ENTRETIEN avec Dany Leprince : "Je veux être innocenté et qu’on parvienne à confondre les meurtriers pour les mettre en prison"

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Reportage sur Dany Leprince à l'occasion de la sortie de son livre "Ils m'ont volé ma vie" ©Vincent Raynal / Kanwaljit Singh / Nicolas Guilbaud

Vingt-huit ans après le quadruple meurtre de Thorigné-sur-Dué dans la Sarthe, Dany Leprince s’exprime dans un livre pour clamer, à nouveau, son innocence et raconter sa vérité. Condamné à la réclusion à perpétuité en 1997, le sexagénaire dénonce les nombreuses zones d’ombre de son affaire. Il espère un nouveau procès et son acquittement.

Quand on le voit, il semble un peu fatigué, les traits tirés. Mais le sourire est tout de même là. Un air serein dans cette bataille qu’il mène encore aujourd’hui.

Dix ans que Dany Leprince est sorti de prison et enfin, il peut raconter sa vérité. À sa libération en conditionnelle en 2012, la justice lui interdit de s’exprimer sur l’affaire. Désormais, il a fini de purger sa peine. Il est donc libre et raconte son histoire dans un livre.

"Ils m’ont volé ma vie" (éditions Flammarion) sort le 16 novembre 2022 dans les librairies. Il partage sa vie d’aujourd’hui, ses années de prison mais surtout les nombreuses zones d’ombre qui planent autour de l’affaire.

Ce livre est aussi un plaidoyer où Dany Leprince crie son innocence. Il espère l’annulation de sa condamnation. En mars 2021, avec son avocat Maître Olivier Morice, Dany Leprince a déposé une deuxième requête en révision pour obtenir un nouveau procès. Il nous raconte.

Vous pouvez enfin vous exprimer librement, que ressentez-vous ?

"Je suis un peu ému de reparler de tout ça… mais il le faut pour que justice soit faite, il le faut pour ma famille, pour qu’elle retrouve son honneur. On a quand même été sali pendant des décennies… et que je sois enfin innocenté de ces horreurs".

Pourquoi témoignez-vous dans un livre ?

"Ce n’était pas un objectif en soi. Mes amis m’ont incité à l’écrire pour raconter mon histoire mais convaincre l’opinion publique ne me suffit pas. Ce que je désire c’est convaincre les magistrats de mon innocence avec une révision de procès. C’est mon combat pour ma famille" 

Votre livre s’appelle "Ils m’ont volé ma vie", de qui parlez-vous ?

"Les gendarmes, pour m’avoir extorqué un aveu qui m’a tué. La juge d’instruction, Céline Brunetière, et le procureur de l’époque, Jean-Claude Thin, qui n’ont instruit qu’à charge, et puis les journalistes aussi qui ont été des artisans de ma condamnation".

Vous clamez votre innocence depuis toujours, pourtant en 1994, vous avouez avoir tué votre frère avant de vous rétracter, que se passe-t-il à ce moment-là ?

"Vous savez, tout était permis dans une garde à vue à l’époque. Les gendarmes m’insultaient. J’ai entendu crier ma fille dans une salle à coté en fin de garde à vue, alors j’ai craqué. Mais quelques jours plus tard, j’ai appris que ce n’était pas ma fille mais une femme gendarme qui criait. J’ai vécu l’enfer, je n’ai pas dormi pendant pratiquement une semaine. Essayez de ne pas dormir pendant six jours, vous verrez si vous avez encore toute votre lucidité. J’étais complètement assommé, ils en ont profité ! Je venais de perdre 4 membres de ma famille".

Pourtant votre femme de l’époque et une de vos filles vous accusent clairement ...

"Des témoignages qui ont changé au fur et à mesure de l’instruction. Ils sont incompatibles entre eux mais aussi avec mes aveux ! L’enquête de gendarmerie a été orientée. Elle a été bouclée en cinq jours. J’étais le coupable idéal avec mes aveux extorqués. La pression sur les enquêteurs était énorme. On ne voulait pas d’une nouvelle "Affaire Grégory". Mais ce qui m’interpelle moi, c’est que la justice n’a jamais remis en cause les versions invraisemblables de Martine, mon épouse de l’époque".

Quelles versions invraisemblables ?

"Par exemple, en 1996, soit deux ans après le drame, elle s’est souvenue qu’elle avait emmené ma petite nièce, Solène, seule rescapée de ce massacre, chez mes parents. Mais mes parents ne l’ont jamais vue. Donc normalement il y en a une qui ment et une qui dit la vérité. On est d’accord ? Et bien la juge ne fait rien, elle ne met ni en examen ma mère pour non dénonciation de crime ou complicité, ni mon ex-femme pour faux témoignage. Mais vous savez pourquoi elle ne met pas en examen mon ex-femme ? La juge a besoin d’elle, car si elle la poursuit toutes les accusations de Martine contre moi tombent !"

Vous en voulez à la justice ?

"Je n’ai jamais été jugé, j’ai été condamné. Ce n’est pas un problème de justice, c’est trop facile de dire que c’est à cause de la justice. Là, en réalité, c’est un problème de personnes qui se sont mal comportées. Le juge a fait n’importe quoi. Au final, ils ont été pris dans une spirale où il fallait bidouiller pour faire rentrer des ronds dans des carrés. Et puis les gendarmes ont vraiment bidouillé avec la nourrice qui gardait ma nièce rescapée, Solène. Mais c’est aussi le cas avec mes beaux-parents et mon ex-femme qui côtoyaient un des enquêteurs. Je ne m’en rends pas compte au début mais je sens au cours de l’instruction que tout ne tourne pas rond. Le problème c’est que quand on est prison on ne peut pas investiguer. Et les gendarmes, on peut le dire, ne faisaient rien !"

En mars 2021, vous déposez une deuxième requête en révision dans le but d’obtenir un nouveau procès. Vous y croyez ?

"Une information judiciaire est ouverte au Mans. Il y a de nouveaux éléments dans le dossier mais je ne vous en dirai pas plus. Je rappelle juste que mon ADN n’a jamais été retrouvé dans cette affaire ni aucune autre preuve matérielle. Des traces de chaussures Dr.Martins taille 41 ont été retrouvées sur la scène du crime mais moi je chausse du 44. J’espère un procès en révision pour m’innocenter et qu’on parvienne à confondre les assassins et qu’on les mette en prison".

Êtes-vous en contact avec votre nièce rescapée du drame ?

"Oui, on se téléphone et on se voit lors des réunions de famille. Solène a 30 ans aujourd’hui et elle aussi veut la vérité".

Êtes-vous heureux aujourd’hui ?

"Je le suis oui… grâce à ma femme Anie qui me soutient".

Allez-vous retourner vivre dans la Sarthe ?

"Anie a une maison dans la Sarthe. Nous avons des proches, des amis, des soutiens. Alors pourquoi pas un jour…"

►Dany Leprince dédicacera son livre le jour de sa parution nationale, le mercredi 16 novembre, à la Librairie Doucet au Mans, à partir de 18h (séance de dédicaces complète)

►Il sera aussi l'invité de Virginie Charbonneau dans l'émission Dimanche en Politique, dimanche 20 Novembre à 11h30 sur France 3 Pays de la Loire 

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