Kerviel refuse de quitter l'Italie, exclut de demander une grâce à Hollande

L'ex-trader Jérôme Kerviel, attendu en France pour purger une peine de prison, a choisi samedi de faire durer le suspense, refusant de quitter l'Italie et excluant de demander une grâce présidentielle dont le possible examen avait pourtant été évoqué par l'Elysée.

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L'ex-trader Jérôme Kerviel, attendu en France pour purger une peine de prison, a choisi samedi de faire durer le suspense, refusant de quitter l'Italie et excluant de demander une grâce présidentielle dont le possible examen avait pourtant été évoqué par l'Elysée.

"Selon la procédure habituelle"

La présidence, sollicitée par l'ancien courtier de la Société générale, qui réclame une immunité en faveur de témoins dans son dossier, avait indiqué samedi que si Jérôme Kerviel sollicitait une grâce présidentielle, sa demande serait examinée "selon la procédure habituelle", après "une instruction et un avis de la Chancellerie".
Reportage: L. Verdi, F. Cerulli et D. Roux

Prêt à effectuer sa peine

Ce à quoi l'intéressé a répondu par la négative. Il s'est dit "prêt à effectuer (sa) peine de prison", sans toutefois indiquer s'il répondrait d'ici dimanche soir à sa convocation au commissariat de police de Menton, relevant que l'Elysée n'avait pas répondu à sa demande.

Arrivé à quelques dizaines de mètres de la frontière, en bord de mer, tout près de Menton, Kerviel, de retour de deux mois et demi d'un parcours pédestre en Italie, avait auparavant annoncé sa décision de ne pas rejoindre la France, face à une nuée de caméras.


"J'attends côté italien"

"J'attends, côté italien, la réponse de François Hollande sur l'immunité que je demande pour ces personnes qui sont prêtes à parler", avait-il dit, après avoir fumé longuement face à la mer, entouré de ses soutiens.

"S'ils veulent venir me chercher, qu'ils viennent me chercher", avait-il ajouté, à propos de la police française.


Lui et son défenseur estiment que "la lumière n'a pas été faite sur cette affaire", selon les termes de l'avocat David Koubbi, pour qui "il est temps de ne pas avoir peur de la Société générale, du système bancaire".Selon Me Koubbi, les connaisseurs du dossier susceptibles de parler font partie de "l'appareil judiciaire français".

D'ici dimanche soir, M. Kerviel "est un homme libre et il jouira du panorama", avait ajouté le conseil devant la mer.
De fait, l'ex-trader de 37 ans, condamné à cinq ans de prison dont trois ferme pour des opérations ayant fait perdre 4,9 milliards d'euros à sa banque, n'est pas encore considéré comme en fuite par les autorités judiciaires. Au-dela seulement,
le parquet général de Paris pourra décider de décerner un mandat d'arrêt international.


Symbole

Symbole voici six ans des dérives ayant mis à terre le système bancaire mondial, aujourd'hui métamorphosé en repenti et victime du système, Jérôme Kerviel avait quitté samedi matin son hôtel de Vintimille, direction la France, à 12 km.
"Plus que jamais, je suis heureux de retrouver mon pays", avait-il déclaré, après avoir assisté à une messe célébrée par Mgr Jean-Michel di Falco, président de son comité de soutien.

Près de la frontière, il était attendu par une centaine de personnes. Comme un responsable communiste niçois, Robert Injey, qui estime qu'on s'attaque "toujours aux petits":

"On a juste fait sauter un fusible, mais il était aux ordres". 


Pèlerin marchant pour sa rédemption

Parmi ses autres soutiens, le père Gourrier, de Poitiers, muni d'un sac à dos avec une citation du pape François ("Non à la dictature de l'économie sans visage"), a marché à ses côtés jusqu'à la frontière. Racontant l'avoir rencontré il y a une semaine, il s'est engagé à terminer la marche de son protégé si celui-ci était incarcéré avant d'arriver à Paris.

"J'espère qu'il ne sera pas arrêté. Le parquet peut différer l'exécution de la peine pendant cinq ans", a-t-il dit. L'ex-banquier avait entamé sa longue marche en Italie le 5 mars après une rencontre, "décisive" à ses yeux, avec le pape à Rome en février.

"La violence du tapage médiatique orchestré ces derniers jours par Jérôme Kerviel et son entourage, mêle mensonges, amalgames et approximations, et nécessite une mise au point",


a réagi samedi la direction de la Société générale, qui ajoute que la justice a "confirmé sans équivoque" "la responsabilité pénale exclusive" de Jérôme Kerviel.

Perte de 4,9 milliards d'euros

En octobre 2010, Jérôme Kerviel, jugé seul responsable de la perte subie par sa banque, avait été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme (peine dont il a déjà purgé 41 jours en détention provisoire début 2008).
Le trader avait dissimulé (en introduisant de fausses données dans un système automatisé) ses prises de risques sur des produits financiers dérivés, entraînant une perte abyssale de 4,9 milliards d'euros pour sa banque.

Alors qu'il était aussi condamné à rembourser cette somme, la Cour de cassation a créé un coup de théâtre en mars en cassant cette obligation - tout en maintenant la condamnation pénale, et la peine de prison. Une "victoire" pour l'ex-trader qui accuse sa banque d'avoir "menti". Un nouveau procès au civil doit se tenir devant la cour d'appel de Versailles.

Montré du doigt lorsque l'affaire éclata en janvier 2008, il cultive désormais l'image du pèlerin marchant pour sa rédemption, s'extasiant de la "richesse" des hommes et femmes rencontrés sur son chemin.

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