Malgré les risques, elles sont près de mille femmes à faire le choix d'accoucher à domicile chaque année. Marion, elle, a accueilli son troisième bébé dans son salon, entourée de son conjoint et d'une sage-femme formée à la pratique.
Allongée sur son canapé, Marion écoute le cœur de son bébé. Entourée de son conjoint, Jérémie, et de leurs trois enfants, elle regarde sa sage-femme poser un monitoring sur son ventre arrondi. À 37 semaines de grossesse, au milieu de son salon, la professeure de musique en congé maternité subit ses derniers examens. Si tout se déroule comme prévu, c’est ici qu’elle accouchera, quelques semaines plus tard.
"La maman va bien, le bébé va bien, tous les clignotants sont au vert", sourit Isabelle Koenig, sage-femme à domicile, en charge du suivi de la grossesse. Si ces examens ont lieu dans un salon et non pas à l’hôpital, c’est parce qu’avec le soutien de son conjoint, Marion a choisi d’accoucher, pour la troisième fois, dans la maison où la famille est installée, au milieu de la campagne sarthoise. "C'est toujours un moment hors du temps", confie la maman.
Trois accouchements à domicile
"Quand je repense aux accouchements à la maison, je me vois déambuler, être là, près du feu de cheminée, je sais où je suis, je n’ai pas besoin de penser à ce que je dois emmener, à prendre la voiture… Il n’y a pas de rupture", raconte Marion, qui, pour son premier accouchement, avait mis sa fille au monde à l’hôpital, sans péridurale.
Après ce premier accouchement en milieu hospitalier, Marion a ressenti un besoin d’autonomie et d’intimité. Elle a proposé à Jérémie de choisir l’accouchement à domicile pour sa deuxième grossesse. Complètement novice sur le sujet, le professeur de technologie a accepté de faire confiance à sa conjointe et de s’investir pleinement dans l’aventure.
"C’est cette simplicité de tout faire à la maison, on a mangé le soir, on va coucher les enfants, on leur lit une histoire, et puis c’est la nuit, et en fait, il y a un bébé qui naît dans la nuit. Et le lendemain, on est à nouveau tous ensemble, le midi, on mange ensemble et il y a un bébé en plus avec nous quoi…" apprécie Jérémie, très impliqué.
Une pratique sous conditions
S’il est légal en France, l’accouchement à domicile n’est possible que si la mère et l’enfant sont en parfaite santé. En cas d’imprévu ou de complication médicale, tous deux doivent pouvoir être transportés au plus vite dans la maternité la plus proche.
"On connaît les temps de trajet et on sait qu’il faudra être réactif [en cas de complication, n.d.l.r] et ça on compte aussi sur la sage-femme pour justement être le garant de cette sécurité-là en fait, moi, j'ai pleinement confiance", explique Marion, qui, par précaution, s’est inscrite à la maternité du Mans (Sarthe) avant son accouchement.
S’il n’est pas médicalisé, l’accouchement à domicile est assisté par une sage-femme dans la majorité des cas. Isabelle Koenig est celle qui encadrera Marion, pour la troisième fois, lors de son accouchement.
"On est équipés pour intervenir"
Après 33 ans de pratique en maternité, à l’hôpital, la sage-femme, également fondatrice de l’association professionnelle de l’accouchement à domicile (Apaad), a choisi de se consacrer pleinement aux accouchements à domicile.
"C’est extrêmement rare que le train déraille et qu’il faille intervenir, ça peut arriver, mais dans ces cas-là, on est équipés aussi pour intervenir", assure la professionnelle de santé. Celle qui assiste une cinquantaine de naissances à domicile par an explique qu'"une femme qui peut se mettre à saigner un peu trop, et bien, on va poser une perfusion, appeler les secours, et on a le temps de se rendre dans une maternité."
Non-médicalisé, l’accouchement à domicile représentait un millier de naissances sur les 725 000 en France en 2022. La pratique, jugée dangereuse par une partie du corps médical, est donc encore tout à fait confidentielle.
Pour Maële Gautier, sage-femme coordonnateur en maïeutique au CHU de Nantes, "on observe que les demandes d’accouchement à domicile augmentent sans qu’on ait vraiment de cause pour expliquer pourquoi".
Le sujet est clivant, on observe même que certains patients, certains couples, n’osent pas forcément dire qu’ils ont un projet d’accouchement à domicile, peut-être par défiance vis-à-vis des structures qui sont dites médicalisées, voir hypermédicalisées. Mais on peut accoucher en structure hospitalière et avoir une naissance démédicalisée.
Maële GautierSage-femme coordonnateur en maïeutique au CHU de Nantes
La sage-femme rappelle que "les femmes ont le choix du lieu et de la façon dont elles veulent accoucher, il est important d’entendre ce choix-là des femmes", mais que "le danger existe". Lorsqu’on choisit d’accoucher à domicile et que plusieurs kilomètres, voire dizaines de kilomètres nous séparent d’une maternité, "il n’y a pas zéro risque, mais les professionnels sont formés pour dépister et anticiper les risques, et organiser le transfert vers une structure"
Pio est né à la maison le 22 mars
Pour Marion, nul besoin, une fois encore, d’aller bien loin. Le 22 mars dernier, Pio est né dans le salon familial, alors que sa mère s’était installée dans une piscine gonflable, remplie d’eau chaude pour soulager ses douleurs.
Encadrée par Isabelle Koenig, soutenue par son conjoint, Marion a accouché sans complication après plusieurs heures d’effort, alors que les enfants étaient encore à l’école. "Ca s’est super bien passé", souffle Jérémie.
"On a eu les premiers examens de Pio vraiment juste à côté de moi et après, on l’a remis en peau à peau et on ne l’a rhabillé que le soir parce qu’on allait dormir et se détacher un tout petit peu…", se souvient la mère de famille.
Dès le lendemain et dans les jours qui ont suivi l’accouchement, la sage-femme en charge du suivi post-partum de Marion et de Pio est revenue effectuer les examens nécessaires. Tous deux sont en pleine santé.
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