Lilian Mercier vient de boucler la Mini-Transat, une course en solitaire et sans assistance à bord d'un 6,50 m. Nous l'avions rencontré en juin dernier à l'occasion de Débords de Loire. Le skipper nantais nous avait alors raconté sa maladie, une leucémie qu'il a vaincue.
En juin dernier, Lilian Mercier est presque passé inaperçu avec son bateau de 6,50 m à la voile blanche et bleu azur au milieu des grandes unités de la parade de Débords de Loire.
Le skipper nantais est revenu à la maison, un séjour de baptême pour son bateau. Pour lui, une renaissance.
"Le projet est né quelques mètres derrière, au CHU, quand j'étais hospitalisé en 2018-2019, nous racontait-il alors, pour moi, c'est vraiment un aboutissement de revenir ici avec mon propre bateau. Après toutes les péripéties que j'ai pu vivre à Nantes, très heureux de revenir là, sous une autre manière et voilà, ce n'est que de la joie vraiment".
Un rayon de soleil, enfin, après la tempête. C'était il y a quatre ans.
En quelques jours, tout bascule
Sa carrière de marin est alors lancée à vive allure. Champion de France, champion du monde et la promesse d'un avenir radieux qui brutalement s'assombrit à la veille de son 20ᵉ anniversaire.
"J'étais en entraînement avec l'équipe de France Olympique et puis en quelques jours, je me suis arrêté à l'entraînement. Je suis rentré chez moi pour faire des prises de sang et me faire diagnostiquer du cancer. Donc ça s'est fait très rapidement et la bascule, elle, a été très rapide".
Je suis passé d'un monde de sportif de haut niveau à un monde hospitalier en un rien de temps
Lilian MercierSkipper
"Il a fallu se tenir aux ordres des médecins et accepter de s'arrêter tout simplement pendant un an, raconte le jeune skipper, je n'ai jamais été trop malade, je ne me suis jamais vraiment blessé, donc un peu surpris, enfin voilà un peu inconscient de la réalité médicale".
"Et du coup moi le premier truc qui me passe dans la tête, c'est que je vais perdre mes cheveux. Ça, c'était la première vraie réalité et c'est ce qui s'est passé très rapidement. Au bout d'une semaine, j'ai tout perdu, tous les cheveux et en fait musculairement après, j'ai très rapidement perdu aussi".
L'hôpital devient son seul horizon. D'abord, le secteur stérile. Le début des chimiothérapies, la souffrance des traitements. Chambre 802.
La Loire est là déjà, mais de l'autre côté de la fenêtre. Alors aujourd'hui, Lilian revient pour la première fois avec Natacha, l'infirmière qui continue de veiller sur lui.
"Il doit prendre soin de lui et parfois, quand on est passionné, on peut omettre un sujet qui peut être un peu pénible, xplique Natacha, parce que quand on va bien, retourner chez l'oncologue, chez l'hémato, faire une prise de sang, oui, je la ferai demain, je la ferai après-après demain, puis finalement, je suis en mer, et puis voilà".
"J'ai eu la chance de rentrer en bonne santé, d'en ressortir plutôt rapidement en bonne santé, et en plus d'être vachement accompagné, que ce soit par Natacha, par mes parents, par les proches, raconte Lilian, je suis persuadé que c'est un vrai vecteur de guérison".
Lilian aide désormais les autres
Aider les ados malades d'un cancer, c'est désormais la mission de Lilian, Natacha et d'une équipe spécialisée au sein du CHU de Nantes. Mais aujourd'hui pas de blouse blanche, pour tout le monde, c'est sortie bateau.
"On fait tout ça pour être dehors et pour reprendre le rythme de leur vie après, raconte Natacha, sur le bateau de Lilian, la vie d'avant, la vie d'après, elle ne sera peut-être pas pareille, elle sera peut-être à adapter. Parce que ce n'est pas si simple que ça. Mais en tous les cas, il y aura une vie après. C'est pour ça qu'on fait tout pour en tous les cas".
"Je pense que la voile, par rapport à plein d'autres sports, je pense qu'importe ton handicap, tu peux autant partir à l'aventure", explique Lilian à Pauline, à bord avec lui.
"J'aime beaucoup, par exemple, voyager et tout, mais en fait, le fait d'avoir eu un handicap, ça m'a un petit peu fait poser des questions. Est-ce que je peux, est-ce que je ne peux pas ? Et en fait, je peux, Du coup, bah, let's go.", témoigne Pauline
"Je pense que c'est bien qu'il y a des personnes en situation de handicap qui peuvent montrer qu'il y a une autre vie, que la vie est quand même possible après, témoigne ais il ne faut pas oublier qu'il y en a une grande partie, je pense, malheureusement, qui restent à quai et eux qui ne pourront jamais faire leur projet, leur vie comme ils le souhaitent, en fait."
Alors, c'est aussi pour eux que Lilian a largué les amarres, pour traverser l'Atlantique sur une coque de noix. Rien que ça.
"6,50 de long, 3 mètres de large, 5 m² d'intérieur, on est sur quelque chose qui est tout petit au milieu d'un espace qui est immense. Et ça, il n'y en a pas beaucoup qui le vivent", témoigne-t-il, à quelques semaines de son départ pour la Mini-Transat.
Trois semaines de course au large, sans la famille, la copine, les amis. Une nouvelle aventure en solitaire. Mais seul en mer ou face à la mort, avec Lilian, pas d'inquiétude. Jamais.
"À aucun moment donné, je me suis mis dans ma tête que je n'allais pas ressortir de l'hôpital parce que c'est toujours cette idée d'aller au bout des choses, raconte Lilian, même si la course, elle n'est pas facile, qu'on est dans des météos pas forcément évidentes, au final, le seul moyen de continuer à avancer, c'est d'en sortir"
Je suis toujours resté un peu focus sur l'idée de me dire, je vais en sortir et on verra ce qui se passe après
Lilian MercierSkipper
Aujourd'hui, en rémission, la vie d'après pour Lilian ressemble follement à celle d'avant. Toujours le même sourire, la même envie, un goût de revanche en plus.
Le reportage de Maxime Jaglin / David Jouillat / Dominique Dallemagne et Nathalie Saliou-Tendron
"Mentalement, ça a été super dur"
Lilian a pris le départ de la Mini-Transat le 24 septembre dernier depuis les Sables d'Olonne, direction La Palma, aux Canaries, puis Saint-François à l'extrémité sud-est de la Guadeloupe.
Le skipper a franchi la ligne d’arrivée de la 2e étape de La Boulangère Mini Transat ce lundi 13 novembre à 08h36’16” (heure française).
Lilian a mis 15 jours, 19 heures 16 minutes 16 secondes pour boucler cette étape. Son temps cumulé sur les deux étapes est de 27 jours 40 minutes 32 secondes
"Rien n’a lâché et ça, j’en suis super content parce que ça a été un vrai soulagement pour naviguer, a raconté Lilian à l'arrivée, en revanche, mentalement, ça a été super dur. Je n’ai vraiment vu personne pendant 16 jours. J’ai parlé deux fois à la VHF à des gens que je voyais à peine et ça, ça a été hyper dur à partir de l’après waypoint, c’est-à-dire à partir du premier tiers du parcours".