Ils sont invisibles depuis le pont qui enjambe, à Markala, l'immense fleuve Niger, à 260 km au nord-est de Bamako. Mais Marsouins sont bien arrivés à ce point stratégique et, leur colonel l'assure, "l'ennemi ne passera pas".
Succédant à une petite équipe des forces spéciales, qui a aux premières heures de l'engagement français au Mali été envoyée pour soutenir et mobiliser des soldats maliens en déroute, les soldats du 21ème Régiment d'infanterie de marine de Fréjus ont pris position aux abords de ce pont aux arches métalliques, l'un des plus importants du pays."Notre mission", indique à l'AFP le lieutenant-colonel Marc (il n'accepte de révéler que son prénom), qui commande le premier détachement de forces conventionnelles terrestres à entrer en action au Mali, "est de tenir ce pont crucial afin d'interdire à l'ennemi cette route d'accès vers le Sud".
"On évoque le chiffre de plusieurs centaines de terroristes, bien armés, bien entraînés, très motivés", ajoute l'officier. "Il faut les prendre au sérieux. Nous ne sommes pour l'instant qu'une centaine, mais avec notre puissance de feu nous pouvons facilement inverser le rapport de forces".
Jeudi matin, plusieurs véhicules blindés français ont pris position aux abords du grand ouvrage aux arches de fer, camouflés dans la végétation ou protégés par des digues ou des monticules de terre. L'un d'eux a pointé vers le nord un missile anti-char Milan. Des mortiers ont été mis en batterie.
Le capitaine Pascal, qui commande sur place, assure avoir "les moyens et les effectifs pour, aux côtés de nos camarades maliens, remplir notre mission. Personne ne passera".
Pour les soldats maliens, déployés plus près de la route, notamment dans un 4x4 surmonté d'une mitrailleuse, protégé par un talus, l'arrivée des soldats français est un soulagement.
Barbes rasées :
C'est "la meilleure nouvelle de l'année", sourit le lieutenant Ousmane Dabitao, treillis neuf et lunettes de ski portées à l'envers, sur la nuque. "Avec leur aide et celles des autres armées africaines qui arrivent, nous allons pouvoir débusquer ces terroristes et les chasser de notre pays".
Son supérieur, le capitaine Cheickné Konaté, venu pour la première fois rencontrer son homologue français, assure que "cela fait chaud au coeur. La France a été la première à nos côtés".
Avec le groupe des forces spéciales, "nous avons remobilisé nos soldats, créé une défense compacte. C'est pour cela que nous sommes plus tranquilles ici, maintenant", ajoute-t-il.
Avec leurs petites équipes très mobiles, montés à six/huit sur de rapides pick-ups, les jihadistes se déplacent rapidement, contournent les dispositifs, déjouent les défenses.
"Ils sont très forts pour s'infiltrer" assure le capitaine Konaté. "S'ils descendent jusqu'ici ils ne prendront pas la route, ils viendront par les pistes. Depuis l'attaque des Français nous savons qu'ils ont rasé leurs barbes, rallongé leurs pantalons, ils se déguisent, tentent de se fondre dans la population. Nous devons être très
vigilants et les empêcher de passer le fleuve".
Le contrôle des rives du Niger, c'est la mission de l'adjudant Arboncana Maïga et de ses hommes. A bord de leur pick-up blanc badigeonné de boue, drapeaux français et malien accrochés à l'avant du capot, ils patrouillent ses berges.
"Nous avons demandé aux piroguiers de refuser de faire traverser tous ceux qu'ils ne connaissent pas", dit-il, dans son grand manteau kaki qu'il a enfilé pour lutter contre la fraîcheur de la nuit.
"Ici, tout le monde se connaît, un étranger ne passe jamais inaperçu. Nous avons donné nos numéros de téléphone portables à tout le monde le long du fleuve. Si quelqu'un qui n'est pas d'ici demande à traverser, il faut nous appeler. Même s'ils menacent les piroguiers avec leurs armes, il y aura toujours dans le village quelqu'un
qui pourra se cacher et nous préviendra", espère-t-il.