Nantes - Pesticides : "mon dos était trempé d'herbicides", victime d'un cancer, Julien Guillard demande réparation à ses anciens employeurs

Julien Guillard, ancien ouvrier agricole puis chauffeur poids lourds, a été exposé aux pesticides et aux gaz d’échappement pendant plusieurs années. Victime d'un cancer, reconnu comme maladie professionnelle, il demandait réparation à ses anciens employeurs au tribunal de Nantes, ce mercredi 9 mars.

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"J’attendais ça depuis 2018", réagit, soulagé, Julien Guillard, après l'audience qui a duré près d'1h30. a a été difficile d’entendre les arguments des parties adverses, admet-il. J’avais envie de réagir, de me lever et crier que c’était faux. Elles se renvoyaient la balle en disant d'un côté : 'ce n'est pas le benzène qui a causé la maladie, ce sont les pesticides', et de l'autre : 'ce ne sont pas les pesticides mais le benzène". Le délibéré sera rendu le 6 mai. 

La vie de Julien Guillard a été complètement bouleversée en 2016. Ce jeune père de famille originaire du Mans, alors âgé de 33 ans, apprend soudainement qu'il souffre d'un lymphome non hodgkinien, un cancer du système lymphatique. 

A l'époque, il a un petit garçon de 4 ans et sa femme est enceinte d'une petite fille. Julien Guillard tombe des nues. Le drame vient de toquer à leur porte. "Le traitement sera douloureux", annonce son hématologue.

9 séances de chimiothérapie

Il entame une chimiothérapie : "c'est très violent, vous perdez vos cheveux, vous vous retrouvez incapable de monter les 3 étages qui mènent à votre appartement, lorsque mon deuxième enfant est né, j'étais encore en pleine chimio, alité 3, 4 jours après chaque séance".

7 mois plus tard, Julien Guillard est en rémission, mais sa santé est défaillante : "je n'ai jamais retrouvé la forme que j'avais avant"

Pesticides, gaz d'échappement : une maladie liée à ses conditions de travail 

Selon ses médecins, son cancer, il le doit aux conditions de travail dans lesquelles il exerçait en tant qu'agriculteur-paysagiste dans la Sarthe et à Strasbourg et chauffeur de poids lourd en Alsace.

Au cours de sa carrière professionnelle, Julien Guillard a été amené à manipuler des pesticides et des insecticides, ainsi qu'à inhaler beaucoup de fumées de gaz des pots d'échappement. Sa pathologie a été reconnue maladie professionnelle. 

En 2018, avec l'aide de l'association Phyto-Victimes, dont il est devenu le vice-président, il décide d’engager une procédure de faute inexcusable de l’employeur. 

Après plusieurs renvois d’audience, son dossier a finalement été plaidé ce mercredi 9 mars 2022 au Tribunal Judiciaire de Nantes, en Loire-Atlantique.

"Les produits chimiques coulaient dans mon dos, on n'avait rien pour se protéger" 

"Le but, au-delà de mon cas personnel - Julien Guillard et son avocat ont estimé que le montant des préjudices à 480 000 euros - c'est que, derrière, toutes les autres victimes se reconnaissent, se fassent reconnaître et qu’elles soient mieux considérées pour les pouvoirs publics", espère-t-il. 

Car selon lui, ses anciens employeurs "n'ont pas su le protéger". Lorsqu'il était agriculteur, il ne bénéficiait d'aucune protection contre les produits chimiques qu'il manipulait à longueur de journée : "pas de masque, pas de gants ni de combinaison, quand on y pense maintenant... on n'avait rien !". 

Épandre de l'herbicide avant de semer, disposer de l'insecticide sur le colza parce qu’il y avait des bêtes… "ça faisait partie du boulot". "J’avais un pulvérisateur à dos avec un réservoir, une pompe à main et une lance, mais le produit fuyait et coulait le long de mon dos qui était trempé d'herbicides", raconte-t-il. 

"Je prenais toutes les fumées de pots d'échappement dans le visage" 

Puis il a suivi sa femme à Strasbourg, où il n'a pas trouvé d'emploi dans son secteur. Il est alors devenu chauffeur grutier. Et encore une fois, il n'a pas été épargné : "Mon poste de conduite se trouvait à proximité des pots d'échappements. En fonction du vent, je prenais toute les fumées dans le visage, ça me donnait un mal de tête et des nausées". Il affirme avoir averti son entreprise, "peut-être pas suffisamment". 

"Je ne sais pas si mes employeurs avaient conscience du danger que je courais, en tout cas, moi, non", regrette Julien Guillard. 

Sensibiliser les jeunes agriculteurs 

Alors aujourd'hui, il sensibilise les jeunes dans les lycées agricoles : "je leur raconte mon histoire, j'essaye de leur faire prendre conscience des graves conséquences que peuvent entraîner une mauvaise utilisation des pesticides".

Si les pratiques ont évolué depuis ses débuts dans l'agriculture, Julien Guillard constate à chaque intervention qu'"un ou deux élèves ne se protègent toujours pas", comme lui à l'époque. "Alors j'espère qu'ils penseront à mon cas, la prochaine fois qu'ils utilisent des pesticides".

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