Témoignages. Fusillades dans le quartier Saint-Bruno à Grenoble : "On se sent abandonnés", dénoncent des habitants contraints de "cohabiter avec les dealers"

Publié le Écrit par Margot Desmas et Jean-Christophe Pain
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Attachés au quartier Saint-Bruno malgré les récentes fusillades, des habitants expriment leur lassitude et un sentiment d'abandon. Certains se disent "habitués" à cohabiter avec les trafiquants mais la crainte d'une balle perdue subsiste.

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Face à la vague de violence qui touche le quartier Saint-Bruno ces derniers jours, les habitants disent leur "ras-le-bol" des coups de feu à répétition tout en réaffirmant leur attachement à ce "petit village" au cœur de Grenoble, que beaucoup n'envisagent pas de quitter.

Une nouvelle fusillade s'est produite vendredi 15 novembre au soir sur la place centrale du quartier, plaque tournante du trafic de drogue. Les coups de feu auraient été échangés "entre plusieurs individus à bord d’une voiture et d’un deux-roues", selon le parquet de Grenoble, ajoutant que les circonstances ne sont pas encore connues. Aucun blessé n'a été découvert sur place et les auteurs ont pris la fuite.

Il s'agit du troisième épisode de violence en trois jours dans ce quartier du centre-ville grenoblois, en proie à une série de règlements de comptes et de tentatives d’intimidation entre gangs. "On en a vraiment ras-le-bol, nous, les habitants du quartier", s'agace Diego* qui vit à Saint-Bruno depuis 17 ans.

"Ça me donne l'impression que l'Etat ne fait rien et laisse passer quelque chose qui est vu et connu de tout le monde. Tous les habitants, même les enfants, savent où les dealers cachent des choses sur la place. On se sent abandonnés", regrette-t-il.

"Je n'ai pas envie de renoncer à la place Saint-Bruno"

La présence régulière de policiers est attestée par nombre d'habitants qui mettent toutefois en doute son efficacité. "La police passe, il y a parfois des interpellations mais après, tout le monde revient sur la place et c'est reparti. C'est presque un jeu", raconte Diego qui se dit "habitué à cohabiter avec les dealers" mais inquiet de l'accélération des règlements de comptes.

"La crainte que j'ai, c'est qu'il m'arrive quelque chose à moi ou à mes enfants, surtout à eux. Ma grande est collégienne, elle commence à circuler toute seule et ça peut être un risque, même à deux rues de chez nous", estime-t-il malgré son attachement à ce quartier populaire du centre-ville grenoblois dont il n'envisage pas de s'éloigner.

Quelques rues non loin de la gare, articulées autour de la place centrale, qu'il décrit comme "un village", "une grande famille" où la vie de quartier tient une place centrale avec ses commerces, ses lieux culturels et ses associations. "Est-ce à nous de nous adapter à cette violence ou est-ce qu'il faut faire en sorte que cette violence s'arrête ? Je n'ai pas envie de m'adapter. Je n'ai pas envie de renoncer à la place Saint-Bruno", tranche le père de famille.

Une violence "banalisée"

"C'est un petit village où je me sens étrangement très en sécurité parce qu'on croise toujours les mêmes personnes, on se dit bonjour dans la rue, ce qu'on ne retrouve pas forcément dans d'autres quartiers de Grenoble", confirme Héloïse*, assise à la terrasse d'un café avec quelques voisins. La jeune femme, qui vit ici depuis trois ans, déplore une violence qui "fait partie du quotidien".

"Quand on entend des coups de feu, on reconnaît tout de suite le bruit, on sait que ce n'est pas un pétard. Forcément, comme ça arrive souvent, on les banalise, sinon ça nous met dans un état de stress. C'est un mécanisme pour se protéger", suggère-t-elle.

A ses côtés, Sonia* confirme que les dealers font "partie du décor" sans la faire sentir "en insécurité". Elle réfléchit toutefois à déménager de quelques rues pour s'éloigner des fusillades régulières en bas de son immeuble. "On craint un accident parce qu'on sait qu'on n'est pas visé mais une balle perdue, ça peut toujours arriver", évoque-t-elle.

"Les gens qui vendent (de la drogue) et qui surveillent sont de plus en plus jeunes. Ça me culpabiliserait beaucoup d'en acheter", constate pour sa part Marc* qui appelle à une "gestion globale" de la problématique du trafic de drogue. "Ces jeunes qui dealent, qui surveillent, comment on les accompagne pour s'en sortir ? On vient arrêter ces jeunes, mais ce ne sont pas eux qui ont les millions nécessaires à faire rentrer la drogue dans le pays", observe-t-il.

Un collectif d'habitants a récemment interpellé la commune pour réaménager complètement la place centrale. De son côté, l'Union de quartier demande auprès de l'Etat la mise en place permanente d'une police nationale de proximité pour améliorer le "rapport police-population" ainsi que la légalisation du cannabis.

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

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