Encore mal connue du grand public, l'apnée du sommeil qui se manifeste par des arrêts brefs et involontaires de la respiration, bénéficie aujourd'hui de traitements mécaniques efficaces mais pas toujours bien tolérés par les patients, selon les pneumologues.
"C'est une maladie sous diagnostiquée, alors qu'elle augmente sensiblement le risque de maladies cardiovasculaires et d'accidents du travail et de la route, en raison de la somnolence qu'elle provoque", résume le Dr Francis Martin, président du Collège des pneumologues des hôpitaux généraux (CPHG).
Un congrès à Marseille
Les apnées du sommeil seront l'un des points forts du 18e Congrès de pneumologie de langue française qui s'ouvre vendredi à Marseille. Elles affectent environ 5% de la population française et en priorité les hommes (7,3% sont touchés contre 2,8% des femmes) ainsi que les personnes âgées ou en surpoids, selon l'Institut de veille sanitaire (InVS). Provoquées par un relâchement de la langue et des muscles de la gorge qui bloquent le passage de l'air lors de la respiration, les pauses respiratoires peuvent durer entre 10 et 30 secondes et se répéter une centaine de fois par nuit, entraînant des "micro-réveils" et un sommeil de mauvaise qualité.Selon le Pr Jean-Louis Pépin, pneumologue au CHU de Grenoble, les symptômes qui doivent alerter le médecin traitant sont bien connus. "Il s'agit classiquement du patient en surcharge pondérale, ronfleur, amené par son épouse en consultation. Il se réveille fréquemment la nuit, il est fatigué, somnolent, dans la journée, un peu irritable voire dépressif". Pour autant, souligne le Dr Martin, ronflement et apnée du sommeil ne vont pas toujours de pair, car "si tout apnéique ronfle, tout ronfleur n'est pas apnéique". Pour les distinguer, les pneumologues tiennent compte de symptômes comme la somnolence diurne, les troubles de la vigilance, la fatigue, l'hypertension, les céphalées matinales ou le fait de se lever plusieurs fois la nuit pour uriner (nycturie). Mesurées grâce à un test qui peut être réalisé à domicile, les pauses respiratoires sont jugées problématiques dès que leur nombre dépasse 10 à 15 par heure. Le traitement est systématique lorsqu'elles dépassent 20 ou 30 par heure.
Aucun traitement médicamenteux
Principal traitement à l'heure actuelle, la ventilation en pression positive continue (PPC) consiste à insuffler de l'air par le nez en continu grâce à un masque porté la nuit. Mais les pneumologues reconnaissent que, malgré de gros progrès dans le confort et le silence des appareils, 15 à 20 % des patients refusent ce traitement. Quant à ceux qui en sont équipés, soit environ 600.000 personnes à l'heure actuelle en France, plus de 10 % l'utilisent de manière trop irrégulière. Pour être efficace, le masque doit être porté entre 4 et 5 heures au minimum par nuit, précise le Dr Martin. Une alternative est l'orthèse d'avancée mandibulaire (OAM), un appareil dentaire réalisé sur mesure qui vise à pousser la mâchoire inférieure vers l'avant afin de dégager le fond de la gorge et permettre un meilleur passage de l'air. Des douleurs à la mâchoire ou aux dents peuvent dans certains cas entraîner son abandon.Les deux traitements sont remboursés par l'Assurance maladie, mais la prise en charge de la PPC est depuis l'an dernier conditionnée au respect du traitement (observance), une grande première en France. Pour pouvoir bénéficier du remboursement à taux plein, le patient, contrôlé par télétransmission, est contraint d'utiliser son appareil "au moins trois heures par jour", une mesure qui a suscité des critiques de la part de la principale association de patients apnéiques. Les pneumologues relèvent qu'il n'existe actuellement aucun véritable traitement médicamenteux de l'apnée, même si des essais sont en cours pour tester différentes substances. Une autre piste d'avenir pourrait être l'implantation d'un stimulateur électrique (ou pacemaker) sous la peau du thorax permettant d'activer le nerf moteur de la langue. Des essais cliniques sont en cours tant en France qu'à l'étranger.