Vieux de 120 ans, le Tour de France n'est pas qu'une histoire de sport. L'évènement cycliste est désormais ancré dans la culture populaire, héritier d'années de passages dans les lieux emblématiques du pays, y compris dans les villages ruraux de la région Pays de la Loire. Souvenirs à Renazé et Mazé.
Au-delà d'une course de renommée internationale, le Tour de France est aussi un tour de ses contrées rurales depuis sa création en 1903.
Le spectacle qu'offre la campagne est source d'inspiration pour les commentateurs. "Et soudain, démarrage terrible ! Marguerite s'en va mètre après mètre, mais que c'est beau une vache au sprint", peut-on entendre dans une archive audiovisuelle de la compétition, devant une vache lancée au grand galop aux côtés des cyclistes.
L'accueil du tour est aussi un évènement festif dans lequel les habitants s'investissent, et qui prend parfois des airs de braderie communale. "La vraie casquette de vos champions favoris, la casquette de Poulidor ou d'Ocaña !", s'exclame un vendeur.
"À 10h30, on ne pouvait pas dire de messe avec la caravane publicitaire. Et les paroissiens... et le curé voulaient voir le tour", sourit un prêtre devant la caméra.
L'installation de buvettes et de bottes de paille faisant office de barrières montre la reconnaissance des habitants envers les organisateurs qui ont tracé le parcours en pensant à eux. Enfin pas tout à fait, puisqu'il faut mettre la main au portefeuille pour accueillir quelques kilomètres de la grande boucle.
320 000 francs pour voir passer le tour
En 1987, les 3 000 habitants de Renazé – le village des frères cyclistes Marc et Yvon Madiot dans le Maine-et-Loire – doivent trouver 320 000 francs pour payer la subvention demandée par la société du Tour. "On voulait bien participer, mais à condition que le budget communal ne supporte pas les dépenses de cette manifestation", informe Daniel Houdin, maire de Renazé entre 1977 et 1995.
Les Renazéens lancent une souscription et vendent près de 7000 billets à 10 francs . On leur prête 1 200 barrières de sécurité et le camion pour aller les chercher. "Je pense qu'on va faire un peu de bénéfices, mais j'aurais aimé en faire davantage", commente le maire à l'époque.
Dans les reportages de la fin des années 1980, l'image diffusée sur les campagnes laisse parfois à désirer. Le passage du tour dans les villages ruraux offre de l'exotisme de proximité à moindre coût. Il en dit un peu de ceux qui y vivent, et bien plus des journalistes de passage : "Musique, rires, ambiance bon enfant, dans ce bourg de 1 800 habitants où d'ordinaire il ne se passe rien, c'était la fête", juge hâtivement le commentaire d'une journaliste, évoquant une autre commune.
Le tourisme et le terroir
L'arrivée du Tour reste néanmoins l'occasion de faire la publicité du terroir et de stimuler le tourisme. "Venez nombreux dans cette région infiniment accueillante, sportive, et qui produit les plus beaux oignons du pays", entend-on dans un encart publicitaire dédié à l'étape de Mazé (à l'est d'Angers) en 1978.
Le plus petit village du tour cette année-là, fier de son terroir, affiche une banderole sur laquelle on peut lire : "Capitale du Tour de France pour un jour, capitale de l'oignon pour toujours."
À Mazé aussi, les organisateurs du Tour demandent une participation, fixée à 100 000 francs. Et là aussi, les journalistes s'autorisent un paternalisme malvenu.
"Le Tour, c'est bien pour le commerce", répond un retraité à la question de l'un d'entre eux. "Non mais il n'y a pas que le commerce dans la vie, il y a le tourisme, il y a l'Anjou, il y a Mazé !", lui réplique sèchement ce dernier. Devant la caméra, le vieil homme ne se prive pas d'avoir le dernier mot avec malice : "Et puis il y a les oignons !"
Ce Tour de France 1978 est sur le point d'être remporté par Bernard Hinault, mais c'est le Belge Freddy Maertens qui sort vainqueur de l'étape de Mazé. Les coureurs quittent le village le lendemain, 5 juillet 1978, au départ pour Poitiers, devant le magnifique château de Montgeoffroy.
Avec David Jouillat