Le photographe fait escale au Mans pour tirer le portrait de ceux qui y vivent, les jeudi 7 vendredi 8 novembre. Cela dans le cadre d'un projet lancé depuis 1990, visant à montrer la diversité de ceux qui vivent en France.
Yann Arthus-Bertrand a posé ses valises au Mans ce jeudi 7 novembre. À l’intérieur, son matériel de photographe et une grande bâche en toile de jute qu'il a accrochés dans les locaux de l’agence Apave, en périphérie de la ville.
Pendant deux jours, le photographe va immortaliser le visage des Manceaux et de toutes les personnes qui passeront dans son studio itinérant. Depuis 2023, l'homme de 78 ans a repris le cours d'un travail commencé dans les années 90 : photographier les Français et ceux qui vivent en France.
Yann Arthus-Bertrand part alors à la rencontre des gens, en allant de ville en ville. Il tire ainsi, gratuitement, le portrait de célébrités et d'anonymes. Ils sont tantôt seuls, tantôt en famille, entre amis ou entre collègues et, parfois même, avec leurs animaux de compagnie. Autant de photographies qui, progressivement, dessinent le visage d'une France heureuse dans sa diversité. Entre deux prises de vues, il raconte.
Vous avez commencé la photographie dans les années 80, mais entre-temps vous êtes passé par le cinéma, la télévision… Qu’est-ce qui vous a amené à reprendre votre premier métier ?
C'était une véritable envie. Pendant très longtemps, j’ai surtout capturé des paysages… Maintenant, je veux photographier des gens. Et je crois bien que c’est ce que je préfère. Et comme j'ai arrêté de prendre l'avion depuis 5 ans et que je travaille essentiellement en France, j'ai voulu m’intéresser à : qu'est-ce que c'est d'être Français ? L'idée, c'est de mettre des visages, mettre des corps, mettre du sang sur les chiffres de l'INSEE qui peuvent paraître abstraits. Ainsi, je photographie les naissances, les mariages, différents métiers et toutes les classes sociales.
Vous intitulez votre projet “Les Français et Ceux qui vivent en France”. Pourquoi ce titre ?
Cela signifie que je ne voulais pas rester nationaliste. Je veux travailler avec tous les gens qui vivent sur le territoire Français, d’où qu’ils viennent. D'autant plus que les travaux durs et compliqués, en France, sont davantage faits par des personnes venant de l’étranger. Par exemple, j’ai photographié pendant trois jours les ouvriers des grosses boîtes de travaux publics qui construisaient les immeubles du village olympique, à Saint-Denis. J’immortalisais des groupes de 20 personnes et, sur ces 20 personnes, il y avait un ou deux Français. Tout le reste, ce sont des gens qui arrivaient de l'étranger. Ce sont eux, qui font les tâches de travail les plus éprouvantes en France. Donc, c'est important de le dire et de le montrer. C’est aussi ce que j’ai envie de faire dans mon travail : montrer les gens qu’on ne voit pas.
Sur vos photographies, les personnes apparaissent toujours colorées et souriantes. Vous semblez ainsi dresser le portrait d’un France qui va bien…
Notre monde est difficile et compliqué. Entre l’élection de Trump, la guerre en Israël et en Palestine, celle en Ukraine… On vit dans une forme de chaos. Puis, il y a les problèmes du quotidien. Mais quand on est sur une photographie avec les gens que l'on aime, on oublie un petit peu tout ça. On essaie de montrer ce qu'on a de meilleur en soi. C’est ce que j’ai envie de montrer des gens : le meilleur de ce qu’ils sont.
Et derrière ces personnes, il y a cette toile de jute plus sombre. Pourquoi toujours ce même fond ?
La bâche, c'est le début de la photographie. Nadar était le premier photographe à travailler sur des fonds peints de la sorte. Ça permet d'isoler un peu le sujet et de créer une égalité de décors : que tu sois un homme politique important ou que tu sois SDF, tu es photographié sur le même fond. Ça, c'était important pour moi.
Quelle relation entretenez-vous avec les personnes que vous photographiez ?
Quand les gens viennent, ça va quand même assez vite. Ils restent quelques minutes, un petit quart d’heure. On n'a pas beaucoup le temps de rentrer en profondeur dans les grandes discussions. Mais ce sont tout de même des moments intenses. En peu de temps, je leur demande de me regarder et ils m’offrent quelque chose d’eux-mêmes. Puis, je dois reconnaître que j'aime de plus en plus les gens en vieillissant. J'aime parler, j’aime échanger, j’aime apprendre. Et je pense que les autres sont une richesse infinie. En photographiant les autres, je crois que j’essaie d’acquérir une richesse intérieure.
Pour ce projet, vous allez un peu partout en France. Comment choisissez-vous endroits où vous vous arrêtez ?
L’objectif c’est de faire un tour de France, de n'oublier personne, d’aller dans tous les territoires. Par exemple, je me suis rendu compte récemment qu’on avait un trou dans les Landes, alors on va y aller au mois de janvier. Mais ce n’est pas si simple que ça d’aller partout. On a besoin d’avoir des relais locaux pour pouvoir organiser notre passage parce qu’on investit des lieux, c’est toute une organisation.
Ce jeudi et ce vendredi vous êtes au Mans, tout le monde peut-il venir se faire photographier ?
Oui. Toutefois, notre planning est complet. Il fallait s’inscrire en ligne mais les personnes qui le souhaitent peuvent toujours venir nous voir. Parfois on trouve quand même un petit créneau pour ceux qui n’en ont pas.
Le voyage de Yann Arthus-Bertrand doit prendre fin en janvier 2025. Ce projet se concrétisera par la publication d’un ouvrage et d'une exposition à travers la France.
Retrouvez le reportage de Guillaume Perrot et Benjamin Bonte
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