C’est un coup de semonce pour 111 communes de la Sarthe. Elles demandaient l’état de catastrophe naturelle, suite aux sécheresses de ces dernières années. Le changement climatique a en effet des conséquences sur les maisons. Certaines d’entre elles présentent de nombreuses fissures. Un arrêté interministériel vient pourtant de refuser cette reconnaissance de catastrophe naturelle
Depuis plusieurs années, de nombreuses maisons à Neuville-sur-Sarthe, comme dans d'autres communes de la Sarthe, se fissurent à cause du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux. Ces mouvements sont amplifiés par l'alternance entre périodes de sécheresse et d'humidité, fragilisant ainsi les structures des bâtiments. Mais, malgré la gravité de la situation, les indemnisations tant attendues par les sinistrés se font toujours attendre, plongeant les propriétaires dans une profonde incertitude.
Une maison menacée
Mohamed Benyahia, président de l'association Urgence Maisons Fissurées-Sarthe, est l'un des sinistrés touchés. Depuis 2018, sa maison, située à Neuville-sur-Sarthe, se détériore sous l'effet de ces mouvements de terrain. Sa maison, construite sur un sol argileux, est marquée par des fissures qui ne cessent de s'aggraver. Pourtant, comme d'autres communes de la Sarthe, l'état de catastrophe naturelle n'a pas été reconnu.
Tous les jours, ça craque. Le carrelage est fissuré. C'est devenu insoutenable
Mohamed BenyahiaPrésident Association "Urgence maisons fissurées"
Selon Mohamed Benyahia, cette non-reconnaissance est due à des erreurs dans les critères utilisés pour établir les zones sinistrées. "Les indicateurs d'humidité du sol de Météo France sont erronés. 33 % des valeurs dépassent la limite acceptable, ce qui fausse complètement les décisions", explique-t-il. Ces critères restrictifs empêchent de nombreuses communes de recevoir une aide, laissant les propriétaires démunis.
Un phénomène qui touche toute la région
À Saint-Denis-des-Coudrais, à une quarantaine de kilomètres de Neuville-sur-Sarthe, Dominique Goldsztejn, également propriétaire d'une maison fissurée, partage un témoignage similaire. Sa maison, construite sur un sol argileux, a vu apparaître de grandes lézardes. Pourtant, même si la commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle, l'expert mandaté par l'assurance a refusé toute indemnisation.
Un matin, nous avons entendu un grand bruit. Tout s’est fissuré en une nuit
Dominique GoldsztejnPropriétaire sinistrée à Saint-Denis-des-Coudrais
"Il n'a pas fait d'étude de sol, il a juste dit que c'était dû à des travaux que j'avais faits auparavant. Son avis a plus de poids que la décision officielle de catastrophe naturelle", déplore Dominique. Pour obtenir justice, elle a dû engager un contre-expert à ses frais et se lancer dans une procédure longue et coûteuse.
Un processus administratif et judiciaire complexe
Pour obtenir une indemnisation, de nombreux sinistrés, comme Dominique et Mohamed, doivent entreprendre des démarches fastidieuses et coûteuses. Mohamed a déjà déboursé 6 000 euros pour une étude de sol qui a confirmé que les fissures étaient bien dues au retrait-gonflement de l’argile. "Les fissures ne s’arrêteront pas tant que des réparations adaptées ne seront pas faites", ajoute-t-il.
Dominique, quant à elle, a été confrontée à un paradoxe : "Mon assurance m'a dit que même si l'étude de sol prouve que les fissures sont dues au sol, ils maintiendront que c'est à cause des travaux". Face à cet acharnement, elle n'a eu d'autre choix que de saisir un avocat et de faire appel à un expert judiciaire pour obtenir une étude indépendante. "Cela va me coûter 20 000 euros, et bien que je sois remboursée en partie si je gagne, ce n’est pas normal que je doive prouver moi-même la nature des dégâts."
Notre reportage en vidéo
Reportage de Caroline Ditte et Benjamin Bonte - Montage : Dominique Lebrun
Une dégradation rapide et un manque de soutien
Le phénomène de retrait-gonflement est particulièrement insidieux, car il ne s'arrête jamais. "Même par temps humide, le sol regonfle légèrement, et dès qu'il fait sec, les fissures se rouvrent", explique Mohamed Benyahia. Ce mouvement perpétuel met les structures des maisons à rude épreuve. Il ajoute que cette situation plonge les sinistrés dans une peur constante de voir leurs maisons s'effondrer.
Les propriétaires touchés par ces sinistres se sentent souvent délaissés. Malgré la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans certaines communes, les assurances trouvent fréquemment des moyens de refuser les indemnisations. "Nous avons demandé des listes d'experts, mais nous n'avons jamais reçu d'assistance", souligne Mohamed. Cette absence de soutien institutionnel ne fait qu'aggraver la situation des sinistrés.
L'association Urgence Maisons Fissurées se mobilise
Face à l'inertie des pouvoirs publics et des assurances, l'association Urgence Maisons Fissurées continue de se mobiliser pour faire entendre la voix des sinistrés. Une réunion publique est prévue le 24 septembre au Mans pour informer les habitants et organiser des actions collectives. Selon Mohamed Benyahia, près de 2 000 logements sont actuellement touchés par ce phénomène dans la Sarthe. "Nous continuerons à nous battre pour que les critères d'évaluation soient revus et que les communes touchées soient reconnues en état de catastrophe naturelle", affirme-t-il.
Les habitants de la Sarthe restent dans l’attente de solutions concrètes. Ils espèrent que les démarches administratives, aussi complexes et coûteuses soient-elles, finiront par aboutir, permettant ainsi à ces maisons fissurées de retrouver leur stabilité.
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