Entre l'inflation et des cotations qui n'ont pas augmenté depuis onze ans, les kinés dénoncent une baisse de leur niveau de vie de 25 %. Pour compenser, ils augmentent leurs volumes horaires au risque de se retrouver en burn-out. Les professionnels du Maine-et-Loire ont décidé de manifester le mardi 20 juin prochain pour une revalorisation de leur situation.
À 38 ans, Noémie Maunier, qui, comme beaucoup de ses collègues, a choisi ce métier par passion, se demande combien de temps encore, elle va pouvoir tenir le rythme.
Maman de trois enfants en bas-âge, elle partage un cabinet à Corzé en Maine-et-Loire avec trois autres masseurs-kinésithérapeutes comme elle. Elle travaille de 9 h-19 h, chaque jour, et s'octroie une demi-journée de libre par semaine.
"Année après année, on augmente notre volume horaire pour maintenir notre niveau de revenus, et faire face aux charges du cabinet. Les pauses de midi sont vite expédiées. Mais, bon, on fatigue quand même !".
On se dit qu'en travaillant autant et en libéral, les revenus de Noémie doivent suivre... et bien, on a tort.
Car la profession, comme beaucoup de disciplines paramédicales, n'a pas connu d'augmentation de l'acte depuis 2012.
"Quand j'ai commencé en 2007, l'acte moyen était tarifé 14,28 euros, il a été revalorisé à 16,13 euros en 2012 et depuis il n'a pas bougé. Si l'on fait un parallèle avec des salariés d'entreprises, personne n'accepterait un tel gel des salaires !".
Après avoir fait cinq ans d'études et obtenu un niveau ingénieur, les kinés libéraux sont, en moyenne, rémunérés 18 euros de l'heure. La plupart d'entre eux ne gagnent pas beaucoup plus que 2000 euros par mois (2600 euros bruts, selon les données de la profession).
Les kinés français sont d'ailleurs les moins bien rétribués d'Europe. En Belgique, l'acte de base est coté à 23 euros, en Allemagne 28,50 euros, en Espagne 35 euros.
Des investissements nécessaires et couteux
Malgré une stagnation, voire une réduction de leur pouvoir d'achat, les kinés doivent continuer à se former, à investir aussi dans du matériel performant.
"Nous avons besoin locaux assez vastes pour permettre aux patients de courir, de faire des exercices de gym, et de la rééducation. Nous achetons du matériel spécifique, comme le "full skin" machine pour assouplir les cicatrices, cela nous a couté 17 000 euros, et un appareil de cryothérapie à 6 000 euros. La question maintenant est de savoir combien de temps, nous allons pouvoir les garder, indique Noémie qui ajoute certains collègues, avec l'augmentation de l'électricité, ont décidé d'arrêter les séances de balnéothérapie."
La tentation de travailler plus et de sélectionner ses patients
Pour compenser la régression de leur niveau de vie, de nombreux kinés sont tentés d'opter pour le suivi des pathologies les plus rémunératrices. Certains actes sont en effet mieux cotés que d'autres, notamment la rééducation des enfants handicapés ou encore la prise en charge des personnes atteintes de maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson.
Mais Noémie, elle, s'y refuse.
Il n'est pas question pour moi de sélectionner les patients ou même de faire des dépassements d'honoraires. Il faut que les gens aient un accès égal aux soins.
Noémie Maunier, kinésithérapeute
Et que l'on puisse continuer à les suivre en cabinet ou à domicile. En l'occurrence, si l'on veut maintenir les personnes âgées ou malades à domicile, il faut y mettre les moyens".
L'autre alternative qui se présente aux kinés, pour gagner à peu près autant qu'en 2000, c'est de travailler plus.
Pour avoir le même niveau de vie, il leur faut aujourd'hui engranger 54 h par semaine contre 40 il y a 20 ans.
"Si l'on calcule le tarif moyen d'un acte, en tenant compte de l'inflation, nous devrions être à 22,50 euros. Certains collègues travaillent maintenant cinq jours et demi par semaine. Un de mes confrères m'a contacté ce matin, mais il ne pourra pas venir à notre mobilisation, il est en burn-out !"
Mobilisation pour une revalorisation
La mobilisation dont parle Noémie, c'est celle qui aura lieu le mardi 20 juin devant la CPAM du Maine-et-Loire.
Le collectif "Négociations Kiné, Tous concernés" dont elle fait partie a décidé d'appuyer les revendications des syndicats de la profession pour négocier avec l'état une revalorisation des cotations. La mobilisation, si elle est nationale, est encore timide, "nous ne sommes pas des râleurs, regrette Noémie, mais là, il semble bien que la coupe est pleine. Un peu partout en France, les kinés se mobilisent et descendent dans la rue.
Alors que les infirmiers, les médecins et les orthoptistes se sont déjà vus gratifié d'augmentations "flash" pour faire face à l'inflation, les kinés doivent encore attendre le mois de juillet..."et encore, précise Noémie Maunier, on ne sait pas de combien sera cette augmentation. Dans tous les cas, ce sera un rattrapage lié à l'inflation, mais en aucun cas cela ne compensera les onze ans sans augmentation".