La PMA pour toutes va enfin devenir réalité. Après deux ans de navettes parlementaires, ce mardi 29 juin, l’Assemblée nationale doit adopter définitivement la loi. Pour Séverine et Héloïse, mamans homosexuelles de trois enfants, “on va pouvoir faire un bébé dans notre pays, sans devoir se cacher.”
"Cette loi est une grande victoire et une profonde avancée." Mariées, mamans lesbiennes de trois enfants, Séverine et Héloise attendent la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes depuis deux ans, comme des milliers d’autres couples de femmes et femmes seules.
Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron va enfin devenir une réalité, après de multiples navettes et débats parlementaires, et plus de 1500 amendements.
Aujourd'hui, l’Assemblée Nationale doit finalement voter le projet de loi de la bioéthique, et sa mesure phare : l'accès à la procréation médicalement assistée élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires, jusque-là réservée aux couples hétérosexuels.
A l'orée des premiers débats, en septembre 2019, nous avions rencontré Séverine et Héloîse, mamans d’Ariane, 8 ans, Victor, 5 ans et Camille, 3 ans. Tous les trois conçus par procréation médicalement assistée en Espagne. Elles nous avaient raconté leur parcours de combattantes, leur bonheur, et leurs espoirs.
En ce jour historique, après ces mois d’attente, nous avons posé trois questions à Séverine et Héloïse. Elles nous font part de leurs sentiments, entre joie, soulagement, lassitude et colère.
Que va changer cette loi pour les couples de femmes lesbiennes et les femmes seules?
Héloïse : Cette loi va franchement faciliter la vie des femmes. Quand nous avons décidé de fonder une famille, on a dû changer de vie. On a déménagé de Marseille. Nous sommes venues nous installer à Toulouse, pour se rapprocher de l'Espagne. Le pays où nous avons pu réaliser nos PMA. C’est un sacré chamboulement !
La PMA sera désormais remboursée par la sécurité sociale pour toutes les femmes. C'est très important car jusqu'alors, cela représentait un investissement financier important. Et nous avons eu une chance inouïe. Nous avons eu trois enfants avec seulement trois inséminations artificielles. A chaque fois, cela a fonctionné du premier coup. Sans nécessiter de fécondation in vitro. On a dépensé environ 5000 euros, entre les actes médicaux, les frais de notaires, les hôtels et les trajets. Mais certaines peuvent dépenser jusqu’à 20 000 euros, pour un seul bébé. La loi va désormais rétablir une égalité entre toutes les femmes.
Séverine : Elle va aussi épargner aux femmes de multiples soucis logistiques. Trouver un médecin qui accepte de nous suivre dans cette démarche, nous prescrire les traitements hormonaux pour nous permettre d’être remboursées par la Sécurité Sociale n’est pas évident. Pour moi, il n’y a pas eu de problème. Mais notre gynécologue a ensuite refusé de prescrire les traitements pour Héloïse. A-t-il eu peur d’être dans l’illégalité ? On ne l’a jamais su.
Héloïse : C’était aussi éprouvant psychologiquement. Quand on devait faire des examens biologiques, des échographies ou aller chercher des stimulants hormonaux à la pharmacie, on nous posait des questions. Et nous étions embarrassées car on n'était pas dans les normes. Ces examens étaient réservés aux couples hétérosexuels qui ont des problèmes de fertilité.
Séverine : A chaque fois qu'on voulait avoir un nouveau bébé, on devait partir en Espagne 36 heures avant la PMA. C’est une source de stress. Et nous étions obligées de faire notre coming out auprès de l’employeur. On n’avait pas le choix. La PMA pour toutes les femmes en France va donc engendrer plus de sérénité au sein des couples.
Enfin, selon. moi, cette loi va aussi inciter certaines femmes à se détourner des inséminations artisanales, réalisées souvent dans des conditions sanitaires précaires, et donc dangereuses pour la santé. Avec le sperme d’un donneur qui n’a pas forcément été analysé.
Désormais on va donc pouvoir faire un enfant dans notre pays, sans devoir se cacher a l’étranger, en toute hypocrisie. Notre pays nous reconnaît. C’est vraiment très important pour nous, pour nos enfants.
Cette loi est une victoire de la communauté LGBT+?
Séverine : Oui évidemment c’est une victoire. Et une avancée profonde. Mais on a l'impression que les capitaines du navire freinent des quatre fers alors que le peuple est prêt, et a évolué. C’est désolant. On a assisté à des débats purement politiques qui montrent qu’on est encore dans un pays ou la droite conservatrice, notamment des sénateurs républicains rétrogrades, nous empêche d'accomplir des réformes sociétales.
Héloïse : C’est deux ans de trop pour un résultat qui existe déjà dans d’autres pays depuis longtemps. Et c'est de toute évidence un enjeu pour les présidentielles, utilisé par les politiques pour marquer des points comme avec le mariage pour tous.
Ce qui m’a mise en colère, c’est la question de la filiation. Si ce qui est prévu dans la loi est maintenu, les deux femmes devront faire une reconnaissance conjointe anticipée de l’enfant, devant notaire, avant la naissance. Une déclaration qui sera notifiée sur l’acte de naissance. Il indiquera donc, de fait, le mode de procréation. Mais seulement pour les enfants de lesbiennes, pas pour les enfants nés par PMA au sein de couples hétérosexuels. Si cette mesure est votée, c’est une honte. L’enfant est marqué au fer rouge. C’est une discrimination stigmatisante alors que cette loi est censée ouvrir les mêmes droits pour tous !
Séverine : De plus, cette loi met les couples d’hommes et les personnes transgenres de côté. Cela nous choque car on est une communauté. On a tous le droit de "faire famille".
Cette loi vous donne-t-elle envie de faire un 4e enfant, en France ?
Héloïse : Séverine a 45 ans, moi 36 ans. Le temps que les mesures soient mises en place, cela sera trop tard. Quand les banques de sperme vont-elles pouvoir répondre à toutes les demandes ? Peut-être dans deux ans... Mais j'espère me tromper.
On sait toutes les deux que, si on décide de faire un quatrième enfant, ce sera en Espagne. Tout d’abord, ce sera forcément plus rapide. Et puis, si en France, la PMA est mentionnée sur l’acte de naissance, nous opterons de toute façon pour l’étranger, quitte à contourner la loi.
Séverine : Et en plus, il semble qu’en France, il y a une déficience d'accompagnement psychologique. On a eu les témoignages de couples hétérosexuels qui avaient des problèmes d’infertilité et qui ont rencontré beaucoup de difficultés. Des médecins sont capables d’annoncer de façon abrupte à un couple : "c’est bon vous avez 43 ans. On arrête tout. Cela ne marchera plus". On a rencontré une maman et son conjoint infertile qui sont finalement allés dans une clinique espagnole. Et ils ont eu un bébé au premier essai !
En tout cas, cette loi est une avancée primordiale pour de nombreuses femmes qui n'ont pas les moyens financiers ni l’énergie psychologique de franchir des frontières pour pouvoir fonder une famille. La PMA pour toutes va rééquilibrer les choses au sein de la communauté LGBT. Notre pays nous reconnait. Et ça, c'est le plus important.