Grippe aviaire : la crise sanitaire sans précédent secoue le monde avicole en Vendée et dans les Pays de la Loire. Une remise en cause du modèle intensif ?

La grippe aviaire n'en finit pas de toucher les élevages avicoles en Vendée et dans les départements alentours. Les éleveurs se sentent laissés à eux mêmes, le collectif "Sauve qui poule" remet en cause ce modèle agricole qui fait d'eux des fournisseurs de l'industrie agroalimentaire.

La crise sanitaire qui frappe la filière avicole en Vendée, mais aussi dans une proportion un peu moins aiguë les départements de Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Deux-Sèvres, a déjà contraint à l'abattage de plus de 8 millions d'animaux. En Vendée un élevage sur trois est touché.

Désormais ce sont les éleveurs qui sont atteints au moral par l'ampleur du désastre. Faute de savoir soigner les animaux, il va falloir aussi penser à soigner les humains et le mode de production. Le collectif "Sauve qui poule" remet en cause ces élevages intensifs qui font des agriculteurs des fournisseurs de l'agro-industrie.

C'est la plus grave épizootie observée dans les Pays de la Loire, séquelles psychologiques, faillites, cessation d'activité, d'évidence les conséquences sont déjà dramatiques. En voici quelques exemples.

Couper la ventilation, laisser les animaux mourir toute une nuit

Pierre-Jean Besson a perdu 18 000 canards. Seulement âgé de 25 ans, il vient d'investir 450 000 euros dans un nouveau bâtiment hyper ventilé. Éleveur de canards à Chavagne-en-Paillers en Vendée, il témoigne : "Un soir, j'ai senti mes animaux nerveux, et dès le lendemain ça a été l'hécatombe. En l'espace de quatre ou cinq jours, j'ai perdu 80% de ma production. Les services vétérinaires sont venus au bout de dix jours, ils ont euthanasié le reste des volailles, pour les expédier à l'équarrissage".

Jacques Dupont élève poules et canards à Saint-Étienne-de-Mer-Morte en Loire-Atlantique, il décrit l'action chez lui des services de l'État : "On vous appelle un vendredi pour vous dire que ce sera le lendemain, et puis on repousse de 3 ou 4 jours. Ils sont venus à 25, avec des ramasseurs, avec tout ce qu'il faut pour respecter le protocole sanitaire, et du gaz carbonique, c'est le procédé pour euthanasier les canards".

Le ministre de l'agriculture est venu sur place, avec deux millions d'euros d'aides dans ses poches. Mais s'il annonce des renforts sanitaires, sur le terrain pour nombre d'éleveurs, la réalité est beaucoup plus cruelle.

"On a vu personne, mes voisins n'ont vu personne pour venir euthanasier les animaux". Aux Essarts en Vendée, Christian Drouin hésite à poursuivre, tant il est consterné par les gestes qu'il a dû accomplir : "Je ne voulais pas couper la ventilation, les voisins l'ont fait, les services de l'État n'étant pas en mesure de venir procéder à l'euthanasie, les vétérinaires nous ont conseillé, en off, de couper la ventilation et de laisser les animaux mourir toute une nuit".

C'est nous qui faisons le sale boulot entre paysans, les voisins viennent ramasser les volailles, on va chez les voisins ramasser les volailles mortes, décomposées, ce n'est pas notre métier de faire ça. Ça atteint beaucoup les gens psychologiquement.

Christian Drouin, éleveur aux Essarts en Vendée

Toute la chaine de production est touchée, les volailles pèsent un milliard d'euros dans les Pays de la Loire. La principale coopérative, Terena, envisage de perdre 70 à 80% de son activité. "Du chômage partiel est à prévoir jusqu'en juillet, nous allons l'accompagner, nous avons besoin de l'aide de l'État, de la région, de toutes les organisations qui gravitent autour de la filière avicole, comme les banques", explique Olivier Chaillou, le président de la coopérative.

Sauve qui poule

Il faut repartir à zéro, mais pour faire quoi ? "Il faut ouvrir les yeux sur un changement de système", s'enthousiasme Julien Bernard. Il est l'exemple qu'on peut faire et vivre autrement. 

Depuis 10 ans, avec ma chérie, nous travaillons sur un petit élevage bio en plein air, on vend en direct. On en vit bien. Je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour les autres ?

Julien Bernard, éleveur à Corcoué-sur-Logne

Le collectif "Sauve qui poule" s'organise autour de cette question. Il réunit la Confédération Paysanne, Terroirs 44 et les Groupements d'agriculteurs bio (GAB). "Il faut agir sur les causes structurelles de l'épidémie. Plus de 15 000 tonnes d'animaux morts pour le seul département de la Vendée, et chaque crise de grippe aviaire est pire que la précédente. C'est bien la densité des élevages, les déplacements des intervenants, les transports d'animaux vivants qui démultiplient les risques de propagation", fait remarquer le collectif.

"On gère du vivant, il y aura d'autres épisodes sanitaires, l'enjeu c'est de réussir à les gérer. On interroge le modèle, pour qu'on ne redémarre pas dans les mêmes conditions", s'alarme Nicolas Girod, le porte parole de la Confédération Paysanne.

Remettre en cause le modèle

Et le collectif de pointer la responsabilité de l'État comme celle des élus qui ne tiennent pas compte des risques identifiés. "Le sud-ouest connait son 4ème épisode de grippe aviaire en 7 ans, on voit bien que la claustration n'est pas la solution pour lutter contre la diffusion du virus".

Tous ces éleveurs de volailles de plein air insistent sur le fait qu'il faut dès à présent mettre en œuvre des activités viables. Sortir de cet état de fait, qui soumet les agriculteurs comme fournisseurs de matière vivante pour l'agro-industrie et la grande distribution.

Comment y parvenir ? "En réduisant le nombre d'animaux dans les élevages et les transports, en délocalisant les outils de production et de transformation, pour développer l'autonomie et la résilience des systèmes", affirme le collectif.

30% des élevages dans les Pays de la Loire seraient condamnés. Ceux qui traverseront la crise, espèrent un vaccin, mais qui n'existe toujours pas !

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