Dans un climat social lourd où l'impatience grandit face à l'explosion du chômage, les syndicats, partagés sur la réforme du marché du travail, affichent leurs divisions en célébrant le 1er mai en ordre dispersé.
Pour cette première Fête du Travail du gouvernement de gauche, sous un ciel gris, les syndicats, soudés durant cinq ans sous l'ère Sarkozy, sont divisés en deux camps respectivement emmenés par la radicale CGT et la CFDT réformiste. Les divergences se cristallisent autour du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, "accord scélérat" pour la CGT et FO, une avancée pour créer des emplois, aux yeux de la CFDT. La CGT, FSU et Solidaires organisent 279 défilés, dont les premiers à Marseille Rennes ou Nantes se constituaient dans la matinée. Le leader de la CGT Thierry Lepaon a regretté la division syndicale: "Il y a une responsabilité des syndicats de salariés, face à (la) poussée des idées d'extrême droite, de se rassembler et essayer d'avoir un esprit de conquête", a-t-il dit. "La solution n'est pas le Front national", selon lui, "la solution est que le gouvernement et le patronat répondent aux interrogations des salariés". Les syndicats observent avec appréhension le défilé traditionnel en l'honneur de Jeanne d'Arc qui rassemblait dans la matinée des milliers de militants, avec en tête de cortège Marine Le Pen.
Pour M. Lepaon, la mobilisation du 1er mai est l'occasion de réclamer du gouvernement de gauche un "changement de cap" et "une autre politique économique et sociale". Le leader de la CGT prendra dans l'après-midi la tête du défilé parisien entre la Bastille et la place de la Nation. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, lui, tient un meeting en fin de matinée dans la banlieue de Reims avec son homologue de l'Unsa, Luc Bérille, et de la CFTC, Philippe Louis. L'initiative est inédite et augure un début de front uni des réformistes.
Pour M. Berger la division était inévitable: "la CGT manifeste contre l'accord" sur la sécurisation du travail et "on n'allait pas manifester ensemble", a affirmé M. Berger. "Nous allons manifester un peu partout en France avec la CFTC et l'Unsa pour dire: il faut une Europe qui ne soit plus une Europe de l'austérité, et il faut appliquer vite les mesures pour l'emploi et notamment cet accord du 11 janvier", a-t-il expliqué. Force ouvrière, elle, fait, comme souvent, cavalier seul et organise notamment un rassemblement au Mur des fédérés à Paris en hommage à la Commune. La centrale organise des meetings et des rassemblements dans 22 départements et son numéro un, Jean-Claude Mailly sera à Laval. Opposé, comme son homologue de la CGT à l'accord emploi, M. Mailly a minimisé la portée des divisions, estimant que les 1er mai unitaires "sont rares". "Pour nous c'est une journée où on ré-exprime nos revendications" et c'est une journée de "solidarité internationale", a-t-il affirmé.
Au moment où le nombre de chômeurs atteint un record historique (3,2 millions) et que chaque jour apporte son lot d'annonces de suppressions d'emploi, la majorité des Français (57%) estime que la défense de l'emploi doit être le premier objectif des syndicats, selon un sondage CSA. "La seule priorité qui vaille c'est l'emploi, le seul objectif c'est l'emploi", avait affirmé mardi le président François Hollande. A la veille des défilés, les députés socialistes ont opportunément mis sur la table de l'Assemblée nationale une proposition de loi sur la reprise des sites rentables, un texte qui complèterait l'accord emploi dans le sens voulu par les syndicats, au grand dam du Medef qui dénonce une "aberration".
Ce 1er mai donne aussi le signal d'une série de mobilisations politiques dirigées contre François Hollande: outre le défilé frontiste mercredi, les communistes et
Jean-Luc Mélenchon sonneront la charge contre l'austérité dimanche, jour choisi aussi par les opposants au mariage homosexuel pour se rassembler avant leur manifestation nationale du 26 mai.