Le groupe allemand TÜV, l'un des leaders mondiaux du contrôle qualité qui certifiait les prothèses, était assigné au civil devant le tribunal de commerce de Toulon; la question de l'indemnisation des victimes s'envenime à l'approche du grand procès pénal de l'affaire à Marseille au printemps.
La procédure de Toulon remonte au lendemain de la liquidation de l'usine de La Seyne-sur-Mer, en mars 2010, et du retrait du marché des implants, remplis avec un gel de silicone "maison" différent de celui déclaré à l'Afssaps.
Des distributeurs de PIP à l'étranger - un bulgare, un brésilien et un italien, puis un syrien, un mexicain et un roumain - réclament alors à l'entreprise varoise ses polices d'assurance. Dans la foulée, l'assureur concerné, Allianz, assigne le liquidateur de PIP au tribunal de commerce pour réclamer la nullité de son contrat, au motif qu'il a été trompé. Fin 2010, les distributeurs se greffent sur la procédure en attaquant Allianz et TÜV pour éviter tout dédouanement.
En juin 2012, Allianz a été débouté. Décision dont il a fait appel, dénonçant une "fraude intentionnelle" de son client qu'il avait été contraint d'assurer par le Bureau central des tarifications en 2005. A ce jour, une quinzaine de procédures individuelles ont été lancées contre Allianz.
Reste à examiner le cas de TÜV, dont le contrôle a été déficient selon les distributeurs de PIP, rejoints à Toulon par quelque 400 victimes principalement étrangères.
Dénégations du certificateur allemand :
Le certificateur allemand nie toute négligence en faisant valoir que son rôle se limitait, en vertu d'une directive européenne sur les dispositifs médicaux, à un audit "documentaire": vérifier la conformité du dossier de conception des prothèses et des procédures de contrôle internes à l'usine.
"TÜV n'était absolument pas chargé du contrôle du produit. TÜV n'a jamais apposé un seul tampon +CE+ sur les prothèses, il ne les a jamais testées sur la chaîne de production, car ce n'était pas sa mission", martèle son avocat, Me Olivier Gutkès.
Le groupe, qui avait porté plainte contre PIP en février 2011, se constituera partie civile au procès pénal prévu du 17 avril au 14 mai devant le tribunal correctionnel de Marseille, où comparaîtront cinq anciens dirigeants de PIP. Au premier rang desquels le fondateur de l'entreprise varoise, Jean-Claude Mas, auquel la justice reproche d'avoir trompé des milliers de porteuses d'implants, mais aussi TÜV via diverses "manoeuvres frauduleuses" destinées à contourner ses contrôles.
Les porteuses d'implants, qui ne s'attendaient pas à retrouver le certificateur à leurs côtés au procès, enragent. "Les prévenus vont être condamnés mais les vrais responsables ne sont pas là. Certificateur, assureur, chirurgiens, tout le monde s'est couvert", regrette Me Philippe Courtois, avocat de la principale association
de victimes, qui avait porté plainte contre TÜV et Allianz en 2010.
Le parquet rétorque qu'il n'a jamais envisagé de poursuivre le groupe allemand, dont les contrôles correspondaient à ses obligations légales. Surtout, à ses yeux, tromper TÜV pour obtenir la certification des prothèses faisait partie de l'escroquerie PIP.
Indemnisation des victimes :
Derrière le débat juridique, l'enjeu est l'indemnisation des victimes, dans un dossier où les mis en cause ne sont pas solvables et où les garanties du Sarvi (Service d'aide au recouvrement des victimes d'infraction), plafonnées à 3.000 euros par personne, ne satisfont pas tout le monde, de même que la garantie d'Allianz,
plafonnée à trois millions d'euros.
"Certains ne sont pas à la recherche d'un coupable, ils sont à la recherche de payeurs", déplore l'avocat de TÜV. "Or, on ne devient pas coupable au seul motif qu'on est solvable".
La Caisse nationale d'assurance maladie, qui avait porté plainte dans le dossier fin 2011, après que le gouvernement eut recommandé aux porteuses d'implants de se les faire retirer aux frais de la Sécurité sociale, voit aussi d'un mauvais oeil la position du parquet à l'égard de TÜV. Selon son avocat, elle n'a pas encore
décidé si elle se constituerait partie civile à l'audience du printemps.