Une enquête de l'AMF révèle que près de 80 % des maires souffrent du stress et de l'épuisement liés à leur mandat. Si tous les élus locaux ne sont pas épargnés, les maires ruraux sont particulièrement touchés. Isolés, ils affrontent une charge de travail écrasante et un manque de ressources. Témoignages.
À force de porter seuls le poids des responsabilités, les maires ruraux risquent de s’effondrer. La santé mentale des maires ruraux est un sujet qui revient de plus en plus dans les débats, à mesure que le stress, la solitude et l'épuisement des élus locaux prennent des proportions alarmantes. Selon une enquête publiée par l'Association des Maires de France (AMF) le 15 novembre dernier, près de huit maires sur dix estiment que leur santé physique ou mentale est affectée par l'exercice de leur mandat. Un constat préoccupant qui trouve un écho particulièrement fort dans les petites communes, où les élus sont souvent laissés seuls face à des responsabilités multiples et des ressources limitées.
🔴[COMMUNIQUÉ DE PRESSE]
— AMF | Association des maires de France (@l_amf) November 15, 2024
Enquête ELUSAN : Être maire aujourd'hui - Engagés, débordés, malmenés : quels effets sur la santé ?
Les conséquences des mandats pour la santé des élus sont méconnues et la santé des élus n’est pas un sujet mineur. En effet, ne faut-il pas être en bonne… pic.twitter.com/QzgBmWxJiu
Dans le Puy-de-Dôme, plusieurs maires ruraux témoignent des difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Ces élus, qui assument des tâches aussi diverses que la gestion des déchets, l'entretien des espaces publics ou la sécurité des habitants, portent un fardeau bien plus lourd qu'on ne l'imagine.
"Le maire rural est seul face à tout"
Denis Legendre, maire de Moriat, une commune de 400 habitants, n'hésite pas à qualifier son rôle de "prison dorée". À la tête de sa commune depuis deux mandats, il souligne le manque de moyens qui pèse sur les petites collectivités. "Un maire d'une commune de 400 habitants touche 900 euros par mois. On ne vit pas avec ça", déclare-t-il, ajoutant qu'il doit gérer son entreprise de fabrication de luminaires pour pouvoir joindre les deux bouts.
La fatigue mentale qui en découle est palpable. Selon lui, les maires ruraux sont souvent contactés pour des problèmes qui, à première vue, semblent anodins, mais qui s'accumulent : "Si quelqu'un se plaint de deux crottes de chien devant chez lui, c'est le maire qu'on appelle pour régler le problème", explique-t-il. "Cela peut paraître anecdotique, mais ces petites demandes s'ajoutent au quotidien et, si on n'est pas préparé, cela peut être épuisant."
L’isolement et le manque de soutien : un fardeau supplémentaire
Un autre maire du Puy-de-Dôme, François Crégut, maire de Saint-Martin-des-Plains, dresse un constat similaire. Avec 43 ans de mandat à son actif, il évoque la lassitude et l'isolement qui affectent de plus en plus les maires ruraux. "Les relations avec l'administration se sont dégradées. Il n'y a plus de visites des gendarmes ou d'autres interlocuteurs réguliers avec qui échanger". Il confie :
On se retrouve seul face à des problèmes sans avoir les moyens de les résoudre
François Crégutmaire de Saint-Martin-des-Plains (Puy-de-Dôme)
François Crégut estime également que les maires ruraux sont souvent perçus comme des figures sacrées, mais en réalité, "ils n'ont plus de fonction, plus d'autorité". Selon lui, la charge mentale est d'autant plus lourde que les attentes des citoyens n'ont cessé d'augmenter au fil des années, sans que les ressources pour y répondre n'aient suivi. “Faute de soutien et de motivation, j’ai souvent pensé à abandonner mon mandat”, reconnaît-il,
L’épuisement à la croisée des chemins
Rachel Bournier, maire de Sauviat et nouvelle élue, apporte un éclairage différent sur la question de la gestion du stress. "J'ai trouvé un équilibre en cloisonnant ma vie privée et ma vie professionnelle", raconte-t-elle. Toutefois, elle concède que dans les petites communes, la tentation est grande de vouloir tout gérer soi-même. "C'est important de se fixer des règles, comme limiter les réunions après 18 heures", conseille-t-elle, soulignant que beaucoup d'élus préfèrent cacher leur fatigue et leurs doutes, de peur d'être perçus comme faibles.
Cette pression est d'autant plus forte pour les femmes maires, comme le souligne Michelle Gaidier, maire de Saint-Bonnet-près-Orcival et présidente des femmes élues du Puy-de-Dôme. "Dans les petites communes, les maires font tout : de l'administration à l'entretien des bâtiments publics", explique-t-elle. "Les sollicitations sont permanentes, mais les ressources humaines et financières manquent cruellement." Elle insiste sur l'importance de la solidarité entre élus pour faire face à ces difficultés, soulignant que l'entraide est essentielle pour éviter l'épuisement.
Une prise de conscience nécessaire
Selon l'édile, les maires ruraux ont besoin de soutien, non seulement sur le plan matériel et financier, mais aussi psychologique. "Il est urgent d’instaurer des espaces d’écoute, des formations adaptées et des mécanismes de soutien à l’échelle locale et nationale. Car si l'épuisement des maires ruraux n'est pas un sujet tabou, il demeure un enjeu majeur pour la bonne marche de nos communes et la santé des élus".
L’enquête de l’AMF a été menée en ligne auprès de 5 000 maires. Plus de 3 000 ont rempli entièrement le questionnaire de 60 questions, précise l’association, indiquant que l’échantillon est représentatif de l’ensemble des édiles en mandat en avril 2024.