Simple "accessoire festif" ou emblème religieux incompatible avec la neutralité des pouvoirs publics? Le Conseil d'État rendra mercredi une décision sur l'installation de crèches dans des bâtiments officiels publics, tels que les mairies ou hôtels de département.
Le 21 octobre, le Conseil d'État avait réuni sa formation la plus solennelle, l'"assemblée du contentieux", pour débattre de la question suivante: "Une crèche de Noël est-elle un signe ou emblème religieux dont l'installation dans un bâtiment ou emplacement public est systématiquement interdite par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 garantissant le respect du principe de laïcité?"
Devant cette assemblée de 17 juges présidée par le vice-président, plus haut dirigeant du Conseil d'État, le rapporteur public Aurélie Bretonneau avait préféré parler de "neutralité" de l'État, plutôt que de laïcité. Et elle avait refusé de trancher le débat de manière manichéenne.
Pour le rapporteur public, dont les avis sont souvent, mais pas toujours, suivis par le Conseil d'État, le principe de neutralité des pouvoirs publics face à la
religion n'interdit pas "par principe" l'installation d'une crèche dans un bâtiment officiel, mais il ne doit en aucun cas s'agir d'un "geste de reconnaissance d'un culte".
Mme Bretonneau avait énoncé une série de conditions : que l'installation soit temporaire, "dans le temps festif lié à la célébration de Noël"; qu'elle ne soit accompagnée d'aucune "initiative teintée de prosélytisme religieux"; et qu'elle revête le "caractère d'une manifestation culturelle, ou à tout le moins festive".
Le rapporteur public avait relevé que les représentations de la Nativité avaient "essaimé" y compris dans les foyers non catholiques, avec des ventes de santons bien supérieures au nombre des chrétiens pratiquants, jusqu'à devenir un "accessoire festif de célébration".
Une fête familiale
Elle avait donc recommandé, dans un souci "d'apaisement", de laisser une importante marge d'appréciation aux collectivités locales, ainsi qu'une grande latitude aux juridictions administratives pour sanctionner d'éventuelles "instrumentalisations".Pour le juge administratif de dernier recours, il s'agit d'harmoniser la jurisprudence. En octobre 2015, deux cours administratives d'appel avaient rendu des arrêts diamétralement opposés. Celle de Paris avait donné raison à une association de "libres penseurs" qui contestaient l'installation d'une crèche dans la mairie de Melun (Seine-et-Marne).
Mais celle de Nantes avait conclu qu'une crèche du conseil général de Vendée s'inscrivait dans une "tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël".
C'est la deuxième fois depuis l'été que le Conseil d'Etat est appelé à trancher une question touchant à la laïcité. Ce principe, qui suscite des débats passionnés depuis toujours en France, déclenche encore davantage de polémiques dans l'actuel
contexte de menace terroriste.
Fin août, la plus haute juridiction administrative avait mis un coup d'arrêt aux arrêtés municipaux anti-burkini pris par plusieurs communes de bord de mer.
Dans une décision saluée par les associations de défense des droits de l'Homme, le Conseil d'État avait estimé que les maires ne pouvaient interdire ces tenues de bain couvrantes portées par certaines femmes musulmanes sans faire état de risques "avérés" pour l'ordre public.
avec AFP