C'est un métier peu connu et pourtant indispensable au bon fonctionnement d'une exploitation laitière : pédicure bovin. À la demande des éleveurs, il se déplace dans les fermes pour entretenir et soigner les pieds des vaches. En France, ils ne sont que 350 à exercer cette profession.
Joël Rebuffé est pédicure bovin, appelé aussi pareur. Dans sa trousse : ni vernis, ni faux ongles, mais une meuleuse, un couteau bien affûté et des lunettes de protection. Une artillerie nécessaire au Mayennais pour retailler les sabots des vaches et soigner les pieds malades.
Ce matin-là, Joël est attendu au Gaec de barbure, à Chailland (Mayenne), où il se rend une fois par mois pour inspecter les vaches laitières triées par l'éleveur. Aujourd'hui, quatre prim'holstein ont leur rendez-vous pédicure.
La première étape, (pas la plus facile), consiste à faire rentrer la vache dans une cage de contention, où l'animal est bloqué et ses pattes relevées. De quoi stresser ces demoiselles de 600 kilos, peu rompues à l'exercice, pourtant indispensable au technicien, au risque de se retrouver les quatre fers en l'air !
Une fois tout le monde en place, l'opération de pédicure peut commencer... Armé de sa meuleuse, Joël va d'abord décaper l'excédent de corne sur les onglons, le double sabot des bovins.
"La corne pousse de 5 mm par mois et quand l'animal reste longtemps à l'intérieur d'un bâtiment, l'usure n'est pas la même que dans les champs, ce qui entraîne un déséquilibre de l'appui, qu'il faut corriger", explique le pareur, avant de se saisir de sa rénette, un petit couteau courbé et tranchant, pour redessiner l'espace entre les deux onglons. Et voilà la vache parée pour de nouvelles aventures !
Bon pied, bon œil !
Des soins préventifs qui ne durent que quelques minutes et qui suffisent à redonner un bon aplomb à la vache, mais qui réservent parfois de mauvaises surprises. "Le décapage peut laisser apparaître un début d'ulcère sous les onglons qu'il faut soigner immédiatement, prévient Joël Rebuffé. Il ne faut pas attendre qu'elle se mette à boiter car une vache qui boite se déplacera moins pour manger et pour boire et produira donc moins de lait".
Ni une ni deux, Joël reprend sa rénette pour amincir la corne autour de l'ulcère et retirer la chair malade. Enfin, pour supprimer l'appui sur l'onglon malade, il colle une petite talonnette en bois sur l'onglon sain. Un peu de désinfectant et la vache rejoint ses congénères, soulagée. Et l'éleveur aussi.
La boiterie : la bête noire de l'éleveur
"La boiterie est la première cause de réforme des vaches laitières, explique Arnaud Garnier, qui a longtemps paré lui-même ses bêtes avant de passer la main, il y a trois ans, à des professionnels. Ça représente un coût, mais aujourd'hui, les entreprises proposent des forfaits adaptés aux besoins de l'éleveur. L'investissement est vite rentabilisé. C'est gagnant-gagnant".
Une vache qui boite produit jusqu’à un tiers de lait en moins, soit une perte d'environ 500 euros par an
IdeleInstitut de l'élevage
Le fait d'intervenir régulièrement dans les exploitations permet aussi d'avoir un suivi plus précis sur le troupeau. "C'est rassurant et ça nous fait gagner pas mal de temps. Ça apporte aussi du bien-être aux animaux, c'est important. On n'aime pas voir nos bêtes malades".
Comme Arnaud Garnier, de plus en plus d'éleveurs préfèrent aujourd'hui sous-traiter les soins à des cliniques vétérinaires, comme Bovi +, basée à Ernée (Mayenne), où travaille Joël Rebuffé depuis un an.
Titulaire d'un Bac Pro en agriculture, le Mayennais a longtemps travaillé comme commercial dans le secteur agricole avant d'apprendre, sur le terrain, le métier de pédicure bovin. "J'ai accompagné pendant trois mois un vétérinaire de la clinique qui m'a montré les gestes et les techniques du métier et je me perfectionne en suivant des formations".
"C'est difficile de recruter un pédicure bovin car c'est un métier assez récent. Avant, les éleveurs taillaient les onglons de leurs vaches. Mais avec les élevages modernes, où les bêtes passent plus de temps à l'intérieur des bâtiments, sur des sols durs, ce qui fragilise leurs pattes", explique Julien Aerts, vétérinaire et gérant de Bovi +.
Longtemps jugé comme superflu, le métier de pédicure bovin est devenu très recherché, gage de productivité. Mais il faudra être patient car ils ne sont que 350 à exercer cette profession en France et qu'il n'existe qu'un seul lycée agricole qui forme à ce métier.
Suivez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv