littoral.
Manque de signalisation
"Moralement, ce n'est pas facile", avoue l'auto-entrepreneuse qui espère encore que les derniers jours avant Noël lui permettront au moins de couvrir ses frais. Mais elle n'en est pas sûre.
Pourtant, le stand de Malvina fera une heureuse ce soir-là. Une jeune cliente y a trouvé des boucles d'oreille qui lui plaisent beaucoup. "C'est trop beau", dit-elle, alors que la commerçante décroche les bijoux pour les emballer.
La cliente s'en va, satisfaite de son achat. Malvina s'assoit. Pas d'autre client, même pour jeter un coup d'œil. Une bonne averse tambourine sur les toits du kiosque central où personne ne vient déguster un vin chaud.
"Ce qui serait bien, c'est que ce soit indiqué par des signalisations, fait remarquer un passant. Parce qu'il y a des petits chalets qui ne sont pas mal du tout par rapport à en haut (Place du Ralliement). Ils sont différents donc c'est bien de venir aussi."
"Ce n'est pas du tout ce à quoi on s'attendait, confirme Marco Guérin qui est venu vendre du miel et des produits à base de cire d'abeille. Il est producteur-récoltant. On a un gros manque de flux tout au long de la journée, si n'est le week-end où c'est un peu mieux, mais le chiffre qu'on fait le week-end, c'est celui qu'on devrait faire en semaine. On est tous déçus ici Place Molière."
"Maintenant, c'est trop tard"
Marco explique qu'on lui avait "vendu" cette place comme étant l'extension du grand marché de Noël de la Place du Ralliement. Mais la réalité est tout autre.
"Ce qui a manqué, c'est de la communication au préalable. Maintenant, c'est trop tard", estime ce commerçant qui reproche à la ville de n'avoir éclairé le grand sapin décoratif et mis de la musique qu'au bout d'une semaine de présence.
Période de "rodage"
De son côté, l'adjoint au commerce d'Angers, Stéphane Pabritz, défend ce projet d'extension du marché de Noël central.
"On est sur la plus grosse station de tram d'Angers, argumente-t-il. On a des parkings importants à côté, on a des rues qui alimentent en personnes."
Mais il reconnait que c'est un nouveau marché qui a été imaginé dans la suite de la rénovation de la place et de l'arrivée du tram. L'élu parle de "rodage" et dit comprendre la colère des commerçants à qui il n'a pas été assez dit, effectivement, que c'était une première pour cet emplacement.
"Mais c'est à eux de faire leur clientèle, de persévérer, insiste-t-il. Parce que je pense que c'est un très bon site ici."
Stéphane Pabritz envisage de faire le point à la fin de cette opération, notamment avec le loueur de chalets pour contrôler que les prix incitatifs convenus ont bien été respectés. L'élu promet de "régler ça". Sans plus de détail.
Des prix planchers
2A Groupe, gros organisateur de marchés de Noël en France, explique que les commerçants qui ont loué un chalet sur la Place Molière ont bénéficié de prix planchers, plus de deux fois inférieurs aux prix des chalets proposés Place du Ralliement. Difficile d'avoir les détails. 2A parle de chalets à 3 000 € place Molière alors que l'équivalent serait loué 7 000 € Place du Ralliement.
"Nous n’avons forcé personne à venir, il faut laisser le temps à cet espace de trouver sa dynamique", déclare Thibault Delourme, Président de 2A Groupe.
"Nous, on ne nous a pas dit ça, rectifie Marco Guérin. On ne nous a pas dit que c'était un projet à long terme. On doit s'assoir sur un revenu. On paye beaucoup trop cher par rapport au flux de clients qui est ici inexistant. Il y a plus de commerçants que de clients sur la place. D'un côté, on a 2A qui nous joue du violon, et, de l'autre, la mairie qui nous joue du pipeau. On a rencontré un bel orchestre ici cet hiver."
Les commerçants de cette place sont amers. Ils ont le sentiment d'avoir essuyé les plâtres d'une opération destinée à être rentable dans plusieurs années.
Le succès Place du Ralliement et au Jardin du Mail
Quelques centaines de mètres plus loin, en haut de la rue de la Roë, ce n'est effectivement pas la même ambiance. Même si la météo n'est pas de la partie, ce jeudi soir, il y a du monde autour des 90 stands. On est dans le centre-ville commerçant d'Angers, et, naturellement, la zone est fréquentée.
Même sensation festive sur le jardin du Mail et ses cinquante chalets. Une grande roue illumine cet autre marché de Noël ouvert il y a quatre ans.
Quatre ans, c'est, selon l'adjoint au commerce d'Angers, le délai pour que les Angevins s'approprient cette nouvelle adresse de marché de Noël, Place Molière.
Reste à trouver les commerçants pour prendre le risque.
Olivier Quentin avec Cathy Colin
► Voir le reportage de Cathy Colin, Olivier Quentin et Maxime Therville
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv