L'expression "génération pivot" est apparue dans les années 70. Certains ont parlé aussi de "génération sandwich" pour désigner ces seniors qui viennent en aide à la fois à leurs propres parents mais aussi à leurs enfants. Une sollicitation parfois lourde à assumer.
Anne-Marie et Jean-François se sont installés à Saint-Michel en L'Herm en Vendée pour être au centre de la famille. Et ce n'est pas qu'une image. Ces deux retraités très impliqués dans le monde associatif n'oublient jamais d'insérer dans leur planning les périodes de vacances scolaires durant lesquelles ils reçoivent chez eux leurs petits-enfants. Leurs trois enfants installés en Gironde, Maine et Loire et Vendée comptent bien sur eux. Marcelle aussi. C'est la maman d'Anne-Marie qui a pris un logement dans la maison de retraite du bourg, près de chez eux. C'est ça la génération pivot, ressource indispensable aux grands parents, enfants et petits-enfants.
Nous gardons aussi du temps pour nous...
Plusieurs fois par semaine Anne-Marie va rendre visite à sa maman à la maison de retraite. Ensemble, elles prennent un café ou font des petites courses. Et à chaque période de congé scolaire, avec Jean-François, elle accueille les cinq petits-enfants qui ont de cinq mois à huit ans. " C'est un vrai plaisir, tiennent-ils à souligner, ça nous permet de faire le lien entre eux. Ils se retrouvent ici à St Michel en L'Herm, entre cousins, ça remue bien mais ce sont des bons moments." Ils ont été aussi des soutiens financiers pour leurs enfants au début de leur vie active, sont allés bricoler chez eux quand ils ont acheté. " Mais nous gardons aussi du temps pour nous", précise Jean-François qui compte bien aussi profiter de sa retraite avec Anne-Marie.
Plusieurs facteurs
Christian Pihet, géographe à l'Université d'Angers, a travaillé sur cette notion de "génération pivot". L'expression serait apparue dans les années 70 puis a été reprise par les universitaires dans les années 80. D'un côté de la famille, le temps de formation des jeunes s'est allongé, prolongeant d'autant leur période de vie chez les parents, l'accès à un emploi stable et suffisamment rémunéré se fait plus tardivement, les parents restent donc une aide financière importante et côté ascendants l'espérance de vie des grands-parents a progressé allongeant aussi cette période de dépendance pendant laquelle ils sont susceptibles de solliciter leurs enfants. "Mais ça s'inscrit dans un système de réciprocité, ajoute Christian Pihet, les parents aident au financement des jeunes, accompagnent les grands-parents mais reçoivent aussi des gratifications des deux côtés."
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Aucune véritable reconnaissance des pouvoirs publics
L'Union Départementale des Associations Familiales du Maine et Loire a fait une étude en 2012 sur cette question. Un rapport est toujours consultable sur leur site internet. Cynthia Maréchal, chargée de mission au sein de l'association, a pu constater que de nombreux foyers vivent cette situation pas toujours confortable.
Certes il y a le plaisir de se sentir utile mais c'est aussi une source de conflits lorsqu'il faut prendre des décisions concernant les ascendants. "Nous orientons alors les enfants vers de la médiation familiale. Cela permet de renouer le dialogue et de trouver plus sereinement des solutions." Si la situation des aidants familiaux est reconnue lorsqu'il s'agit d'accompagner un ascendant, la notion de "pivot" pris en sandwich entre plusieurs générations n'est pas vraiment connue des pouvoirs publics. "C'est pourtant cette génération qui amortit les effets de la crise économique", constate Cynthia Maréchal.
La notion de génération pivot montre que la solidarité familiale a toujours autant de potentiel et de force mais ce sera plus dur pour ceux qui suivent les babyboomers. Moins nombreux mais toujours sollicités.