La Route du Rhum est un parcours parsemé d'embûches. Les dépressions successives ont mis les marins en mode survie.
Des arrêts au port, des abandons, des avaries majeures en mer....un quart de la flotte ne fait plus la course actuellement.
Loïck Peyron, lui, rase les côtes espagnoles, heureux.
Si vous cherchez Loïck Peyron sur la cartographie de la Route du Rhum, ne regardez pas dans le gros de la flottille.
Cherchez plutôt vers le fond du Golfe de Gascogne. A un moment, vous apercevrez son sillage, suivez le trait et remontez jusqu'à cet icône de mutlicoque qui matérialise le P'tit Jaune, le trimaran du marin du Pouliguen, réplique d'Olympus, vainqueur de la 1ère édition de la Route du Rhum, en 1978, avec Mike Birch à la barre.
Le sillage de Loïck Peyron passe devant Gijon puis se dirige vers le Cap Finisterre et La Corogne. Pas vraiment la route directe vers Pointe à Pitre. Disons plutôt une route de la sagesse pour qui veut ménager sa monture en bois. Le skipper passe tellement près des côtes espagnoles qu'il doit parfois sentir les parfums du port et des tapas. Mais comme il le dit dans sa vacation du jour :
" le problème quand tu t'arrêtes dans un port, c'est que tu ne sais jamais quand repartir''.
Alors, le marin n'a pas fait escale. Il a juste longé les côtes ibériques afin d'échapper au train de dépressions qui défilent dans le golfe. Naviguant au sextant et dépourvu d'électronique à bord, le marin malin parvient à attraper parfois assez de réseau pour attraper sur son smartphone quelques infos de la course. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes.
Il a appris avec dépit le chavirage d'Armel Le Cléac'h, skipper malheureux de Banque Populaire en catégorie Ultimes. Ce même skipper qu'il avait remplacé au pied levé voilà 4 ans, pour cause de blessure. Loïck Peyron avait alors suspendu son projet sur Happy, le trimaran jaune, et avait accepté de barrer le géant des mers et emporté l'épreuve dont il est, à ce jour, détenteur du record. 7 jours et 15 heures.
Il a appris le malheur qui touche les uns et les autres, dans toutes les catégories. Et ces nouvelles le confortent dans ce choix qu'il a fait depuis le départ : épargner le bateau, faire le dos rond et naviguer propre.
Alors, en attendant de goûter aux acras des Antilles, Loïck se contente de longer les côtes du pays des tapas. En cas de pépin ou de météo trop forte, il y a les ports de la Corogne, Vigo, et plus au sud, de Porto, au Portugal.
Loïck est 9ème au classement de sa catégorie, les Rhum Multis, à 350 miles nautiques du 1er. Mais la ligne d'arrivée est encore bien loin et de toute façon, le skipper de Happy navigue pour rendre hommage à Mike Birch, un de ses mentors à la voile. Pas pour la gagne. La gagne, c'est fait. C'était il y a 4 ans. A 58 ans, le skipper entend retrouver les sensations authentiques du marin, de la façon la moins connectée possible, à l'ancienne. Comme lorsqu'il a commencé la course au large.Les ibères sont rudes par ici pic.twitter.com/nBETJK3hhI
— Loïck Peyron (@loickpeyron) 7 novembre 2018
Et à bord de Happy, malgré les dépressions météo, le marin garde son humour et n'hésite pas à partager la pensée du moment, inspirée d'Astérix : "les Ibères sont rudes, par ici"...