L’un des auteurs présumés du braquage de la Banque de France de Saint-Nazaire en 1986 a vécu caché en Corrèze pendant 5 ans. C’est grâce à une lettre envoyée par son fils que les gendarmes se sont aperçu qu’il s’était mis au vert à Merlines.
L’histoire est à peine croyable. En octobre 2021, les gendarmes d’Ussel (Corrèze) ont reçu une lettre en provenance de Taiwan. Elle est signée Ludovic Boudier.
L’homme explique que son père est décédé en 2015 sur la commune de Merlines sous un faux nom. Lionel Leleu s’appelait en fait Jean-Luc Boudier. Il est né en 1947 dans le département de la Manche, et faisait l’objet d’un mandat de recherche.
Le fils de Jean-Luc Boudier, que nous ne sommes pas parvenus à joindre à Taiwan, souhaitait, semble-t-il, que son père récupère sa vraie identité.
Jean-Luc Boudier était recherché, suspecté d'avoir participé au braquage de la Banque de France à Saint Nazaire en 1986.
A l’époque, un groupe d’une dizaine de malfaiteurs était reparti avec un butin record de 88 millions de francs.
Enorme braquage
Le 3 Juillet 1986 à 4h30 du matin, une fourgonnette et deux voitures s’arrêtent derrière la Banque de France à Saint-Nazaire.
Dix hommes cagoulés, munis de talkies walkies, et armés de revolvers pénètrent dans des lieux qu’ils semblent bien connaître.
Les malfaiteurs accèdent à l’étage, dans l’appartement où loge le caissier de la banque. Ce dernier est réveillé en sursaut et essaie de déclencher l’alarme. Il est alors neutralisé à l’aide d’une crosse et d’une balle dans l’épaule.
A 7h30, le directeur est réveillé et pris en otage. Les braqueurs le conduisent au sous-sol, dans une pièce adjacente à la salle des coffres. Ils s’emparent alors de 7 sacs destinés à approvisionner les banques de la région, soit 88 millions de francs.
A 8h30, le personnel arrive à la banque. Les hommes et les femmes sont réquisitionnés pour transporter les sacs jusqu’aux appartements du caissier et du directeur. A l’époque, une équipe de FR3 Nantes a pu interroger l’une des employées de la banque.
Ils étaient vraiment très polis et ne s’énervaient pas. Et puis après, j’ai bien vu que ce n’était pas du tout un gag, puisqu’ils nous ont demandé de porter les sacs.
Les 10 braqueurs sont repartis par là où ils étaient entrés, avant de démarrer en trombe.
Une arrestation
Seul un des malfaiteurs a pu être arrêté. Miloud Hai, 28 ans à l’époque des faits, a avoué avoir empoché 8 millions de francs pour avoir fourni les véhicules.
A cause d’une erreur de procédure, il a été relâché et ne s'est pas présenté à son procès en 1992. Il a été condamné par contumace à perpétuité.
Très méfiant et précautionneux, il a déjoué les recherches des services de police pendant 14 ans.
Il quittait son domicile tôt le matin de façon à éviter les interpellations de 6 heures. Il changeait également régulièrement de résidence.
Thierry Boulouque, commissaire divisionnaire de police en 2006
Miloud Hai a fini par être interpellé, rejugé et condamné à 9 ans de prison en 2008.
Une vie de cavale
En enquêtant sur Lionel Leleu, alias Jean-Luc Boudier en Corrèze, les gendarmes se sont vite aperçu que l’homme faisait, lui aussi, tout pour être discret : "Sans son fils, nous n’aurions jamais pu faire le rapprochement. Il ne roulait jamais en voiture et faisait tout pour éviter les contrôles".
Puisque l’homme a été incinéré, il n’a pas été possible de recourir à des analyses ADN. Pendant plusieurs mois, les gendarmes ont recoupé toutes les informations qu’ils avaient à leur disposition, comme des photos d’identité ou des extraits de naissance.
Jean-Luc Boudier a vécu paisiblement à Merlines entre 2010 et 2015.
Selon Maurice Rebeix, 1er adjoint au maire, “physiquement, il était assez massif. Il ne se faisait pas trop connaître. Je sais qu’il avait une compagne. Mais je ne sais pas où elle est”.
Il habitait au bout de Merlines dans une maison en pierre assez bourgeoise, et Merlines, c’est le bout de la France.
Maurice Rebeix, 1er adjoint au maire de Merlines.
Seul Remi Levadoux, un agriculteur à la retraite de 84 ans, a pu lui parler : “Tous les jours, je passais devant chez lui. Il m’a arrêté à deux reprises pour me parler de terrains proches de sa maison”.
Jean-Luc Boudier a alors expliqué qu’il avait eu une vie assez agitée. Il aurait géré des exploitations forestières au Gabon avant de devenir agent immobilier dans le centre de la France.
Il était brave et gentil et parlait facilement. On voyait bien que c’était un type qui avait roulé sa bosse. Mais je n’ai cru qu’à moitié tout ce qu’il m’a dit. J’ai moi-même été forestier et j’ai bien vu que c’était un malin et un filou !
Remi Levadoux, agriculteur à la retraite
Jean-Luc Boudier est d écédé sans avoir pu être jugé et donc n'a jamais été déclaré coupable ou innocent des faits qui pouvaient lui être reprochés.