Le marin originaire d'Amiens s'était élancé de Ouistreham le 28 juillet 2018 sur un petit voilier de dix mètres. Il est revenu à son point de départ avec 222 jours de navigation autour du globe.
Pierre-André est un marin chevronné qui n'a peur ni de l'immensité de l'océan, ni de la solitude. Il est rôdé à ce face à face avec les éléments qui se transforme vite en un tête à tête avec soi-même. Il rêvait depuis longtemps d'un tour du monde. Pas celui des bateaux de course d'aujourd'hui, bardés d'électronique, taillés pour la performance, non. Pierre-André songeait plutôt à la longue route, le livre de Bernard Moitessier qui a bercé son adolescence.
En 1968, Bernard Moitessier prend le départ du Golden globe challenge, la première course autour du monde en solitaire et sans escale. L'histoire est entrée dans la légende maritime : alors qu'il est sur le point de l'emporter, Moitessier décide de ne pas franchir la ligne d'arrivée et de filer vers l'océan indien. Après 300 jours de navigation, le périple s'achève en Polynésie. Il racontera cette aventure dans La longue route. Le livre est devenu le bréviaire de tous les marins vagabonds.
Le 28 juillet, Pierre-André Huglot s'est donc élancé de Ouistreham, le port d'attache de son fidèle petit voilier. Le moteur avait été retiré pour faire un peu de place : il en fallait afin d'embarquer assez de nourriture pour tenir 245 jours. À bord, pas d'internet, pas d'autre d'appareil de navigation qu'un sextant et une table à cartes.
De la nourriture pour tout moteur
"C'est difficile de faire des choix quand on ne sait pas quelle sera la météo. On choisit une voile et on attend de voir. Quelque fois on a eu raison. Quelque fois pas..." En haute mer, sans autre outil de prévision que l'observation et le doigt mouillé, Pierre-André Huglo a très vite mesuré la complexité de l'entreprise. "La solitude à la fin c'était quand même dûr. Cela apprend qui on est, avec ses qualités et ses faiblesses. On est en face de soi-même. On doit savoir accepter ce qu'on est capable de faire et ce qu'on n'est pas capable de faire".
Un téléphone satellite rechargé par un petit panneau solaire lui permettait de tenir informés la famille et les amis se sa progression. Atlantique, Cap de Bonne Espérance, Océan Indien, Océan Pacifique, Cap-Horn, Atlantique. Pierre-André aura des histoire de marin à raconter. Vous le croyez, vous ? Une pétole au sud de la Nouvelle-Zélande, dans les mers australes, au paradis du vent ?
Après 222 jours de mer, Pierre-André est donc rentré au port comme il en était parti, en toute simplicité, accueilli par ses proches. Véronique Lerebours la dernière compagne de Bernard Moitessier était aussi sur le ponton, émue par la leçon de vie. Moitessier avait raison : "tout ce que l'homme fait de bien et de beau, il le construit avec ses rêves"