En 2012, il remontait le chenal en vainqueur du Vendée Globe. 12 ans plus tard, François Gabart nous livre son regard sur l'édition 2024, dont il s'apprête à commenter le départ sur France 3 Pays de la Loire.
Vous qui avez vécu ces moments-là en 2012, qu'est-ce qu'on ressent à quelques heures du départ ?
Pour moi, c'est un souvenir incroyable parce que je partais pour mon premier tour du monde en solitaire et sans escale. C'était une espèce d'effervescence émotionnelle de partir et de laisser ses proches. Mon fils aîné, qui était encore petit bébé, était présent. On quitte le monde des terriens et tout ce que ça représente avec, en même temps, une concentration qui était à son maximum. À quelques heures du départ, j'avais déjà une partie de mon cerveau qui se trouvait dans l'anticipation du départ, des premières heures de course, du premier passage météo. Humainement, c'était super intense et d'une force incroyable.
Le jour du départ, qu'est-ce qu'on ressent lorsqu'on est acclamé par la foule lors de la remontée du chenal ?
C'est quelque chose d'incroyable, et dont nous, les marins, n'avons pas l'habitude. Je pense que c'est la première fois de ma vie que je me trouvais avec autant de personnes. Les autres sportifs évoluent dans des stades, mais nous, les skippers, nous sommes sur notre bateau, seuls ou très peu nombreux. Ce que je trouve extraordinaire, c'est l'énergie humaine que l'on ressent et qui est extrêmement positive. Les gens sont vraiment là pour nous encourager et nous pousser à donner le meilleur.
Pour vous, qui pourraient être les favoris ?
Sur ce sujet, je perds absolument toute objectivité : je suis partie prenante du projet Macif avec Charlie Dalin. C'est mon équipe qui a construit et préparé ce bateau, nous avons travaillé pour faire en sorte qu'il soit dans les meilleures conditions pour ce Vendée Globe. On a envie qu'il gagne et en plus, il a gagné la dernière course New York-Vendée Les Sables d'Olonne.
Pour moi et pour notre équipe, évidemment qu'il est le favori. Mais il n'est pas le seul et c'est ça qui est beau. Le Vendée Globe reste une course compliquée. Plein de skippers viennent pour gagner et il y a un super niveau. Ils sont une petite dizaine à pouvoir prétendre à la victoire, à s'être préparés pendant quatre ans et c'est ça qui fait que la course va être belle.
Avez-vous le sentiment que la course devient de plus en plus serrée entre les potentiels vainqueurs ?
Dès la première édition, je pense qu'il devait être difficile de donner un favori, il y avait beaucoup d'incertitudes. À mon époque, il y a douze ans, je ne faisais pas partie des favoris et pourtant, j'ai gagné. C'est aussi ce qui a toujours fait la richesse du Vendée Globe. C'est difficile de faire un tour du monde et de s'y préparer. On ne peut jamais être sûr de gagner, voilà pourquoi la course est aussi belle.
Pour chaque édition, les bateaux deviennent plus rapides. Y a-t-il une limite à ces évolutions techniques ?
Je ne pense pas qu'il faille se donner de limites. Les bateaux ont énormément progressé, mais je reste optimiste sur les évolutions à venir. Aujourd'hui, les navires ont des foils, ce qui amène de nouveaux challenges. Mais je pense que la course au large a toujours participé à cela.
Avant même la naissance du Vendée Globe, dans les années 1950 et 1960, les bateaux étaient déjà bourrés de technologies de l'époque. Quand on a amené les premiers GPS, les premiers multicoques, les premiers systèmes d'électronique alors qu'à l'époque, ces technologies étaient quasiment absentes de notre vie au quotidien. Les bateaux évoluent avec leur temps, même s'il faut évidemment réfléchir à ce qu'impliquent ces évolutions.
Avec les vitesses de pointe de 40 noeuds pouvant être atteintes aujourd'hui, est-il possible matériellement d'aller plus vite que la génération actuelle d'Imoca ?
Oui, je pense qu'on est au début de l'histoire des foils, des bateaux volants et je ne vois pas pourquoi il y aurait une limite. J'ai l'impression qu'on est au début d'une période et que les bateaux vont peut-être aller beaucoup plus vite dans les années qui viennent.
Quels peuvent être les temps forts de cette course ?
C'est une bonne question. La difficulté du Vendée Globe, c'est que la course se joue vraiment du début à la fin. Il faut vraiment rester concentré tout le temps, car la casse peut survenir à n'importe quel moment, même dans des conditions qui paraissent plus faciles. C'est ce qui fait aussi la cruauté du Vendée Globe parce qu'on ne peut jamais se reposer.
Votre prochain défi personnel sera de partir sur le trophée Jules Verne, une course autour du monde, sans assistance et sans escale, mais en équipe. Est-ce qu'on vous reverra un jour au départ du Vendée Globe ?
Cet hiver, en effet, je vais partir avec mon trimaran sur le trophée Jules Verne. Mon bateau devrait être prêt en fin de semaine prochaine, et il n'est pas impossible qu'on se croise avec les concurrents du Vendée Globe.
À court ou moyen terme, le Vendée Globe n'est pas mon objectif, mais dans la vie, il ne faut jamais rien s'interdire. J'ai envie de continuer à beaucoup naviguer, mais autrement, en équipage. Peut-être qu'un jour, je reviendrai sur le Vendée Globe, mais pas dans l'immédiat.
Dimanche, François Gabart sera le consultant de France 3 Pays de la Loire pour les émissions spéciales départ du Vendée Globe, à partir de 7h50 sur internet et sur la télévision.
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