Ainsi que nous le révélions dès le 3 mai dernier, trois scénarios ont été présentés à tous les acteurs du dossier. Avant un conseil de surveillance de la SNCM qui sera déterminant , les médias évoquent depuis le 6 mai, un montant de 800 millions. Décryptage(s) par Alain Verdi.
Les partenaires de la SNCM connaissent le contenu des différents plans de financement destiné à renouveler une partie de la flotte qui doit effectuer la Délégation de Service Public (DSP), entre Marseille et la Corse.
Le financement d'une Société d'Economie Mixte (SEM), semble tenir la corde.
Différentes hypothèses et des inquiétudes
Les propositions financières sont au nombre d’une dizaine, regroupées en trois scénarios.Le 29 Avril dernier, ils ont été présentés aux actionnaires de la compagnie. Les différentes hypothèses financières ont été étudiées par un cabinet spécialisé, sous l’égide de la Caisse des Dépôts (CDC), de la Banque Publique d’Investissement (BPI) et de l’État.
Ces trois plans vont d’un financement bancaire classique, à une Société d’Economie Mixte (SEM), en passant par l’appel à un partenaire extérieur.
A ce jour, rien n’est officiellement arrêté. Les différents scénarios doivent être étudiés le lundi 12 Mai, au cours d’un Conseil de Surveillance qui se tiendra à Marseille.
En découvrant les différentes hypothèses, des inquiétudes se font jour.
En réalité, un seul des volets présentés déboucherait sur la relance de la compagnie et la poursuite pérenne de son activité vers l’ensemble des ports du continent français, comme ceux d’Algérie et de Tunisie.
Ce n’est pas cette option qui est préconisée par le rapport.
Le scénario mis en avant est, celui d’une SEM.
Cette hypothèse induit une réduction considérable de l’activité de la compagnie, voire sa disparition.
Dans ce cas, les coûts sociaux et économiques seront considérables, sur le continent et dans l’île.
Mais le projet de financer la seule SEM n’est pas la priorité du Conseil prévu le 12 Mai.
Ce jour là, l’enjeu principal sera la reconduction ou l’éviction du Président du Directoire de la compagnie. Le résultat du vote sera déterminant pour la suite des événements.
Trois scénarios au départ…
Le rapport de synthèse du cabinet Linklaters a été remis aux actionnaires de la SNCM (État, Transdev, actionnaires salariés représentés par la CFE-CGC et la CGT).La réunion s’est tenue en présence de représentants du Secrétariat d’État aux transports.
L’intitulé du rapport en dit long sur l’esprit des rédacteurs. Il s’agit d’étudier les plans juridiquement réalisables, « pour financer les nouveaux navires de la Délégation de Service Public entre les ports corses et Marseille ».
Le titre et les propositions du rapport laissent entendre que le renouvellement de la flotte et la forme de la compagnie qui naviguerait, ne passent pas obligatoirement par la poursuite de l’existence d’une SNCM.
Cela n’est pas dit aussi précisément, mais sous entendu.
En résume ce rapport contient trois grosses idées divisées en plusieurs sous scénarios.
Pour simplifier, voici les trois grands axes, de base, pour l’acquisition de navires :
1) Un financement « en direct » de la SNCM par le circuit bancaire.
2) Le passage par le « crédit-bail fiscal organisés par la SNCM ou bien d’autres investisseurs. La SNCM restant la société opératrice.
3) Les navires sont acquis par des Collectivité Territoriales concernées par la DSP. Un opérateur délégataire est l’armateur.
Ce dernier scénario peut se faire sous deux formes différentes de sociétés : soit une SEM (Société d’Economie Mixte), avec une ou des Collectivités territoriales alliées à des entreprises privées, ou bien une SPL (Société Publique Locale) entièrement publique.
… un seul à l’arrivée
Le document de 79 pages peut être résumé à travers les trois grandes familles de financement :-La première pose ouvertement ses limites. Après une série de campagnes négatives dans la presse et une représentation agressive de la compagnie, il parait improbable que des banques ouvrent des lignes de crédit à la SNCM.
-La deuxième serait la plus intéressante, selon les initiateurs de cette idée.
Il s’agit d’un scénario qui a l’oreille du Directoire de la compagnie et qui est porté par une entreprise « étrangère », le groupe norvégien Siem qui n’est pas nommé.
Une ou des sociétés investissent dans la flotte, avec un soutien public, laissant la navigation à la SNCM. Cette hypothèse permet à l’État de régler les contentieux européens.
Les rapporteurs ne croient pas à la solidité du montage financier basé sur l’axe d’’crédit bail fiscal, il rejette ce scénario.
Le groupe de travail qui a rédigé le rapport (DDC, BPI, État) envisage l’hypothèse où les navires seraient construits en France (chantiers STX de Saint Nazaire.
Cependant le scénario des navires construits et financés à l’étranger n’est pas étudié. Selon le rapport « aucun projet concret ne lui a été soumis en ce sens ».
-La troisième nous amène au projet de SEM. Le rapport envisage ce schéma avec intérêt, mais propose aussi la solution SPL.
Les rapporteurs rappellent que des collectivités concernées, dans la zone géographique, peuvent participer à une Société Publique Locale (CTC, Région PACA, commune de Marseille, Département des Bouches du Rhône).
Le rapport fait une impasse importante, il oublie de dire, qu’à l’exception de la CTC, les autres collectivités on déjà dit qu’elles n’étaient pas intéressées, sauf du Département des Bouches du Rhône présidé par Jean Noël Guérini.
Ce dernier est loin d’être apprécié du gouvernement.
SEM ou SLP, les rapporteurs considèrent que ces deux options sont « pertinentes ».
Une DSP remise en question
Quelle que soit le schéma choisi, le groupe de travail signale que la DSP risque d’être annulée.Autrement dit, l’actuelle DSP, qui a démarrée - depuis Janvier 2014, pour dix ans - devrait être renouvelée et la CTC pourrait lancer un nouvel appel d’offres.
La DSP en cours est le résultat de longues et difficiles négociation.
Sa mise à bas pourrait porter les ferments de graves crises à venir.
Quel Directoire pour quelle flotte ?
La question du financement n’est pas la plus importante, pour l’heure.Le lundi 12 Mai, le Conseil de Surveillance devra se prononcer sur le maintien, ou non, de l’actuel Président Marc Dufour.
Son mandat se termine fin Mai, le vote du 12 est donc stratégique.
Marc Dufour est opposé au « plan SEM ». Il lui préfère une continuité de l’ensemble de l’activité de la SNCM.
Le Président de l’actionnaire Transdev est opposé à un plan de relance et souhaite mener l’entreprise devant le tribunal de commerce de Marseille.
Pour cela, Transdev proposera l’éviction de l’actuel Pdt du Directoire, pour placer un « homme sur ».
Le vote des représentants de l’État sera donc déterminant.
S’ils s’abstiennent, attitude envisagée par certains observateurs, Marc Dufour sera « débarqué ».
Cela voudra dire que l’État soutien le « plan SEM » et donc la fin de la SNCM.
SNCM: trois scénarios et beaucoup de... par France3CorseViaStella
Les indiscrétions chiffrées du "Canard enchaîné" du 5 mai
L'Etat pourrait débourser discrètement jusqu'à 800 millions d'euros pour permettre à la SNCM de financer quatre nouveaux navires grâce à un montage qui permettrait d'éviter une nouvelle sanction de Bruxelles, écrit Le Canard enchaîné à paraître mardi 5 mai.
Selon l'hebdomadaire, un rapport "remis confidentiellement le 29 avril" au secrétaire d'Etat aux Transports Frédéric Cuvillier par la Caisse des dépôts et bpifrance, recommande cette intervention de l'Etat.
Le Canard précise que le document a été "rédigé avec l'aide du cabinet d'avocats d'affaire Linklaters".
Interrogé par l'AFP, l'entourage de M. Cuvillier a confirmé qu'un rapport avait été remis au ministre mais aussi à l'actionnariat salarié et au directoire "il y a une semaine", mais qu'il ne contenait pas les conclusions détaillées par le Canard.
Selon le journal, parmi les pistes envisagées pour dégager les 800 millions nécessaires au financement des quatre nouveaux navires qui permettraient à la compagnie de transport maritime de se remettre à flot, le rapport écarte l'arrivée d'un investisseur "en raison de la déliquescence avancée de la compagnie".
Selon le journal, il écarte également la reprise par le Norvégien Siem qui est en discussion depuis plus d'un an avec la SNCM.
"Reste alors la main secourable des pouvoirs publics qui veulent à tout prix éviter l'explosion d'une bombe sociale à Marseille", rapporte le Canard, rappelant que la compagnie emploie 2.500 salariés.
Selon l'hebdomadaire, "le rapport privilégie la constitution d'une société publique locale (SPL) ou d'une société d'économie mixte (SEM) par la région Corse qui achèterait elle-même les navires pour les louer à prix d'ami à la SNCM". En échange, l'Etat compenserait avec une subvention à la région.
"En aucun cas, il n'est fait mention dans le rapport d'une subvention qui serait versée à la région Corse", a assuré l'entourage de M. Cuvillier,
rappelant que "l'objectif est de trouver une solution pérenne" et "conforme aux traités" européens. (Source: Agence France Presse).
Le Marin confirme les révélations de France 3 Corse
"Le site France 3 Corse et le blog Pericoloso Sporgersi -souligne l'hebdomadaire de l'économie maritime dans son édition du 5 mai- ont révélé vendredi les trois scénarios du document que le marin s’est également procuré : financement bancaire classique, financement par crédit-bail avec l’entrée d’investisseurs extérieurs (Siem Industries est le seul candidat déclaré) et création d’une société d’économie mixte (Sem) avec des partenaires privés ou une société publique locale (SPL), 100 % publique. La Sem, déjà poussée en Corse qui a financé une étude de faisabilité, est la solution privilégiée par le rapport. Elle n’assure en rien un avenir à la SNCM. Au mieux, son périmètre serait ramené à un rôle de simple opérateur délégateur assurant la délégation de service public avec des nouveaux navires qui ne lui appartiennent pas. Loin de sa dimension actuelle.Au pire, c’est un autre prestataire qui serait choisi par les collectivités locales participantes à la Sem, le tout sur fond de risque d’annulation (suite à une nouvelle plainte en cours de Corsica Ferries France devant la justice administrative) de l’actuelle délégation de service public Marseille-Corse. Susceptible, si elle est annulée, d’être relancée avec un nouvel opérateur…"