Le conseil de discipline qui examine pendant deux jours à Marseille le sort de six policiers de l'ex-BAC Nord, a voté mardi la révocation de deux fonctionnaires et un an de suspension ferme pour un troisième, selon une source proche de l'enquête, en l'absence des syndicats.
Âgés de 34 à 52 ans, ces "ripoux" présumés avaient été mis en examen en octobre 2012 pour vol et extorsion en bande organisée aux dépens de dealers et écroués pendant deux mois et demi. Le premier policier concerné par la mesure de révocation est accusé d'avoir dérobé une vingtaine de barrettes de cannabis, retrouvées à son domicile. Son père Joël Dutto, un élu communiste des quartiers Nord, avait pris la parole la semaine dernière pour dénoncer "le scandale", à ses yeux, de l'enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), pointant les failles du dossier. Le second a reconnu avoir trouvé une sacoche contenant 540 euros et gardé l'argent "sans pouvoir expliquer son geste". Le troisième "baqueux", entendu dans la soirée, échappe à la révocation, mais se retrouve sous le coup d'une mesure de 24 mois de suspension, dont 12 avec sursis, ce qui signifie qu'il ne pourra pas réintégrer la police pendant une durée d'un an.
Le conseil de discipline doit encore examiner trois autres dossiers mercredi. Les deux syndicats, qui siègent aux côtés des cadres de l'administration dans cette instance paritaire chargée de se prononcer sur des fautes déontologiques, réclamaient le renvoi des travaux, dans l'attente des conclusions judiciaires, mais ils n'ont pas obtenu gain de cause et n'ont donc pas participé aux délibérations. "L'administration est seule face à ses responsabilités", a réagi dans la matinée le délégué zonal adjoint d'Alliance, David-Olivier Reverdy, évoquant une "enquête montée totalement à charge" qui "se délite au fil du temps". Alliance et Unité SGP-Police FO avaient boycotté la précédente commission mi-novembre, entraînant son renvoi faute de quorum. Cette fois, leur présence n'était pas nécessaire pour statuer sur le sort des fonctionnaires. Ils pointent un décalage entre les faits reprochés et les accusations portées à l'automne 2012 par le procureur qui avait parlé d'"une gangrène". Après un arrêt forcé de six mois (d'octobre 2012 à avril 2013), les policiers ont d'ailleurs tous été autorisés par la justice à reprendre leur travail, en uniforme et en dehors des Bouches-du-Rhône.
Des révocations "pour l'exemple"?
L'enquête de l'IGPN, consultée par l'AFP, a mis au jour la récupération, lors de contrôles, de cigarettes et stupéfiants sans qu'aucune procédure ne soit rédigée. Des produits ensuite détruits ou remis à des "indics", pratique courante dans les petites affaires, ont assuré les intéressés en garde à vue. Ceux-ci admettent avoir "flirté avec les lignes", en accord avec leurs supérieurs, pour obtenir des résultats. La BAC (Brigade anti-criminalité) Nord, depuis dissoute par le ministre de l'Intérieur qui a unifié les trois divisions, réalisait environ 4.000 interpellations par an, dont 45% de délits de voie publique, ce qui en faisait "la meilleure BAC de France". Aucune preuve d'enrichissement personnel ou de système organisé n'a en effet pu être apportée à ce stade. Parti de rumeurs, le dossier s'appuie sur les témoignages de trois policiers controversés, dont un révoqué, Sébastien Bennardo, qui a raconté dans un livre comment il a participé à l'investigation "secrète" de la police des polices, dans l'espoir d'obtenir sa réintégration. Et ce avec le concours de deux collègues... évincés de la BAC, dont l'un est aujourd'hui visé par une information judiciaire pour "travail dissimulé" et "abus de biens sociaux", selon le parquet. Reste la quarantaine de conversations interceptées à l'aide de micros placés dans des véhicules de la BAC. "Accablantes" d'après le procureur, elles sont parfois difficiles à saisir, mal retranscrites ou sorties de leur contexte.Une vingtaine d'autres "baqueux" ont déjà été sanctionnés de blâmes et suspensions temporaires de service (jusqu'à trois mois ferme). Le vote du conseil de discipline devra ensuite être entériné par la Direction des ressources et compétences de la police nationale (DRCPN) à Paris, qui décide en dernier ressort, confirmant presque toujours l'avis du conseil. Chaque fonctionnaire aura la possibilité, une fois que la sanction lui sera notifiée, d'exercer un recours.