Usurpation d'identité. "Ça fait 30 ans, je n'en peux plus", le calvaire des victimes de ce fléau

C'est un fléau qui empoisonne la vie de très nombreux Français : l'usurpation d'identité. Ou comment des escrocs utilisent des données personnelles sans votre accord pour réaliser des opérations financières ou commettre des actes répréhensibles.

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Cela peut être des proches ou des inconnus, qui ont piraté des données par voie informatique. 200 000 Français en sont victimes chaque année.

Depuis maintenant 35 ans, Laurent Berthelot reçoit régulièrement des courriers adressés à son nom. Mais c'est à son homonyme qu'ils sont destinés.

Il porte le même nom, le même prénom, il est né à Angers comme moi le 2 juillet 1968

Laurent Berthelot

Victime d'usurpation d'identité

Ce double qui prête à sourire lui cause bien des tracas : tout a commencé avec des avis de chèques émis sans provisions. Et depuis, à chaque rappel, Laurent Berthelot doit justifier qu'il n'est pas insolvable.

"Ce qui me pourrit la vie, c'est recevoir tous ces courriers qui ne me sont pas destinés, raconte-t-il, au niveau des impôts, des impôts fonciers, de la taxe foncière, les impôts sur le revenu, des loyers qui n'étaient pas payés non plus. Tout ça, c'était adressé à mon nom alors que ce n'était pas moi, donc c'est à moi de faire les démarches auprès des administrations. De prouver que je ne suis pas fiché, de prouver mon identité, c'est pénible ".

"C'est inscrit dans mon casier"

David Dorléans est une autre victime. Lui aussi s'est fait usurper son d'identité. L'an dernier, lors d'un contrôle routier, son demi-frère a pris son nom, sans fournir de pièce justificative.

David a eu la désagréable surprise de recevoir l'amende majorée des mois plus tard.

"Ça a été jusqu'à la saisie sur mon salaire, explique David, et c'est inscrit dans mon casier aussi. Ça a été jusque-là alors que je n'ai rien fait du tout".

David a porté plainte, mais vit désormais dans la crainte que l'usurpateur recommence.

"J'ai réussi déjà à arrêter la saisie, se félicite David, mais je suis un peu dégoûté parce que ça ne bouge pas vraiment. Cette personne-là est libre. Ça m'arrive même de le croiser en allant chercher mon pain".

L'avocat de cette victime sait combien il est difficile de prouver l'usurpation. Une photocopie de papier d'identité ou une fausse déclaration de perte et la situation peut vite dégénérer.

"Ces personnes-là prennent l'identité de leur frère ou de quelqu'un, explique Me Mickaël Boulay, il n'y a pas forcément de ressemblance, c'est ça qui est étonnant. Généralement, les faits sont traités assez vite au niveau des amendes, mais après, il faut aller très rapidement vérifier si on n'a pas eu de condamnation au casier judiciaire qui serait contre nous et dont on n'aurait pas eu connaissance".

Une affaire emblématique a marqué cet avocat : celle de Pascal Griffaton, qui a dû justifier son innocence pour les délits et escroqueries commis par son frère aîné, Patrice. La justice a confondu les deux pendant 15 ans.  

"C'est invivable"

"Je n'ai pas de compte, je ne peux pas travailler, je ne peux rien recevoir, je ne peux rien faire, témoignait-il en novembre 2011, je ne peux pas conduire, je suis recherché régulièrement pour ce qu'a commis l'autre, c'est invivable, qui c'est qui pourrait vivre avec une telle situation ?"

Interpellé en 2010 à Auxerre, Patrice, le frère usurpateur, a été condamné à trois ans de prison. En dépression, Pascal Griffaton lui, ne s'est jamais remis de cette injustice. D'autant que le cauchemar a repris récemment. Contacté par téléphone, il nous apprend qu'il a de nouveau été destinataire d'une amende.

"Ça rend fou, il donne mon nom, je suis condamné après, lui, ça ne le dérange pas. Ça fait 30 ans, je n'en peux plus, raconte-t-il, je suis dépressif, je ne dors pas, je n'y arrive plus". 

"La difficulté, c'est que ces dossiers-là ne sont pas envisagés par la justice dans un angle dramatique, explique Me Mickaël Boulay, on ne met pas les moyens pour ces dossiers-là. Parce qu'il y a d'autres personnes qui sont, elles aussi, usurpées actuellement et on met plutôt l'accent aujourd'hui sur l'usurpation par voie informatique".

Depuis 2011, la loi a été étendue au délit d'usurpation électronique, mais avec une sanction moins sévère : de cinq ans, la peine a été réduite à un an d'emprisonnement.

Le reportage de Eric Aubron,  Laura Striano, William Sabbas

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