La sardine est-elle en danger ? La réponse n'est pas simple. Si les volumes de pêche ne traduisent pas une baisse de la ressource, l'étude de cette population montre une évolution qui n'est pas favorable à l'espèce. Explications.
L'IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) vient de communiquer son rapport sur les volumes des pêches débarquées dans les ports français en fonction de l'état de la ressource.
Plus de 300 espèces différentes sont pêchées, mais en fait, seule une cinquantaine représente 95 % de ce qui est débarqué.
"L’analyse présentée montre l’évolution positive de l’état des ressources et de leur exploitation au cours des 20 dernières années" constatent les chercheurs d'Ifremer qui précisent que les espèces considérées comme non surpêchées représentaient 56 % des volumes en 2022, contre 18% en 2000. Il faudrait donc en déduire que l'on ponctionne moins sur les espèces en danger. Mais nous sommes loin de l'objectif de 100 % de pêche durable qui était pourtant fixé pour... 2020.
Une surpêche constatée sur toutes les zones
Parmi les espèces surveillées de près, la sardine donne quelques inquiétudes.
La sardine de Manche est placée dans la catégorie "surpêchés" et celle de Gascogne, comme celle de Méditerranée, dans la catégorie "surpêchés et dégradés".
"Les débarquements de sardine du golfe de Gascogne ont fortement augmenté, passant de 12 à 17% du total de la zone, rapporte Ifremer. C’est la deuxième espèce en volume pêchée dans cette zone, après le merlu."
Un cas particulier
L'Institut considère que la sardine est en déséquilibre écologique, mais, en fait, précise Clara Ulrich, coordinatrice des expertises en halieutique à Ifremer, "la sardine est un cas un peu particulier".
Les volumes de cette ressource restent importants, mais c'est la structure démographique qui a évolué.
"Lors de la dernière campagne d'évaluation effectuée en mai 2023 par Ifremer, détaille-t-elle, on a constaté que 80 % des sardines prises avaient entre 1 et 2 ans et pratiquement aucune de 6 à 7 ans. Il n'y a presque plus que des jeunes sardines, elles grossissent moins bien et meurent plus vite."
Une étude pour comprendre de quoi souffre cette ressource
C'est l'environnement qui serait en cause avec un changement dans la constitution du phytoplancton, dont se nourrit la sardine. Un programme de recherche, Defipel (DEveloppement d’une approche de gestion intégrée de la FIlière petits PELagiques française), en collaboration avec la filière de la sardine, doit permettre de mieux comprendre ces évolutions dans l'écosystème de ce poisson.
"On est dans une situation qui s'inverse par rapport à avant, constate Clara Ulrich, la pression de pêche a diminué, mais ce sont les effets environnementaux qui sont les plus forts."
Jusqu'à 2000 tonnes à Saint-Gilles-Croix-de-Vie
A Saint-Gilles Croix-de-Vie, port de référence en Pays de la Loire pour la sardine, on ne semble pas s'en inquiéter pour le moment.
Quatre paires de bateaux sont ici spécialisées dans cette pêche qui se pratique "en bœufs", le chalut étant trainé par deux bateaux.
1000 à 1500 tonnes de sardines du golfe de Gascogne sont débarquées à la criée de ce port vendéen chaque année, 2000 les meilleures années, nous précise David Blanconnier, le directeur de la criée gillocrucienne :
"C'est surtout la conserverie Gendreau qui est cliente avec 1000 tonnes par an. Le frais représente 4 à 500 tonnes" rapporte-t-il.
Pas de quotas
Concernant l'état de la ressource, et d'éventuelles mesures de protection, donc de restriction de la pêche, David Blanconnier évoque de son côté des volumes de pêche stable et une taille de poisson "correcte".
"On parle peut-être de quotas, dit-il, ça inquiète un peu, car la profession sait bien que si on met des quotas, ensuite on les réduit et puis on finit par arrêter la pêche. Mais pour l'instant, c'est toujours une espèce qui n'est pas sous quotas."
Si l'amaigrissement de la sardine se poursuit, ce sont les conserveries qui vont peut-être devoir se fournir sous d'autres latitudes, pour s'y approvisionner en sardines suffisamment grasses.
Arrêtée en automne et en hiver, la pêche à la sardine doit reprendre en mars-avril.
Un patrimoine local
Réduire la pression sur cette ressource serait évidemment mal vécu dans la profession. Attaquer la pêche à la sardine à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, c'est attaquer le patrimoine de cette commune vendéenne où l'on a développé cette pêche au XVIIᵉ siècle et créé les premières conserveries au XIXᵉ. Rappelons qu'en 2018, la pêche à la sardine de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a été inscrite à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France, consacrant ainsi le savoir-faire local. Il existe aussi une Confrérie de la Sardine.
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